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Full text of "Commentaires de Charles-Quint"

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COMMENTAIRES 



DE 



CHARLES-QUINT. 



COMMENTAIRES 



DR 



CHARLES-QUINT 



PUBLIES POUR LA PREMIERE FOIS 



par 



LE BARON KERVYN DE LETTENHOVE 



MEMBRE DK L ACAUEMIB ROYALE DF. BELGIQI!E 



PARIS 
FIRMIN-DIDOT FRÈRES, FILS & C 

IliPKIMIVSS-LIBBAIBES 

Rue Jacob, 86 



BRUXELLES 
FERDINAND HEUSSNER 

LTBKAIRE - EDITEUR 

i6. Place Saiote-Gudulc 



1862 



TOUS DROITS EKSERVES 



UruN*.'ll<-!$. — Imp. lie V'c Parent et Fils. 



T-. y 






\'. 






INTRODUCTION, 



Depuis quelques années, raltenlion des esprits 
les plus éminents s'est vivement portée sur Tétude 
de rhistoire du xvi* siècle, et Charles-Quint, qui y 
occupe la première place, a dû à plus d'impartialité, 
autant qu'aux révélations d'un grand nombre de 
documents inédits, une tardive réhabilitation. Là 
où l'on était d'accord pour accuser son ambition, 
on a reconnu des convictions sincères, que n'arrê- 
tèrent ni de nombreux obstacles, ni de longues 
souffrances; et son abdication même, en le montrant 
supérieur à toutes les grandeurs qu'il avait traver- 



— VI — 



sées, a ajouté aux dernières années de sa vie une 
auréole calme et sereine dont il y a peu d'exemples 
dans la carrière agitée des dominateurs du monde. 
Ce ne sont plus seulement les historiographes, 
les coronistes officiels que Ton consulte aujourd'hui: 
ce sont surtout ces narrateurs intimes qui, sans 
chercher à relever leurs récits par une pompe qui 
excite toujours quelque défiance, y mettaient plus 
de vérité. Tantôt, il faut recourir aux rapports 
confidentiels des habiles négociateurs de Venise 
pour juger l'empereur à l'apogée de sa puissance ; 
tantôt, pour le suivre dans le repos qu'il chercha 
à l'ombre d'un cloître, il faut interroger les pieux 
souvenirs de ces moines hiéronymites qui le 
voyaient de jour en jour s'incliner vers la tombe 
où devaient le suivre leurs prières. Le même intérêt 
s'attache aux épîtres familières écrites par ses plus 
fidèles serviteurs, et parmi celles-ci, il n'en est pas 
de plus précieuses que les lettres adressées à Louis 
de Praet par Guillaume Van Maie qui avait admiré 
de près la gloire de l'empereur avant de gravir 
avec lui ce rude passage de Puerto -Novo où 



— VII — 

Charles-Quint s'écria : « Voilà le dernier passage 
» que j'aurai à franchir avant celui de la mort ! » 
Guillaume Van Maie était né à Bruges. Sa famille 
semble n'avoir pas été de fort ancienne noblesse, 
et il était peu favorisé des dons de la fortune. 
Pendant longtemps, son unique occupation avait 
été de s'enfermer dans sa bibliothèque qu'il nom- 
mait plus tard « la chère prison de sa jeunesse. » 
Enfin-, il s'était vu réduit à aller chercher fortune 
en Espagne et s'était attaché au duc d'Albe qui 
n'était encore que le généreux et brillant capi- 
taine qu'on appelait le père des soldats : il avait 
pu arriver ainsi jusqu'au cabinet de l'empereur, 
non pas pour y solliciter l'honneur de ceindre l'épée, 
mais pour y consulter un manuscrit de la relation de 
la guerre d'Allemagne par don Louis d'Avila, bien 
plus complet que celui qui avait été publié en espa- 
gnol en 1548. Guillaume Van Maie fit si bien qu'il 
lui fut permis de le traduire en latin, et grâce à 
la recommandation soit du duc d'Albe (1), soit de 

(1) Gosme de Médicis avait épousé une cousine du duc d'Albe, 
Éiéonore de Tolède. 



— yiii — 

Louis d'Avîla lui-même, Cosme de Médicis, le grand 
Cosme, comme l'appelle Brantôme, accepta la dédi- 
cace de celte œuvre qui retraçait dans un style pur 
et élégant, des événements récemment accomplis. 
A la On de Tépitre offerte au duc de Florence, 
Guillaume Van Maie s'exprimait en ces termes : 
« Si l'on juge que je ne réponds pas assez complé- 
» tement aux reproches qui pourraient m'étre 
» adressés, il faut qu'on s'incline du moins devant 
» le jugement si solide et la haute raison de l'illustre 
» seigneur de Praet. Celui-ci toujours animé d'un 
» zèle admirable envers les savants, a bien voulu 
» lire attentivement ce livre avant qu'il fût pubUé, 
» et a fait passer sur tout ce qui lui semblait rude 
» et grossier, la lime de son esprit éclairé (1). » 

(t) Qua ralionc, si obirectatoribus per me non facium esl satis, 
vereantur sanè necesse esl Illuslriss. D. Pratensis acerrimum 
judicium el graviiatem. Is enim pro incredibiii quadam erga 
studiosos omnes bumanitate, libellum prius qiiam ederetur, diii- 
genler perlegil, quœque inexpolila e( rudia viderenlur, iis per- 
spicacissimi ingenii sui limam addidit. Ipse ilaque celsitudinem 
(uam in parlem defensionis juvabll, si vitililigatorum taedio el 
moieslia affeclus, eos ad lanlam Principis viri dignilatem el 
erudilionem relegaveris. 



— IX — 

On comprend que Guillaume Van Maie ait ajouté 
beaucoup de prix à l'approbation du seigneur de 
Praet qui était chevalier de la Toison d*or et chef 
des finances dans les Pays-Bas, et qui de plus pos- 
sédait à Bruges la charge de grand bailli (1). 
A ce témoignage des relations dont s'honorait le 
traducteur du travail de Louis d'Avila, il faut 

(t) Louis de Flandre, seigneur de Praet, descendait de Louis 
de Maie, dernier comte de Flandre. Sa mère, Isabelle de Bour- 
gogne, était, également en ligne illégitime, arrière-pelite-tille 
de Philippe le Bon; sa grand'mère, Louise de la Gruthuse, avait 
pour frère cet illustre seigneur de la Gruthuse qui ne s honora 
pas moins par Thospilalité que lui dut le roi Edouard d York, que 
par la protection qu'il accorda aux lettres en faisant copier des 
manuscrits enrichis de somptueuses miniatures. Louis de Praet 
partageait les mêmes goûts. Xénophon, Platon, Polybe, Cicéron, 
Sénèque, formaient ses lectures favorites; il correspondait avec 
Vives et Viglius, et Thistorien des comtes de Flandre, Jac- 
ques Meyerus lui adressa une ode où il lui disait : a Toutes les 
» muses te portent jusqu'au ciel. Les historiens, qui racontent 
» les hauts faits et les poêles qui les chantent, t'appellent leur 
» père et leur Mécène. Tu es notre gloire et Thonneur de notre 
» pays, ô loi qui comptes parmi tes ancêtres les rois et les 
» princes auxquels a obéi la Flandre. Par quelles louanges pour- 
» rais-je assez le célébrer? La noblesse de ton origine est re- 
» haussée par tant de vertus, elle s'est révélée au monde par 
» tant d'actions éclatantes que, lors même que le vieil Homère, 
» chantre des rois de la Grèce, reviendrait parmi nous, ses 
i> chants sers^ient inutiles à ta gloire. » 



X — 



joindre quelques lignes où il proclame la mission 
qui incombe aux lettres, de perpétuer la gloire 
de l'empereur, et où il insiste sur la légitime auto- 
rité de rhistorien, lorsqu'il lui a été donné de pren- 
dre une part éclatante aux exploits retracés dans 
ses récits. 

11 est probable que Guillaume Van Maie revint 
à Bruxelles avec le duc d'Albe et le fils de Charles- 
Quint. Van Maie, qui aspirait à Thonneur d'écrire 
les annales contemporaines des Pays-Bas, ne de- 
vinait sans doute pas l'avenir, quand il vit ce jeune 
prince, qui fut plus tard Philippe II, présider à une 
fête, entre le duc d'Albe et les comtes d'Egmont 
et de Hornes, sur cette grand' place de Bruxelles, 
où depuis... Mais alors la patrie ne se présentait 
au cœur de Van Maie qu'entourée des images de la 
prospérité et du bonheur (1), et il suppliait Louis 
de Praet de lui trouver quelque position honorable 
qui pût le conduire à la charge d'historiographe 
belge de l'empereur. 

; (1) Malinœum (uum plane beaveris. {Lettres de Guillaume Van 
Maie, publiées par M. de Reiffenberg, p. 40.) 



— XI 



Ce fut vers les fêles de Pâques 1 550, que Louis 
de Praet obtint que Guillaume Van Maie entrerail 
comme ayuda de câmara dans la maison de l'em- 
pereur, et Charles-Quint qui aimait les lettres et 
regretlaît de ne pas les avoir assez cultivées pen- 
dant sa jeunesse, l'admit aussitôt dans son intimité. 
Charles-Quint se borna-t-il à faire répéter à Guil- 
laume Van Maie certains récits que celui-ci avait 
empruntés à Louis d'Avila? AUa-t-il jusqu'à lui 
demander de lui expliquer, d'après le texte latin, les 
Commentaires de César qu'il ne connaissait que 
par une traduction dans la langue de Dante et de 
Machiavel? Il est seulement permis de le supposer; 
mais ce que nous savons avec plus de certitude, 
c'est que tous les jours l'empereur l'honorait de 
longs entretiens, que sans cesse Van Maie lisait 
ou écrivait sous sa dictée , près de sa table ou au 
coin du feu, même la nuit à côté de son lit (1), 
et qu'il était en quelque sorte, comme il le dit lui- 



(1) Quolidiaoum colloquium. . Ad focum... In leclione noc- 
iurna... [Lettres de Guillaume Van Maie, pp. 26, 27, 35, 43.) 



— Xll — 

même, lié à un poteau par ses fonctions et ses oc- 
cupations (1). 

Le 31 mai 1550, Charles -Quint avait quitté 
Bruxelles pour se rendre en Allemagne où l'appe- 
laient des affaires importantes. Arrivé à Cologne, il 
s'embarqua le 14 juin sur le Rhin, et mit cinq jours 
à atteindre Mayence. Guillaume Van Maie , qui ac- 
compagnait l'empereur, se hâta d'écrire de Mayence 
à son illustre ami Louis de Praet; mais cette 
lettre dont on ne saurait assez regretter la perte, 
n'existe plus, et nous ne connaissons ce qu'elle 
renfermait (2) que par une rapide récapitula- 
tion (3) que Van Maie inséra dans une autre lettre, 
également adressée au seigneur de Praet et écrite 
à Augsbourg le 17 juillet 1550. Nous la reprodui- 
rons ici en empruntant la fidèle traduction qu'en 
a publiée M. Mignet. 

« Dans les loisirs de sa navigation sur le 

(1) Tanquam ad palum alligatus. [Lettres de Van Maie, p. 54) 

■ 

(2) Inteiligo nullase mcis (lilleris) tibi reddilas esse... Scrip- 
seram fusissime... Despero hujus inforlunii memor quod liUerse 
mese sint interceplae. {Ibid., pp. 11 et 12.) 

(3) Brevem anacephaleosim. {Ibid., p. 12.) 



— XHI — 

» Rhin, l'empereur, livré aux plus libérales occu- 
» pations sur son navire , a entrepris d'écrire ses 
» voyages et ses expéditions, depuis Tannée 151 S 
» jusqu'à présent. L'ouvrage est admirablement 
» poli et élégant, et le style atteste une grande 
» force d'esprit et d'éloquence. A coup sûr, je 
» n'aurais pas cru facilement que l'empereur pos- 
» sédât des qualités pareilles, puisqu'il m'a avoué 
» lui-même qu'il n'en devait rien à l'éducation et 
» qu'il les avait entièrement puisées dans ses seules 
» méditations et dans son travail. Quant à l'autorité 
» et à l'agrément de l'ouvrage, ils consistent sur- 
» tout en cette fidélité et cette gravité auxquelles 
» l'histoire doit son crédit et sa puissance (1). » 

[i) Scripsi e Mogunciaco Gsesaris iter; liberalissimas ejus 
occupaliones in navigatione fluminis Rheni , dum oili occa- 
sione invitalus, scriberel in navi peregrinatrones suas el ex- 
peditiones, quas ab anno XV in prœsenlem usque diem sus- 

cepissel Libeilus esl mire (ersus el elegans, utpole magna 

ingenii eleloquenliae vi conscriplus. Ego eerle non lemere credi- 
dissem Gœsari iilas qnoque dotes inesse, quum, ul ipsc mihi 
fatetur, nihil laiium rerum ins(i(u(ionesiteonsecu(us,sed sola 
medilalione el cura. Quod allinel ad auctoramentum et graliam, 
vide, obsecro, quibus fuicris innilenlur. scilicet fideeldignilale, 
(juibus potissimun) duobus et commendatur el vigel bisloria. 



— XIV — 

Guillaume Yan Maie ajoutait dans un post- 
scriptum : « L'empereur m'a permis de traduire 
» son livre, dès qu'il aura été revu par Granvelle et 
» par son fils. J'ai résolu d'adopter un style nouveau, 
» qui tienne à la fois de Tite-Live, de César, de 
» Suétone et de Tacite; mais l'empereur est injuste 
» pour nous et pour son siècle, quand il veut 
» que son livre reste caché et protégé par cent 
» clefs (1). » 

Si l'on désire savoir ce que Guillaume Van 
Maie entendait par ce nouveau système d'inter- 
prétation , on peut s'en référer à ce qu'il écrit 
lui-même au sujet de la relation de don Louis 
d'Avila : « Il convient que les actions qui ont 
» surpassé tout ce qu'il y eut de plus fameux 
» dans divers pays, soient racontées dans une 
» langue célèbre et comprise par toutes les na- 

(1) Gsesar induisit mihi libri sui versioDem, ubi fueril per 
Granvellanum el filium recognitus. Statui uovum quoddam 
scribendi temperamenium effingere, mixtum ex Livio, Gaesare, 
Suelonio et Tacito. Iniquus est tamen Gsesar nobis et sseculo, 
quod rem supprimi velit et servari centum clavibus. {Lettres 
de Guillaume Van Maie, p. 13.) 



— XV — 

» lions... Peut-être m'accusera -t- on d'employer 
» un système de traduction nouveau et trop libre; 
» j'ai suivi le texte même que j'avais sous les 
» yeux, sans toutefois m'y croire trop étroile- 
» ment lié, mais aussi sans mecarter du sens, 
» lors même que je ne conservais pas le même 
» ordre et les mêmes mots. » Le vainqueur de 
Barberousse, comme le conquérant de la Gaule, 
avait cherché, selon l'expression de Montaigne, 
à recommander non son dire, mais son faire (1). 
Van Maie voulait que ce livre offrît aussi à la fois 
un modèle aux guerriers et aux historiens (2) : 
il se proposait donc de répandre sur les Commen- 
taires de l'empereur un reflet classique de la litté- 
rature latine, qui eût rapproché l'ancien et le nou- 
veau César. 

(!) Si les gestes de Xénophon el de César n'eussent de bien 
loing surpassé leur éloquence, je ne croy pas qu'ils les eussent 
jamais escripfs : ils ont cherché à recommander non leur dire, 
mais leur faire. Essais, I, 39. 

(2) Les commentaires de César, dit Plularque, ont été loués 
par les meilleurs esprits de son temps, comme un modèle par- 
fait de ce genre d'ouvrage, et comme également propres à 
former les historiens et les guerriers. 



— KVI — 

A Augsboui^, Charles-Quint s'enfermait seul 
avec Van Maie pour dicter pendant quatre heures 
consécutives. Ce fut là que s'acheva le travail 
qui s'étendait de 1516 au mois de septembre 1848. 
L'empereur, en terminant ses récils à la fin de 
Tannée 1548, les considérait-il comme résumés 
sous la forme la plus nette et la plus précise, dans 
les instructions qu'il transmit à son fils, le 1 8 jan- 
vier de cette même année (1)? Là aussi, il invo- 
quait les infirmités qui le tourmentaient, les dan- 
gers qu'il avait bravés, l'incertitude des desseins de 
Dieu à son égard , avant de tracer les règles aux- 
quelles son successeur aurait plus tard à se confor- 
mer dans sa politique. C'était d'abord un dévouement 
absolu à la religion, qui, sans faiblesse comme sans 
usurpations, maintiendrait les espérances attachées 
à la convocation du concile de Trente; c'étaient 
au dehors un système prudent et habile qui ne 
compromettrait pas les relations avec la France et 

(1) Sardoyal (éd. d'Anvers), lî, p. 473; Papiers d*Élat de 
Granvelle^ III, 267. J'ai vu nue traduclion italienne de ces in- 
structions dans la Bibliothèque du Vatican, n<> 756. 



— XVII — 

rechercherait ramitié de l'Angleterre; au dedans, 
un gouvernement généreux et conciliant en Alle- 
magne, actif et vigilant en Italie, sage et éclairé 
dans les Pays-Bas , qui s'étaient toujours montrés 
hostiles à l'autorité étrangère (I); enfin il lui re- 
commandait, partout et toujours l'amour de la paix 
que l'expérience même des guerres devait rendre plus 
vif, l'économie dans l'administration des finances, 
l'impartialité dans celle de la justice, la répression 
des abus, le respect des droits de tous. Dans 
ses instructions comme dans ses Commentaires, 
Charles-Quint avait sans cesse devant les yeux 
l'instabilité des choses humaines (2). 

Guillaume Van Maie assure toutefois que Charles- 
Quint voulait continuer ses Commentaires jusqu'au 
moment où il écrivait (3). Le temps lui manqua 
sans doute, et les dictées qui nous ont été conser- 

(1) Los de alll no puedeD bien sufrir ser governados por es- 
Iran geros. 

(2) La continua inslabilidad y mudança de las cossas 1er- 
renas. 

(3] Id prœsenlem usque diem. Lettres de Guillaume Van 
Maie, p. 13. 



— XVIII — 

vées, remplirent en 1550 et en 1551, la plus grande 
partie des loisirs (1) dont il disposa pendant sa 
longue résidence à Augsbourg, sous les frais om- 
brages des jardins des Fugger (2). 

L'empereur donna-t-il suite à la promesse plus 
ou moins vague qu'il avait faite à Mayence ? Avait- 
il commencé par soumettre son travail à la révision 
de son fils, alors âgé de vingt-trois ans, et à celle 
deGranvelle? La négative paraît peu douteuse, car 
on n'a rien retrouvé qui se rapportât à cette com- 
munication. Les dernières lignes du post-scriptum 
de la lettre du 17 juillet annonçaient déjà, comme 
l'observe très-bien M. Mignet, que l'empereur avait 
changé d'avis, et en lisant les lettres postérieures 
de Van Maie, on ne le trouve qu'assez péniblement 
occupé de la publication que l'empereur lui avait 

(1) Je irose dire : tous ces loisirs, car d'après une note que je 
dois à rohiigeanee de noire savant secréfaire perpétuel, M. Que- 
telet, Hulsius mentionne en ces termes un traité que, vers le 
même temps, Charles-Quint aurait composé sur rarlillerie : 
Discorso de Varlilleria, de V imper adore Carolo F, scritto a mano, 
ioo-2. 

(2) Hortis amœnissimis... Gîesar capilur loci amœnitale. [Let- 
tres de Guillaume Van Maie, p. 26.) 



— XIX — 

imposée de sa tpaduction du Chevalier délibéré , 
d'Olivier de la Marche. II semblait que Charles- 
Quint, près d'aborder la période la plus difficile de 
sa vie, cherchât à se dérober à l'histoire moderne, 
troublée, agitée, pleine de luttes, travaillée d'incer- 
titudes et de doutes, qui commençait avec lui, pour 
se réfugier dans les fables créées par la chevalerie 
qui n'était plus elle-même qu'une fiction poétique. 

Cependant, à la fin de l'année ISSl, Charles- 
Quint alla s'établir à Inspruck, où il se trouvait plus 
près de l'Italie, mais il ne tarda pas à le regretter. 
Son éloignement du centre de l'Allemagne encou- 
rageait les efforts de ses ennemis, et l'absence de 
toute armée, qui eût pu le protéger, le livrait en 
quelque sorte à leur audace. 

Le 4 avril 18S2, Charles-Quint écrivait à son 
frère, le roi des Romains : « Je me trouve présen- 
» tement desnué de forces et desauctorisé. Je me 
» vois forcé d'abandonner l'Allemagne pour n'avoir 
» nul qui se veuUe déclarer pour moy, et tant de 
» contraires, et jà les forces en leurs mains... Quelle 
p belle fin je feroie en mes vieulx jours!... Le tout 



XX — 



» bien considéré, me recommandant à Dieu et me 
» mellant en ses mains, voyant à cette heure néces- 
» silé de recevoir une grande honte ou de me mettre 
» en ung grand danger , j'ayme mieulx prendre la 
» part du danger, puisqu'il est en la main de Dieu 
» de le remédier, que attendre celle de la honte, 
» qui est si apparente (1). » Six semaines plus 
tard , Charles-Quint était réduit à quitter précipi- 
tamment Inspruck, pendant la nuit, pour ne pas 
tomber au pouvoir de ses ennemis. 

Dans ces graves circonstances, Charles-Quint, 
menacé dans son autorité et dans sa liberté, se 
préoccupa du sort qui était réservé h ses mémoires, 
où il avait exposé les secrets de sa politique et jugé 
les fautes des princes protestants d'Allemagne. 11 
crut prudent de les confier à quelque serviteur 
dévoué qui pût les porter en Espagne, hors de tout 
péril, et il y ajouta quelques lignes adressées à son 
fils, où il lui révélait l'importance de ce dépôt, qui 
ne devait être ouvert qu'a une époque ou dans une 

(1) Lanz, Corresp. des Kaisers Karl F, III, p. 161 : Bicholtz, 
Ceschichte der Reg, Ferdinand des Erslen^ IX, p. 549. 



— XXI — 

éventualité qu'il aurait indiquée. Au milieu des 
alarmes et des émotions d'Inspruck, ces lignes 
restèrent inachevées, mais, en dépit des galères 
françaises et turques qui croisaient dans la Médi- 
terranée, le message fut fidèlement exécuté, et la 
relation dictée par Charles-Quint à Van Maie fut 
remise (tout l'annonce du moins) au jeune prince 
d'Espagne. 

A peine les troupes de Maurice de Saxe étaient- 
elles entrées à luspruck, qu'elles pillèrent tout ce 
qui avait appartenu à l'empereur. Les livres et les 
papiers qui se trouvaient dans la maison de Van 
Maie subirent le même sort. Les protestants avaient- 
ils connu, par la lettre de Van Maie écrite à 
Mayence, qui avait été interceptée, selon ce qu'il ra- 
conte, l'existence de l'œuvre impériale ? C'eût été 
assurément la part la plus précieuse du butin qu'ils 
recueillirent. 

Entre la fuite d'Inspruck, qui indignait don Juan 
d'Autriche, et l'abdication de Bruxelles, si aisément 
acceptée par Philippe II, il n'y a pas de place pour 
la continuation des Commentaires : chaque jour eut 



** 



— XXII — 

» 

ses combats et ses dangers ou tout au moins ses 
luttes de tout genre et ses agitations renaissantes ; 
mais que se passa-t-il plus tard à Yuste ? Les opi- 
nions sont partagées : nous essaierons d'exposer la 
nôtre. 

Charles-Quint avait Fintention bien arrêtée d'ache- 
ver dans le silence et dans la paix le travail qu'il 
avait commencé au milieu des guerres et des démêlés 
politiques. Il voulait, en justifiant sa conduite vis-à- 
vis des papes et des rois, dans les troubles religieux 
de l'Allemagne comme dans les grandes guerres 
contre la France, démontrer qu'il était toujours 
resté ce qu'il avait été sur les plages brûlantes de 
Tunis et d'Alger, le véritable chef et le légitime 
représentant de la société politique chrétienne, 
violemment assaillie et menacée au dedans comme 
au dehors (I). Il espérait, disait-il dans une lettre 
dont nous aurons à peser chaque phrase, arriver à 



(I) L'empereur, écrivait Tiepolo, ne néglige rien de ce que 
Ton est en droit d'allendre d'un empereur chrétien, plein de zèle 
pour la foi et pour TËglise. (Voyez la Chronique de Charles- 
Quint, par M. Pichot, p. 149.) 



— XXIII — 

faire quelque chose que Dieu ne jugerait pas inu- 
tile à son service. 

Il avait amené avec lui dans sa retraite son 
habile secrétaire Guillaume Van Maie, et, en dé- 
clarant qu'il était résolu à ne plus s'occuper des 
affaires présentes, il avait annoncé, dès son arri- 
vée en Espagne, qu'il voulait renvoyer tous ses 
serviteurs pour ne conserver que Van Maie (1), 
c'est-à-dire afin de pouvoir s'enfermer avec lui, 
comme à Augsbourg, et d'autant mieux gardé 
contre toute pensée de vanité que ces souvenirs 
de sa vie eussent été retracés au pied de sa 
tombe. 

Cependant d'autres occupations vinrent inter- 
rompre ces projets, et Van Maie, dont la faveur 
s'accroissait au point d'exciter toute la jalousie des 
Espagnols, paraît avoir partagé ses journées entre 
la lecture qu'il faisait pendant le dîner de l'empereur, 
et la rédaction des bulletins relatifs à sa santé, que 
Ton adressait régulièrement au secrétaire d'État, 

(I) LeUre de Gaziclû, du 11 oclobre 1556. Retraite et mort de 
Charles-Quint, par M. Gacliard, I, pp. 18 cl -19. 



— XXIV — 



don Juan Vasquez (1). Il y eut deux périodes bien 
distinctes dans le séjour de Charles-Quint à Yusle. 
Pendant la première, rêvant encore le rétablisse- 
ment de ses forces et de sa santé prématurément 
affaiblie, il voulait créer lui-même, dans sa solitude 
moins sombre qu elle ne le fut plus tard, des bâti- 
ments commodes, des jardins plantés de citronniers 
et d'orangers, des fontaines jaillissantes et des bassins 
peuplés de truites. Dans la seconde, luttant en vain 
contre le mal qui ravageait le corps sans atteindre 
la vigueur de finlelligence, il ne voyait plus dans 
les souvenirs de sa gloire que ses faiblesses et ses 
misères, et sa pensée, absorbée par de pieuses médi- 
tations, se détachait de la terre. Parcourez toutes 
les lettres (et elles sont bien nombreuses) qui furent 
écrites à Yusle par les serviteurs de Charles-Quint : 
vous y retrouverez tous les incidents, tous lés épi- 
sodes de ses journées, mais vous n'y apercevrez 
aucune trace des dictées historiques qu'il aurait 
faites à Guillaume Van Maie, et s'il y en eût 

(1) Lettre de Guillaume Van Maie, du U avril 1557. Gagharu, 
Betraite et mort de Charles-Quint, II, p. 167. 



— XXV — 

quelques-unes, loin de recomposer sur une large 
base Tapologie de cette vie si remplie, elles ont dû 
se réduire à des fragments trop tôt interrompus. 
Charles-Quint, il est vrai, se préoccupait parfois 
du jugement que porterait sur lui la postérité, mais 
dans ces moments-là il recommandait qu'on re- 
cueillit avec soin les vastes compilations de Florian 
Ocampo et de Ginès Sepulveda (1). Il lui arriva 
toutefois de dire au Père François de Borgia, qu'il 
avait chargé d'une mission en Portugal : < Vous pa- 
» rait-il qu'il y ait quelque signe de vanité à écrire 
» ses propres actions? Il faut que vous sachiez que 
» j'ai raconté toutes les expéditions (Jornadas) que 
» j'ai entreprises avec leurs causes et les motifs 
» qui m'y ont poussé, mais je n'ai été guidé, en 
» écrivant, par aucun désir de gloire, ni par aucune 
» pensée de vanité (2). » Il nous est impossible 

(1) Lettre de Tempereur, du 9 juillet 1558. Gaghard, Relraile 
et mort de Charles»Quint, I, p. 310. 

(2) RiBADBiiEYRA, Vida del P. Francisco de Borja, p. H3 ; San- 
oovAL (éd. d*Anvers), II, p. 617. Comparez ce que dit Sepul- 
veda : que Charles-Quint voyait une preuve d'ambition dans les 
encouragements qu*accordaient certains princes aux récits qui 
leur étaient favorables. 



— XXVI — 

de ne pas voir dans ces paroles de Charles-Quint 
une allusion à son livre de ISSO, qu'il avait inti- 
tulé : Summario dos mages e jornadas, en y ajou- 
tant une lettre où il protestait qu'il ne l'avait pas 
composé par vanité. 

Il semble que Charles-Quint, en oubliant à Yuste 
tout ce qu'il avait fait de grand et de glorieux, ait 
donné ainsi la plus forte preuve d'humilité, et le 
président du conseil de Castille, Juan de Vega, écri- 
vait en apprenant sa mort : « Aucun bruit de ses 
» armées, avec lesquelles il avait tant de fois fait 
» trenabler le monde, ne l'avait suivi au monastère 
» de Yuste, et il avait oublié ses bataillons bardés 
» de fer et ses bannières flottantes, aussi compléte- 
» ment que si tous les jours de sa vie s'étaient 
» écoulés dans cette solitude (1). » 

Le témoignage d'Ambrosio de Morales est bien 
plus précis encore que celui de Juan de Vega. Am- 
brosio de Morales, qui écrivait en 1S64, six ans 
après la mort de Charles-Quint, affirme que ses 

(!) Sawdoval, Vida del Emp, Carlos Yen Yuste, éd. d'Anvers, 
p. 619. 



— XXVII — 

Gommenlâires ne furent pas composés à Yuste, 
mais en Allemagne : < Ce qui doit, dit-il, exciter 
» surtout Tadmiration, c'est que ce prince rédigea 
» lui-même, au milieu de la fureur de ses 
» guerres (1), le récit exact et suivi de ses 
» actions. » 

On rencontre dans rénumération des livres 
trouvés à Yuste , après la mort de Charles -Quint, 
cette mention : un livre de mémoires (Memorias) 
avec une plume d'or. Ce livre de mémoires aurait-il 
contenu les Commentaires ? La plume d'or serait- 
elle celle de l'empereur, oubliée entre deux feuillets 
inachevés ? Il faut observer que Granvelle désigne 
les Commentaires sous le titre de Mémoires, et 
la place même que cette mention occupe dans 
l'inventaire, tout à côté des papiers de l'empe- 
reur et des cartes qui lui avaient servi, offre 
quelque importance; mais comment le notaire ou 
le greffier, qui en décrivant les coupes et les 
cuillers rappelle toujours l'usage qu'en fit l'empe- 

(1) En toda la braveza de sus guerras. 



— XXVIII — 

reur, a- t-il pu oublier d'ajouter que ces mémoires 
n'étaient ni des comptes ni des notes (le mot Me- 
morias signifie tout cela), mais l'autobiographie de 
Charles-Quint? 

Il y avait aussi à Yuste un portefeuille de ve- 
lours noir et des papiers confiés à la garde de 
Guillaume Van Maie. Là se trouvait sans doute la 
correspondance politique de Charles-Quint, mais 
Quijada lui enleva en même temps et presque par 
violence (1) (Van Maie s'en plaignait vivement), les 
feuillets qui renfermaient le texte des Commentaires, 
tels qu'ils avaient été écrits sous la dictée de l'em- 
pereur. « C'est mon travail (2)! » s'écriait Van 
Maie, et ici encore il ne peut être question que 
d'une rédaction peu développée sur plusieurs 
points, car Van Maie assurait qu'il en avait une 
grande partie gravée dans sa mémoire (3). 

Que devinrent ces manuscrits complets ou 



(1) Quasi por fuerça. Lettre da cardinal de Granvelle, du 
7 mars 1561. Papiers d'État de Granvelle, VI, p. 290. 

(2) Diziendo que eran sus travajos. [Ibid,) 

(3) Ténia en la memoria buena parte. (Ibid.) 



— XXIX — 

incomplets, laissés tels qu'ils étaient sortis d'une 
première dictée ou partiellement revus et retou- 
chés? Philippe II les fit-il disparaître? Nous n'ose- 
rions ni l'en accuser, ni l'en absoudre. Certes, il 
n'en eût pas autorisé la publication, mais il per- 
mettait à Morales, son historiographe, de citer le 
mémorable exemple de Charles-Quint écrivant sa 
propre histoire, et la conservation même du ma- 
nuscrit envoyé d'Inspruck est un argument irré- 
cusable (1). 

Van Ma!e, qui était revenu d'Espagne comblé de 
bienfaits et qui de plus avait eu l'insigne honneur 
d'être nommé dans le testament de Charles-Quint, 
exécuta-t-il par gratitude (2) son projet de chercher 

(1) Le codicille de Philippe II qui ordonne de brûler certains 
papiers après sa morl se rapporte- t-il aux Commentaires de 
Gfaarles-Quinl? Gela me parait bien difficile a admettre. Plii« 
lippe II aurait-il désigné Tœuvre de son père par ces termes 
aussi vagues que dédaigneux : Papeles de otras qualesquier 
personnSf especialmente de los defunctos ; et comment expliquer 
dans ce système la réserve qui s*applique à tous les papiers im- 
portants qu*il faudra conserver : Papel de importancia quecon- 
venga guardar, 

(2) Por memoria. Papiers dÉlat du cardinal de Granvelle^ 
VI, p. 290. 



— XXX — 

dans sa mémoire les éléments (l*un nouveau texte des 
Commentaires (1)? Proflta-t-il de ses loisirs dans 

(1) M. Arendt a cru retrouver dans la longue relation de la 
prise d'Hesdin et de Térouanne par Sepulveda, un extrait des 
Commentaires de Gbarles-Quint, complétés à Yuste. Si c«s Com- 
mentaires avaient consacré seize longs chapitres à la prise de ces 
deux villes, quelle étendue ne faudrait- il pas leur attribuer? 
On voit seulement que Van Maie avait dépeint à Sepulveda cette 
campagne comme d'une très-grande importance et qu'il lui en 
avait promis une narration détaillée. Mais il n'y a pas la moindre 
allusion à une source qu*eût entourée un respect tout particu- 
lier. Si Sepulveda avait pensé pouvoir obtenir de Van Maie la 
communication d'un fragment des commentaires de Cbarles- 
Quint, n'eût-il pas sollicité celle de quelque autre partie plus 
importante? Il faut aussi remarquer que la lettre de Sepulveda a 
été imprimée en 1557. Or, de deux choses Tune : ou bien Ton n'eût 
pas osé mentionner la communication de Charles-Quint qui vivait 
encore, s'il l'avait défendue, ou l'on n'eût pas manqué, s'il Pavait 
autorisée, de célébrer sa générosité {humanitatem). Charles- 
Quint était resté étranger à ces deux sièges, et tout ce que nous 
savons, donne lieu de croire qu'il ne raconta avec des dévelop- 
pements considérables que les expéditions auxquelles il prit une 
part directe et immédiate. On comprend, du reste, parfaitement 
que Van Maie ait pu se procurer près de ses amis de Flandre 
quelque relation détaillée d'une expédition dont ils avaient été 
les témoins. M. de Reiffenberg observe [introd. aux Lettres de Van 
Maie, p. xx] que plusieurs personnes fort bien instruites s*étaient 
engagées à lui fournir des mémoires aussi sûrs que circonstan- 
ciés. Marchetus, publiant en 1555 une narration de cette cam- 
pagne, à laquelle il avait assisté, annonce qu'il en est d'autres où 
les mêmes faits seront retracés avec plus de détails (luçulmtius). 



XXXI — 



son pays natal pour composer cette traductioa 
latine qui eût rappelé à la fois et les plus grandes 
actions des temps modernes et les œuvres lit' 
téraires les plus parfaites de l'antiquité? Nous 
en sommes réduits au témoignage du cardinal 
de Granvelle qui rapporte que Van Maie se plai- 
gnait de n'avoir pu commencer son travail parce 
qu'il avait toujours été infirme et souffrant depuis 
son retour (1). En effet Vari Maie mourut le 
1" janvier 1S61, deux ans et trois mois après celui 
qu'il aimait à nommer son maître (2). 

Van Maie, à ce que nous apprend aussi le car- 
dinal de Granvelle, avait beaucoup d'amis (3) qu'il 
entretenait souvent de cette œuvre qui eût accom- 



(1) Que esperava algun dia escrivir algo por memoria de su 
amo, lo quai dezia que no bavia aun empezado por baver eslado 
por acâ siempre acbacoso y dolienle. [Papiers d'État du cardi- 
nal de Granvelle, VI, p. 290.) 

(2) Herus meus. [Lettres de Guillaume Van Maie, p. 47) Su 
amo. [Papiers d*Ètat de Granvelle, VI, p. 290.) 

(3) He sabido que muebos dias ânles que muriesse, rasgô y 
quemô muebos papeles, y que viviendo se bavia quexado mucbas 
vezes à aigu nos amigos suyos... {Papiers d'État du cardinal de 
Granvelle, VI, p. 290.) 



— XXXII 



pli le souhait et le rêve de toute sa vie (1). Incou- 
testablement ces propos, ces inteutions trouvèrent 
un écho dans d'autres pays qui avaient été égale- 
ment les témoins des exploits de Charles -Quint, 
et il ne faut pas s'étonner si on les connut en 
Italie. Venise, dont les affaires étaient, dit Gom- 
mines « plus saigement conduites que de prince 
qui soit au monde » , n'ignorait rien de ce qui se 
passait en Europe. En 1559, Marco- Antonio da 
Mula avait reçu une mission extraordinaire de la 
république dans les Pays-Bas, et chaque jour ses 
marchands échangeaient de longues lettres entre 
Anvers, la reine de l'Escaut, et Venise, la reine de 
l'Adriatique. 

A l'heure même où expirait Van Maie, un gentil- 
homme vénitien, Louis Dolce, remarquait dans une 



(1) Ce ne fut probablement qu'après le retour de Van Maie 
dans les Pays-Bas que se répandit de divers côtés le bruit que 
Gliarles-Quint avait dicté ses Commentaires et qu'ils allaient 
être traduits en latin. En J559, Zenocarus en ignore encore 
Pexistence, mais il allègue toutefois, pour la démentir, les con- 
sidérations qui inquiétaient la conscience de Charles-Quint : 
Verilits ne laudis propriœ avidua à Deo cerueretur. 



— XXXIII — 

vie de Charles -Quint qu'il savait fort bien le fran- 
çais. « On dit, ajoutait-il, qu'il conoposa dans celte 
» langue de très-beaux commentaires des choses 
» qu'il avait faites, et à ce que j'entends, on les tra- 
» duit maintenant en latin, et ils seront publiés (1). » 
Toute l'Italie était encore pleine des souvenirs de 
Charles-Quint, et le projet d'écrire son histoire 
souriait à la fois à Bernardo Tasso dont l'illustre 
fils appelait la gloire, l'ombre d'un songe, et à 
Girolamo Ruscelli qui s'occupait depuis longtemps 
d'un recueil des biographies des hommes illustres. 
Ruscelli répéta ce qu'avait dit Dolce, en donnant 
plus ou moins exactement le nom du traducteur : 
« On espère tous les jours voir paraître les Com- 
» mentaires traduits en latin par Guillaume Ma- 
j> rinde. » Dolce avait annoncé qu'une traduction 
se faisait. Ruscelli, qui écrivait dans la même ville et 

(1) Alcuni bellissimi commentari délie cose da lui faite /i 
quali, corne odo, bora si traducono in latino e si darano fuori. 

En 1565, Dolce publia une nouvelle édition de son livre. La 
phrase qui se rapporte aux Commentaires de Charles-Quint, 
phrase vague et ambiguë, ne fut pa^ modifiée. On n'avait rien 
appris de plus à Venise de 156! à 1565. 



— XXXIV — 

dans le même temps, va plus loin ; il assure qu^elle 
s'imprime. Il est douteux que cette traduction 
ait jamais été composée, mais qu'elle fût déjà sous 
presse à Venise, c'est ce qui nous paraît surtout 
inadmissible. Guillaume Van Maie, qui avait reçu à 
Bruxelles la conciei^erie du palais et qui touchait 
une pension, eût-il osé aborder ainsi subrep- 
ticement à Venise une publication qui eût attiré 
sur lui le courroux de Philippe II (1)? Tout se 
réduit d'ailleurs à Fautorité bien suspecte de 
Brantôme qui a exagéré, sans les comprendre, les 
données recueillies par Dolce et Ruscelli : 

a On dict que le grand empereur fit un livre de 
j> sa main, comme Jules César en son latin. Je ne 
» sçay s'il l'a faict, mais j'ay veu une lettre im- 
» primée parmy celles de Belleforest, qu'il a tra- 
» duicte d'italien en françois, qui le lestifie et avoir 
» esté tourné en latin par Guillaume Marinde : ce 

[\] Nous serions plus disposés à admellre que les bruits ré- 
pandus à Venise, contribuèrent aux perquisitions que l*on fil 
chez Van Haie aussitôt après sa mort. « He ententido, » écrivait 
Philippe II au cardinal de Granvelle, en lui transmettant l'ordre 
de les exoculer sans retard. 



— XXXV — 

» que je ne puis bien croire ; car tout le monde y 
» fust accouru pour en achepter, comme du pain 
» en un marché en temps de famine; et certes la 

» cupidité d'avoir un tel livre si beau et si rare, y 

* 

» eust bien mis autre cherté qu'on ne l'a veue, et 

» chascun eust voulu avoir le sien.» 

Depuis trois siècles, sauf la vague indication 

d'une impression qui aurait été faite à Hanau au 

commencement du xyii** siècle, sous les auspices 

d'un gendre de Guillaume le Taciturne (1), toutes 
les questions qui se rapportent à la traduction de 

(1) Teissier, qui a élé copié par tous ceux qui ont parlé de 
rédilion des Commentaires de Gharles-Quinl à Hanau , se borne 
à dire : Carolus Quintus scripsit de propria vita libellum qui 
prodiit HanoviaSy 4602. Mais n'y a-t-il pas une erreur assez aisée 
à expliquer, si Ton remplace le nom de Temperear Charles- 
Quint par celui de Tempereur Charles IV? En effet, on publia 
en 1602, à Hanau, dans un recueil d'historiens de la Bohème, 
une vie de Charles IV écrite par lui-même. Je dois cette obser- 
vation à M le docteur Hoffmann, de Hambourg. — Ce recueil est 
celui de Harquard Freher, et voici en quels ternies s'y trouve 
désignée la vie de Charles IV : Caroli Bohemiœ régis et postea 
imperatoris de vita sua commentarius ah ipso scriptus. Il me 
semble bien difficile de ne pas reconnaître dans ce titre d'un 
ouvrage publié à Hanau en 1602, la source de Terreur de Teis- 
sier. 



— XXXYI — 

Guillaume Van Maie sont restées voilées des mêmes 
ténèbres, mais ces mystères mêmes semblent en 
avoir accru l'intérêt, et il faut constater à l'hon- 
neur de la patrie de Charles- Quint que le premier 
corps savant de la Belgique a pris la part la plus 
considérable aux efforts qui ont été tentés pour 
combler cette lacune. 

En 1845, M. Gachard, dont le nom restera tou- 
jours associé aux recherches qui ont répandu la 
plus vive lumière sur fhistoire du xvi* siècle, entre- 
tenait TAcadémie royale de Belgique de ses inves- 
tigations à Simancas, à TEscurial et à Madrid, au 
sujet « d'un document dont la découverte eût 
» excité un intérêt universel, » et il insistait sur ce 
que présentait de regrettable « la perle des mé- 
» moires tracés par la main du plus puissant des 
» monarques et peut-être du génie politique le plus 
» profond du xvi'' siècle. » Quatorze années, que 
le savant archiviste général du royaume a con- 
sacrées à de nouvelles études, restées stériles sur 
ce seul point, fécondes sur tous les autres, s'étaient 
déjh écoulées , lorsque l'exnmen de la même ques- 



XXXVII 



lion fut repris par M. Arendt dans une notice qui 
frappa vivement latlention publique. 

Certes Thonneur de retrouver les Commentaires 
de Charles-Quint revenait légitimement à .mes 
honorables confrères de FAcadémie royale de 
Belgique, et si le hasard en a décidé autrement, 
c*est sans doute afin que nous puissions proclamer 
ici tout ce que l'on doit à leurs excellents travaux. 

Du reste, nous nous empressons de le dire, nous 
n'avons pas eu la bonne fortune d'exhumer le texte 
même des Commentaires du célèbre empereur. Nous 
n'avons découvert qu'une traduction en portugais, 
traduction qui était la seule œuvre en langue méri- 
dionale, inscrite dans le grand inventaire du fonds 
français à la Bibliothèque impériale de Paris, où l'on 
renvoie toutefois au fonds espagnol n° 10230. C'est 
celte erreur qui l'a probablement dérobée si long- 
temps à l'œil curieux des investigateurs (1). 

[1] Mes recherches à Paris se liaient à la publication de plu- 
sieurs de nos anciens auleurs du xv« siècle, qui m'a élé confiée 
par l'Académie : je ne saurais assez reconnaître l'obligeance 
avec laquelle MM. les conservateurs de la Bibliolhcque Impé- 
riale ont bien voulu Taéililer mes nombreuses investigations. 



XXXVIIf 



Le manuscrit, d'une écriture élégante et soignée, 
porte le titre suivant : Historia del invictissimo 
Empef'odor Carlos-Quinlo, rey de Hespanha, com- 
posta por Siui Majestade Cesarea, coma se vee do 
papel que vai- em a seguinte folha, traduzida da 
lingoa francesa e do proprio original^ em Madrid, 
anno 1 620. C'est-à-dire : « Histoire du très-invincible 
» empereur Charles-Quint, roi d'Espagne, composée 
» par Sa Majesté Impériale (ou sa Césarée Majesté, 
» selon l'expression de Brantôme), comme cela se 
» voit par le papier qui est à la page suivante, Ira- 
» duite du français et sur l'original, à Madrid, 
» en 1620. » 

Ainsi, en 1620, sous le règne de Philippe III et 
sous le ministère du duc d'Uzeda, le manuscrit ori- 
ginal des Commentaires existait encore à Madrid : 
qu'esl-il devenu depuis? Quelque préjugé d'honneur 
national le fit-il disparaître, quand le petit-fils d'un 
roi de France vint occuper le trOne de Charles- 
Quint? Servit-il de jouet, au commencement de ce 
siècle, à quelques-uns de ces soldats qui ne se sou- 
venaient guère qu'ils vengeaient les vaincus de 



— XXXIX — 

Pavie, lorsqu'ils faisaient retentir du bruit de leurs 
armes les caveaux de TEscurial, où repose le rival 
de François I"? S'esl-il au contraire conservé au 
fond de quelques archives secrètes? L'Espagne 
jugera, nous l'espérons, qu il importe de résoudre 
ces doutes. 

Du reste, la faiblesse et la décadence de la mo- 
narchie sous Philippe III peuvent expliquer à la 
fois comment tous les esprits se reportaient en 
arrière avec un sentiment de douleur et de regret 
vers le règne de Charles-Quint, et comment des do- 
cuments restés cachés aux Sandoval et aux Sepul- 
veda purent passer sous les yeux des coronistes, 
leurs successeurs. En 1623, Gilles Gonzalez d'Avila, 
historiographe de Philippe III, affirmait de nou- 
veau l'existence des Commentaires , et peut-être les 
avait-il vus. La traduction même du texte en por- 
tugais s'explique assez aisément (1). Le Portugal 

(1) Si une impression a eu lieu à Hanau el si elle esl pos- 
térieure à 1602, comme on le supposerait en la voyant men- 
tionnée pour la première fois dans un catalogue de 1705, n'au- 
rait-elle pas eu lieu d'après notre version portugaise? Emmanuel 
de Portugal épousa en 1646 une fille du comte de Hanau. 



XL — 



était encore uni à l'Espagne, et c'était vers la même 
époque que François d'Aodrada et Antoine de Souza 
écrivaient en portugais la vie du roi Jean III, si 
intimement liée à celle de Charles-Quint. 

On a vu que notre manuscrit annonçait une note 
qui devait en établir l'authenticité. Elle se trouve 
en effet au second feuillet et est conçue en ces 
termes : Treslado do papel que esta em o prin- 
npio desta historia , escritto per mào propria do 
Emperador Carlos F em a lingoa castelhana, o 
quai papel Sua Majestade mandou d'Alemanha 
coma mesma historia a el reydon Philippe seu filho 
que entâô era principe de Hespanha, Ce qu'il faut 
traduire ainsi : « Copie du papier placé au com- 
» mencement de cette histoire , qui était écrit en 
» espagnol de la propre main de l'empereur 
» Charles-Quint, et qui fut envoyé d'Allemagne avec 
» cette même histoire, par Sa Majesté, à son fils le 
» roi Philippe, alors encore prince d'Espagne. » 

Immédiatement après viennent quelques lignes 
adressées par Charles-Quint au prince d'Espagne, 
et elles résument l'histoire de la composition des 



— \l\ 



Commentaires. Comme nous le savions par le récit 
de Van Maie , ils ont été commencés sur le Rhin 
quand Charles-Quint le remonta avec son fils (1), 
puis achevés à Augsbourg, ce qui confirme les in- 
génieuses conjectures de M. Arendt. Charles-Quint 
y proteste de sa bonne foi que les historiens mo- 
dernes sont disposés à reconnaître. Il déclare qu'il 
n'a pas écrit par vanité, et nous savons com- 
bien tous ses historiographes lui font honneur 
d'avoir été à la fois grand et modeste dans ses 
succès (2). En s'adressant à la postérité, il se place 
sous l'œil de Dieu. C'est Dieu qu'il supplie de lui 
laisser le temps d'achever son œuvre pour qu'elle 
serve à sa gloire : c'est grâce à la protection de 
Dieu qu'il espère être délivré de ses inquiétudes et 
de ses peines, dont la trace se retrouve jusque 
dans ces lignes restées inachevées. 

Nous voici au seuil des Commentaires. Le lec- 
teur est sans doute impatient de le franchir, et nous 
nous contenterons d'ajouter à cette introduction 

(1) Quando venimos. 

(2) Inanis gloriœ et falsîe laudis contemptor. (Sbpulteda.) 



XLII 



quelques mots, non pas pour juger Tœuvre de 
Charles-Quint, mais pour expliquer, d'après les cir- 
constances où elle fut écrite, ce qu'elle devait être 
et ce qu'elle est en effet. 

Pour l'époque la plus éloignée, l'empereur, 
aidé par Van Maie (1) et s'attachant surtout 
aux dates et aux faits, se contente de grouper 
quelques détails et d'énumérer ses nombreuses 
traversées de la mer qu'il rappelait si éloquemment 
dans son discours d'abdication lorsque, réunissant 
au tableau brillant du passé, les images froides et 
mornes de l'avenir, il y comprenait celle qui devait 
être la dernière. Mais dès qu'arrive Tère des mé- 
morables campagnes de France et d'Allemagne, on 
reconnaît chez le narrateur, une habileté aussi 
grande dans la stratégie que dans la politique. 
Malgré les obstacles que multipliaient les attaques 
violentes de ses ennemis ou leurs ruses d^ui- 
sées, il suffisait seul à cette tâche trop immense, 

(4) Quâ in re usus est opéra mea el suggeslione, nam velul 
nomenclator revocabam in memoriam si quid senlirem aul 
eûluere aul prœlermiUi. (Lettres de Guillaume Van MalCy p. 42.) 



— XLIIÏ 



comme le remarque M. Mignet, pour un seul 
homme, et c'est surtout dans ces Commentaires 
qu'on le retrouvera constant dans ses convictions 
et dans ses projets, et luttant courageusement, bien 
qu'infirme et malade, contre les ligues les plus 
redoutables et contre le déchaînement le plus au- 
dacieux de la liberté de la pensée humaine, se- 
couant tout principe d'autorité. 

Quant à la forme, c'est une narration métho- 
dique et sans ornements, dans laquelle on retrouve 
peut-être quelque imitation de l'œuvre immor- 
telle de César (1). Elle rappelle l'assertion de 
Sepulveda que l'empereur aimait la vérité dans 
toute sa simplicité : simplicis veritatis amantis- 
simus. Nous avons cherché à lui conserver ce 
caractère en nous attachant, par un système opposé 



(1) C'est ainsi que Charles-Quint, de même que César, ne se 
nomme qu'en troisième personne, et il ne faut pas perdre de 
vue le jugement que Cicéron portail sur les Commentaires 
du vainqueur de la Gaule : Commentarios quosdam scripsil 
rerum suarum, valde probandos. Nudi enira sunt, recli el 
venusti, omni ornalu oralionis detracto. Nihil enim est, in his- 
toria, pura et illuslri brevilale dulcius. 



— XLIV — 



à celui de Van Maie, à reproduire servilement, 
le sens et la phraséologie même de la narration 
que nous avions sous les yenx. L'importance 
de ce document historique que nous ne connais- 
sons que par une première traduction, nous a paru 
exiger que celle que nous publions aujourd'hui 
reconçât à être élégante pour rester plus fidèle. 

Il nous eût été facile d'ajouter à chaque page des 
notes nombreuses et de comparer le récit de l'em- 
pereur à celui des historiens contemporains. Nous 
ne l'avons pas fait par respect pour sa mémoire. 
On raconte que don Louis d'Avila , retiré à Pla- 
sencia , avait fait placer entre les bustes d'Auguste 
et d'Antonin celui de Charles-Quint avec cette 
inscription : « Carolo Quinto, et è assai questo. 
A Charles-Quint, ce nom en dit assez, » Comme 
Louis d'Avila, nous croyons qu'après avoir annoncé 
les Commentaires de Charles-Quint, il n'y a rien à 
ajouter à ce titre. Il est juste que la voix du prince 
que le fidèle Quijada appelait t le plus grand 
homme qui ait été et qui sera jamais, » se fasse 
entendre, après trois siècles de silence, libre et 



XI.V — 



dégagée des murmures de ses contradicteurs. Plus 
tard, rhistoire reprendra ses droits, mais désor- 
mais avant d'apprécier la vie politique de Charles- 
Quint, elle sera tenue de rechercher comment il la 
jugeait lui-même au moment où, pour mieux inter- 
roger sa conscience, il se préparait déjà à renoncer 
volontairement à la plus vaste puissance que Ton 
eût jamais connue. 



^ 



COMMENTAIRES 



DR 



CHARLES-QUINT, 



GÏIARLES-QUINT 



A SON FILS 



PHILIPPE, PRINCE D ESPAGNE. 



Cette histoire est celle que je composai 
en français, quand nous voyageâmes sur 
le Rhin , et que j'achevai à Augsbourg. 



_ 4 — 

Elle n est pas telle que je le voulais, mais 
Dieu sait que je ne Tai pas faite par vanité, 
et s'il s'en est trouvé offensé, mon offense 
doit être attribuée plutôt à l'ignorance 
qu'à la malice. Des choses semblables ont 
souvent provoqué son courroux : je ne 
voudrais pas que celle-ci le portât à s'ir- 
riter contre moil En ces circonstances, 
comme dans d'autres, les raisons ne 
lui manqueront pas. Puisse-t-il modérer 
sa colère et me délivrer de la peine dans 
laquelle je me vois! 

J'ai été au moment de jeter tout au feu; 
mais comme j'espère, si Dieu me donne 
vie, arranger cette histoire de manière 
qu'il ne s'en trouvera pas desservi, et pour 
qu'elle ne soit pas ici en péril de se perdre, 

je vous l'envoie afin que vous la fassiez 



— 5 — 

garder là-bas et qu'elle ne soit pas ouverte 
jusqu'à (1) 



Moi le roi. 



A Inspruck, 1552. 



(i) Esta historia es la que yo hize en romance, 
quando venimos por el Rin, y la acabé en Augusta. 
Ella no esta hecha como queria, y Dios sabe que no 
la hize con vanidad, y si délia él se tuvo por ofen- 
dîdo, mi ofensa fué mas por ignorancîa que por 
malicia. Por cosas semejantes, él se solia mucho 
enojar : no querrîa que por esta lo uviesse hecho 
agora conmigo. Ansi por esta como por otras oca- 
sîones, no le faltaràn causas. Plega à él de templar 
su yra, y sacarme del trabajo en que me veo. Yo 
estuve por quemarlo todo; mas porque, si Dios me 
da vida, confio ponerla de manera que él no se de- 
servirà délia, para que por acâ no ande en pelîgro 
de perderse, os la embio para que agays que alla 
sea guardada, y no abierta hasta... 

En Inspruck, 1552. 

YO EL REY. 



(0nint bp^is son bppart brs états br ^^lanbtp (on il naquit^ 
b îi îimtï 1500, Sflon b stgb bf jRomf> rt où il fut 
iisni), apM la mort bn roi ipijilipp 0on ^m, que fiira ait 
pn sa jloirr : » qui arrtoa Tan 1516. 



Après la mort du roi Philippe, il y eut par in- 
tervalles diverses guerres dans les États de Flandre, 
que nous nommons les Pays-Bas. L'une de ces 
guerres fut celle que l'empereur Maxîmilien soutint, 
de concert avec le roi Henri d'Angleterre, contre 
le roi Louis de France. Par la prudence, autant 
que par la bravoure habituelle de l'empereur (i), 
les Français furent vaincus, en voulant venir au 
secours de Thérouanne. Après la prise de cette ville, 
on mit le siège devant Tournay, qui, peu de temps 
après, se soumit également. Il en résulta que l'ar- 
chiduc Charles, petit-fils de l'Empereur, se rendit à 

(1) Pola prudencia como polo estorçocostumadodoEmperador. 



— 8 — 

Tournay, qui était alors au pouvoir du roi Henri, et 
à Lille, où il eut sa première entrevue avec le 
même roi, et où, entre autres choses, fut traitée et 
résolue son émancipation. Ceci advint en Tannée 

i5io 1515, pendant laquelle il fut immédiatement re- 
connu pour seigneur dans lesdits États de Flandre. 
Peu de temps après, le même archiduc envoya des 
ambassadeurs au roi François de France, qui, à la 
même époque, avait hérité de ce royaume, par la 
mort du roi Louis. Ces ambassadeurs négocièrent 
et conclurent la paix. La même année. Sa Majesté 
visita une partie des États de Flandre, et tandis 
qu'elle faisait cette visite, arriva à La Haye, en Hol- 
lande, M. de Vendôme, envoyé par le roi de France 
pour ratifier cette paix. La partie de ses États, qu'il 
n'avait pu voir cette année, il la visita Tannée sui- 

1516 vante, 1516, et il tint son premier chapitre de 
Tordre de la Toison d'Or à Bruxelles. Ce fut Tannée 
de la mort du roi catholique; et, à partir de ce 
moment, l'archiduc prit le titre de roi (1). A la 

(1) E d'enlâô por diante o Ârchiduque (omou o titulo de Rey. 



— 9 — 

même époque, il recouvra, non sans quelque résis- 
tance, les terres de Frise. Ensuite, le roi de France, 
à Foccasion de son récent avènement, exprima le 
désir d'ouvrir d'autres négociations avec Sa Ma- 
jesté (I) : ce qui eut lieu à Noyon dans le même 
temps et la même année. Le roi de France envoya 
le seigneur d'Orval ratifier ce qui avait été de 
nouveau convenu. Sa Majesté resta dans les Pays- 
1S17 Bas jusqu'au 8 de septembre 1517, jour où elle 
s'embarqua à Flessingue pour l'Espagne, et elle 
laissa pour la première fois, en son absence, 
madame Marguerite, sa tante, gouvernante de 
ses États. 

Cette même année, Sa Majesté conservant la 
paix faite en France et l'amilié du roi d'Angle- 
terre (2), s'embarqua à Flessingue, ainsi qu'il a été 
dit, traversa l'Océan, et vit pour la première fois 
l'Espagne, où son séjour devait se prolonger jus- 



Ci) Despois el Rcy de França descjou de IraUar de novo com 
Sua Majestade, por causa da nova successào. 

(â) Gontinuando a paz feita em França e amizade com el Rey 
dinglaterra. 



— 10 — 

qu*a Tan 1520. Continuant son voyage jusquà 
Tordesiilas, elle alla baiser les mains de la reine sa 
mère, et partant de là, elle se rendit à Mojados où 
elle rencontra l'infant don Ferdinand , son frère, 
qu'elle reçut avec un grand et fraternel amour (1). 
Dans ce temps mourut le cardinal fray François 
Ximénès, que le roi catholique avait institué gou- 
verneur de ces royaumes. Poursuivant son chemin, 
Sa Majesté vint à Valladolid, où elle réunit les 
cor tes des royaumes de Castille; et elle y fut re- 
connue roi conjointement avec la reine sa mère (2). 
En ce temps, le roi de France fit avertir Sa 
Majesté de certaine intention et volonté qu'il avait 
de faire la guerre au roi d'Angleterre, afin de re- 
couvrer, disait-il, la ville de Tournay, qui, comme 
on Ta vu, avait été prise. A quoi Sa Majesté ré- 
pondit conformément aux conventions qu'elle avait 
faites avec les deux rois. Cette réponse, bien que mo- 
dérée, juste et conforme à la raison, fut interprétée 
de telle sorte que le roi de France en conçut du 

(1) Gom grande e fraternal amor. 

(2) E foi jurado por Rey jiinlamente com a Rainha sua mai. 



— <i - 

ressentiment, et, peu après, il commença la guerre. 
D'autre part, le monarque anglais ne témoigna pas 
la reconnaissance que méritait une semblable ré- 
ponse. Car bientôt les deux rois s'accordèrent et 
s'unirent, tenant peu compte des conventions 
qui avaient été faîtes entre eux et le roi catholique. 
Par suite de cet accord et de cette union, la ville 
de Tournay fut rendue aux Français (1). 
1518 Dans ce temps, c'est-à-dire l'an 1518, Sa Majesté 
et l'infant son frère partirent de Valladolid pour 
Saragosse; et pendant ce voyage elle se sépara à 
Aranda de l'infant, qui partit de là pour s'embar- 
quer à Sanlander, et se rendre par mer en Flandre, 
où il fut reçu par madame sa tante. Sa Majesté con- 

(1) El Rey de França fez adverlir a Sua Mageslade de certa lençàô 
sua 8 Yontade que tinlia de fazer guerra ao Rey dlnglalerra por 
cobrar, segundo dizia, a Tornay que, como dantes se disse, fora 
(omada. Âo que Sua Magestade respondeo conforme os concertos, 
que tinha feitos com os dillos dous Reys. A quai resposla, aînda 
que branda, justa , e conforme a razàô, foi (omada de sorte que 
el Rey de França se resenlio lee pouco despoiscomeear a guerra* 
e Ingrez nâo levé o reconhecimenlo que a lai resposla merecia, 
porque logo se concerlaram e unlrao ambos, fazendo pouco 
caso dos concerlos , que eslavam feilos entre elles e o Rey Ga- 
(holico. 



— i2 — 

tinua sa route jusqu^à Saragosse, où, de la même 
manière, elle assembla les cortès , et fut reconnue 

1519 pour roi (1). 

L'an 1519, Sa Majesté tint les cortès à Barce- 
lone, où tout se passa de même. En chemin, elle 
apprit la mort de l'empereur Maximilien, son aïeul; 
et, pendant qu'elle assistait à ces cortès, arriva la 
nouvelle de son élection à l'empire, que le duc 
Frédéric, comte Palatin, fut chargé de lui annoncer. 
De là elle partit pour s'embarquer à La Corogne, 
afin d'aller recevoir la couronne impériale (2) à 

4520 Aix-la-Chapelle. 

Sa Majesté s'embarqua au port de La Corogne, 
laissant pour gouverneur le cardinal de Tortose, 
auquel elle adjoignit plus tard le connétable et l'a- 
mirante de Caslille, don Inigo de Velasco, et don 
Frédéric Hènriquez. Ayant traversé l'Océan pour 
la seconde fois, elle débarqua la première fois en 
Angleterre, où elle eut sa deuxième entrevue avec 
le roi , et, malgré ce qui a été dit plus haut, une 

(1) Ondeda mesma maneira ajantou cortès, e foi jurado por Rey. 

(2) A primeira corôa. 



— 13 — 

alliance plus étroite (1) fut traitée et conclue avec 
ledit roi. De Ih elle passa dans ses Ëtals de Flandre, 
où elle fut reçue par madame sa tante et par 
rinfant son frère. Ce fut le premier retour de Sa 
Majesté dans ses États de Flandre : il en résulta 
une troisième entrevue, à Gravelines et à Calais, 
entre Tempereur et le roi Henri d'Angleterre. De 
là il partit, et continua sa route jusqu'à Aix-la- 
Chapelle, où il fut couronné. Puis, madame Mar- 
guerite sa tante revint gouverner les dits États de 
Flandre pour la seconde fois. Il y laissa aussi l'in- 
fant son frère, et tint sa première diète à Worms. 
Ce fut la première fois qu'il se rendit en Allemagne 
et sur le Rhin. Dans ce temps commencèrent à pul- 
luler les hérésies de Luther en Allemagne, et les 
commnnidades en Espagne (2). 

Sa Majesté, étant à ladite diète, fit appeler l'in- 
fant son frère, qui partit de là pour aller épouser 
la sœur du roi Louis de Hongrie, conformément à 



(1) Hais particular paz. 

(% Gomeçaram a pollolar as heregias de Luthero em Ale- 
manha e as communi<la(l«s em Hespanlia* 



— u — 

ce qui avait été réglé par Terapereur Maximilien. 
Durant la même diète, Robert de la Marck com- 
mença à soulever la guerre (1). Elle eut son ori- 
gine dans la réponse, mentionnée plus haut, 
qu'en 1518 le roi catholique Charles avait adres- 
sée de Valladolid au roi de France. Non-seule- 
ment ce roi ne put dissimuler le dépit et le peu de 
satisfaction qu'il en avait éprouvé, mais tout ceci 
alla en croissant, surtout depuis que le roi catho- 
lique fut élu empereur (2). Il fit continuellement 
des réclamations et des propositions si déraison- 
nables, et en termes si exorbitants, que l'empe- 
reur ne put les accepter ni y condescendre (3). 
Pour ce motif, et pour d'autres pratiques et d'autres 
intelligences que le roi de France entretenait en 
Italie, et en Espagne avec les communidades (4), 

(1) Gomeçou a mover guerra. 

(2) Daqual nâo soo mente nâopode dissiniularodesgosloe pou- 
ca salisfaçàô que tinlia, mas cada dia ia em crescimenlo, e muito 
mais despois que o diUo Rey Calholico foi eleilo em Emperador. 

(3) E Ihe foram conlinuamente feitos requerimenlos, e postas 
condiçoes tàô desarrezoadas e per termos tàô exorbitantes que 
nâo pode oir, nem condescender nellas. 

(4) Pola quai causa , e outiras pratticas e înlelligcncias que 
ha via em lialia, e em Hespanlia com as communidades. 



— i5 — 

commencèrent en 1521 les guerres entre Sa Ma- 
jesté et le roi de France, dans lesquelles messire 
Robert de la Marck perdit la majeure partie de ses 
terres qui lui furent enlevées par le comte Henri 
de Nassau, alors capitaine-général de Tarmée. Ces 
guerres se prolongèrent jusqu'à l'an 1525. Pour ce 
motif l'empereur fut obligé de clore la diète de 
Worms. En cela il fit ce qu'il put, plutôt que ce 
qu'il désirait et avait résolu de faire (1), et partit 
ainsi pour résister à ces guerres. 
1521 Sa Majesté retourna, par le Rhin, dans ses États 
de Flandre pour la seconde fois. A cette époque, 
les communidades furent vaincues en Espagne, 
et les Français, battus et chassés du royaume 
de Navarre qu'ils avaient occupé, de même qu'ils 
s'étaient établis à Fontarabie. Toutes ces choses 
furent achevées avant que l'année fût écoulée. 

Dans ce temps, le roi de France envoya une 
armée en Lombardie. Elle assiégea Pavie, qui fut 
défendue par le marquis Frédéric de Mantoue, qui 



(1) Mais como pode que como desejava e determinava 
fazer. 



— 16 — 

s'y trouvait alors. Une armée ayant été réunie, 
en vertu de la ligue que forma l'empereur avec 
le pape Léon et les Vénitiens, les Français furent 
chassés du duché de Milan. Prosper Golonna était 
chef de Tarmée de la ligue, et en vertu de la même 
ligue, le duché de Milan fut donné au duc Fran- 
çois Sfprza. 

Dans le mêipe temps, selon l'ordre de l'empe- 
reur, la ville de Tournay fut assiégée par le comte 
de Nassau, et elle fut rendue à Sa Majesté par les 
Français qui Toccupaient depuis qu'ils l'avaient 
reçue du roi d'Angleterre au pouvoir duquel elle 
avait été précédemment. L'armée du roi de France 
1522 tenta de nouveau en 1522 de rentrer dans le duché 
de Milan , mais Prosper Golonna et l'armée de la 
ligiie leur opposèrent une telle résistance qu'ils 
perdirent la bataille de la Bicoque. Elle fut suivie 
de la prise de Gènes. 

Sa Majesté laissant pour la troisième fois à 
madame sa tante le gouvernement des Étals de 
Flandre, s'embarqua à Galais et passa pour la 
seconde fois en Angleterre, où elle eut sa quatrième 



— 17 — 

entrevue avec le roi. Après y être restée quel- 
ques jours, elle s'embarqua à Soulharapton, tra- 
versa pour la troisième fois rOcéan et arriva pour 
la seconde fois en Espagne, où elle alla de nouveau 
baiser les main3 de la reine sa mère, et où elle 
séjourna jusqu'en 1529. A l'époque même de son 
arrivée, le pape Adrien, qui avait été élu après la 
mort du pape Léon, s'embarqyait à Barcelone pour 
Rome. Sa Majesté continua sa route jusqu'à Valla- 
dolid, où elle tint les certes pour achever d'apai- 
ser les dissensions passées, eq exceptant quelques- 
uns des plus coupables du pardon général accordé 
h tous ceux qui l'avaient offensé, 
1523 En l'année 1523, pendant cette guerre avec la 
France, TEnipereur entretint certaines conimu- 
nications et certaines intelligences (1) avec le duc 
Charles de Bourbon, qui se tenait pour offensé de 
quelques injustices qu'on lui avait faites (3). Ce 
fut pourquoi il passa au service de Sa Majesté 



(t) Teve algua communiçàô e intelligencia. 
(2) quai se linha por injuriado de aigus aggravos que Ihe 
foram feitos. 



— i8 - 

Impériale. L'Empereur se rendant à Pampelune 
avec une armée afin d'enlrer en France, en donna 
le commandement au connétable de Gastiile don 
Inîgo de Velasco, qui pénétra dans ce royaume, et 
qui à son retour reprit Fontarabie. 

1524 Cela fait, TEmpereur revint en 1824 au royaume 
de Tolède. Il y fut malade de la fièvre, qui le 

1525 quitta au commencement de Tannée suivante 1525. 
En ce temps-là, le roi de France mit le siège 
devant Pavie, où commandait en chef Antoine de 
Leyva, et dans la bataille qui se donna devant 
cette ville, ledit roi fut fait prisonnier par le duc 
de Bourbon (1), capitaine-général de l'Empereur, 
Charles de Lannoy, son vice-roi à Naples , et 
don François d'Avalos, marquis de Pescaire, ses 
principaux capitaines. Le roi fut conduit par le 
vice-roi de Naples en Espagne à Madrid, où il 
tomba malade, et l'Empereur alla lui faire visite. 
Ce fut la première fois qu'ils se virent. 

Tandis que l'Empereur était dans ladite ville de 



(t) Pelo dantes ditlo duque de BorbDii. 



— 19 — 

Madrid, on négocia et Ton conclut avec ledit roi 
la paix et son mariage avec la reine veuve de Por- 
tugal, madame Ëiéonore, sœur de Tempereur. A la 
même époque, arriva aussi le duc de Bourbon, qui 
retourna bientôt à Miian, ayant été investi de cet 
État par Sa Majesté. 
1526 En 1526, l'empereur partit de Tolède pour 
Séville, où il se maria. En chemin, il reçut la nou- 
velle de la mort de la reine de Danemark, sa sœur. 
Dans la même ville de Séville, vint le visiter son 
beau-frère, le seigneur infant don Louis de Por- 
tugal, qui accompagnait Timpératrice , sa sœur. 
Ce fut la première fois que Sa Majesté vit ledit 
seigneur infant. Dans ce même temps aussi , elle 
mit en liberté (1) le roi de France, en échange de 
deux de ses fils, conformément aux conditions des 
conventions faites à Madrid. Celui-ci, bientôt après, 
renouvela la guerre, et Sa Majesté Impériale reçut 
à Grenade un défi (2), en vertu d'une ligue con- 
clue entre le pape Clément, qui avait été élu après 

(1) Sollou. 

(2) Foi (tesafîado. 

2 



— 20 — 

la mort du pape Adrien, les rois de France et d'An- 
gleterre et la seigneurie de Venise. Sa Majesté ré- 
pondit à ce défi. 

Dans le même lieu arriva à l'empereur la nou- 
velle que son beau-frère, le roi Louis de Hongrie, 
avait été défait par les Turcs et qu'il avait péri. 
C'est pourquoi Sa Majesté convoqua à Valladolid 
les cortès générales de tous ses royaumes de Cas- 
tille, afin de s'occuper du remède à apporter à cet 
état de choses, et de la défense qu'il y avait lieu 
d'organiser contre les Turcs. Sa Majesté se trou- 
1527 vait en cette ville, en 1527, quand naquit son fils 
Philippe, prince d'Espagne. Dans le même temps et 
dans le même lieu, lui parvint la nouvelle que 
l'armée, qu'avait levée le duc de Bourbon, était 
entrée à Rome, à la suite d'un assaut, où ledit duc 
avait été tué, et qu'elle tenait le pape Clément en- 
fermé (1) au château Saint-Ange. Une garde avait 
été mise ensuite à ce château par le prince d'Orange 
qui , depuis la mort du duc de Bourbon , était de- 
meuré chef de l'armée. 

(1) Encerrado. 



— 21 — 

Le pape resta dans ledit château jusqu'à ce que, 
s'étant entendu avec l'armée (1), il fut, par ordre 
de Sa Majesté, mis en liberté. 

A la même époque, dans la ville de Burgos, 
l'empereur reçut un défi des rois de France et 
d'Angleterre, sous le prétexte de la détention du 
pape Clément (2). Sa Majesté répondit entre autres 
choses : que ce défi n'avait plus de motif, attendu 
que le pape était en liberté ; et qu'il fallait moins 
reprocher le fait de la détention du pape à l'empe- 
reur qu'à ceux qui l'avaient obligé à lever pour sa 
défense tant de gens de guerre, dont il n'avait pas 
été bien obéi (3). 

Tout ceci étant passé. Sa Majesté revint à 
Madrid, et elle y tint les certes des royaumes de 
Castille, où son fils Philippe fut reconnu (4) prince 
desdits royaumes. 



(1) Tee que lendo se concerlado com o exercilo. 
(3) Sob color (la detençâô do papa Glemenle. 

(3) E que linha aeonlecido de sua detençâô fora mais por 
culpa daquelies.o obrigaram a mandar para sua defensâô lanta 
gente de guerra que nâo foi bem obedecido, que por sua. 

(4) Fol jurado. 



— 22 — 

iî^28 L'an 1828, Sa Majesté, se rendant à Valladolid, 
ressentit les premières atteintes de la goutte. Elle 
reçut la nouvelle qu'une armée, envoyée par le roi 
de France en Italie, sous prétexte de délivrer le 
pape Clément (qui, comme on l'a dit, était déjà 
libre) (1), s'était avancée pour envahir et assaillir le 
royaume de Naples ; qu'elle en avait déjà conquis 
une grande partie, et qu'elle avait mis le siège 
devant la capitale, dans laquelle s^était retirée 
l'armée qui avait été à Rome, Dans celte armée se 
trouvaient le prince d'Orange, don Alphonse d'Ava- 
los, marquis du Guast, Alarcon, qui avait occupé 
le château Saint -Ange, et don Hugues de Mon- 
cade, qui était dans ladite ville de Naples, parce 
qu'il s'y était trouvé à la mort du vice-roi Charles 
de Lannoy ; et comme chacun prétendait au com- 
mandement supérieur, ils ne s'entendaient pas 
bien entre eux. Néanmoins ils firent si bien leur 
devoir que, avec l'aide de Dieu, ledit royaume et la 
capitale furent défendus, et que l'armée française 

* 

(1) Gora cor de querer livrar o papa Clemenle, o quai, como 
fica (liUOf eslava ja livre. 



— 25 — 

fut vaincue et mise en déroute (1). Durant ce 
siège, don Hugues de Moncade sortit avec quelques 
galères pour attaquer celles de Tescadre du prince 
Doria ; mais Hugues de Moncade fut tué, et la plu- 
part de ses galères furent prises. 

Sa Majesté, conformément à la résolution qu'elle 
avait prise, alla à Monzon tenir les cortès des trois 
royaumes d'Aragon. Ceci achevé, elle retourna à 
Madrid, où se trouvait l'impératrice qui avait donné 
le jour à l'infante dona Maria, sa première fille. 
Bientôt après, arrivèrent les députés du prince 
Doria qui, pour certains motifs et à cause du mau- 
vais traitement qui lui avait été fait (2), offrait de 
venir au service de Sa Majesté, avec ses galères 
et celles qui avaient été prises devant Naples. Sa 
Majesté accueillit volontiers ces offres qui lui 
furent très-agréables et qui étaient indispensables 
pour le succès de ce qu'elle songeait à faire et de 
ce qui pouvait survenir ultérieurement (5). 

(1) Rolto e desbaratado. 

(S) Por algûas causas e mao Irallamento que Ihe fora feilo. 

(3) quai Sua Majestade acceilou de boa vontade por este 



— 24 — 

De là, Tempereup se mit bientôt en roule pour 
Tolède; et dans cette ville il chargea Timpératrice 
de gouverner en son absence tous ses royaumes 
d'Espagne, d'où il avait résolu de s'éloigner, animé 
du désir d'imposer le meilleur ordre possible aux 
erreurs de l'Allemagne, auxquelles, comme il a 
élé dit , il n'avait pu porter qu'imparfaitement re- 
mède (1), à cause des guerres qu'on lui avait susci- 
tées. Il voulait aussi, en résistant aux attaques diri- 
gées sans cesse contre lui du côté de l'Italie, y ceindre 
en même temps les couronnes qu'il n'avait pas encore 
reçues, et enfin se trouver plus à même d'arrêter le 
Turc qui, disait-on, marchait contre la chrétienté. 
1529 Par ces divers motifs, l'empereur quitta la ville 
de Tolède pour se rendre à Barcelone, où le 
prince Doria arriva aussi peu après avec ses 
galères. Il acheva d'y équiper et d'y mettre en 
ordre toute sa flotte afin de s'embarquer et d'aller, 

offerecimento Ibe ser de muito goslo e necessario para o que 
tratlava fazer e que cada dia se Ihe podia offerecer. 

(1) Po lo desejo que (inba de dar a melhor ordem que Ihe fosse 
possivel aos erros anlesdiUos de Alemanha que^como esta diUo, 
Sua Majestade deixara o remedio imperfeito. 



— 23 — 

ainsi qu'il a été dit, se faire couronner en Italie, 
malgré la ligue déjà mentionnée qui avait été 
formée contre Sa Majesté et qui, dans le même 
moment, commençait à se dissoudre. Car pen- 
dant qu'elle était encore à Barcelone, il y eut 
des négociations entre le pape Clément et Sa 
Majesté. Là vint la nouvelle que M. de Saint- 
Pol avait été défait dans l'État de Milan , et qu'il 
était prisonnier d'Antoine de Leyva , gouverneur 
de cet État. Dans le même temps , madame Mar- 
guerite, sa tante, traitait à Cambray de la paix avec 
madame la régente de France, mère du roi. Cela 
fait. Sa Majesté s'embarqua, et ayant mis à la voile 
avec toute sa flotte, elle passa la mer du Levant et 
arriva pour la première fois en Italie. Comme elle 
naviguait le long des côtes de France, elle ouït dire 
que la paix était conclue; mais elle n'en eut la cer- 
titude qu'à son arrivée à Savone. En conséquence, 
elle envoya de Gênes, le seigneur de la Chaulx, 
son sommeiller de corps, pour la ratifier. De là, elle 
partit pour entrer plus avant en Italie, où elle fut 
instruite que le Turc, ayant pénétré en Hongrie, 



— 26 — 

avait mis le siège devant Vienne et donné Tassant 
à cette ville : ce qui fut cause que le pape Clément 
et Tempereur se virent tous deux pour la première 
fois à Bologne où Sa Majesté ressentit sa seconde 
attaque de goutte. Dans le même lieu, l'empereur ap- 
prit que rimpératrice avait mis au jour son deuxième 
fils, Ferdinand, dont la mort lui fut annoncée Fan- 
née suivante à Augsboui^. Afin d*être plus libre 
pour résister au Turc, et afin de laisser Fltalie tran- 
quille (1), il ceignit les couronnes qui lui apparte- 
naient (2), dans ladite ville de Bologne. Il conclut 
la paix avec les Vénitiens, et investit de nouveau 
de l'État de Milan le duc François Sforza. Après 
une longue guerre dirigée par le pape et Sa Majesté 
contre les Florentins, dans laquelle le prince 
d'Orange, qui déjà était vice-roi de Naples, remplit 
les fonctions de capitaine -général, la maison de 
Médicis fut rétablie dans la ville de Florence, et le 
duc Alexandre fut investi de cet État. Dans cette 



(1) E por Sua Majestade Gcar mais livre para resistir ao Turco 
e por deixar Italia quieta. 
(â) Suas coroas. 



— 27 — 

expédition, le prince d'Orange fut tué. Il fut rem- 
placé dans son commandement par don Ferdinand 
de Gonzague, et dans le gouvernement de Naples 
parle cardinal Caracciolo, jusqu'à ce que Sa Majesté 
en eût disposé autrement. 

Sur ces entrefaites, une telle résistance fut faite 
par le roi son frère et ceux qui étaient avec lui à 
Vienne, que le Turc, tant pour ce motif que parce 
qu'il apprit les diligences et les préparatifs qu'on 
faisait pour le combattre, jugea à propos de se 
retirer. Dans ce même temps, l'empereur de- 
manda à Sa Sainteté, comme chose très-impor- 
tante et nécessaire pour porter remède à ce qui 
se passait en Allemagne et aux erreurs qui se 
propageaient dans la chrétienté, de vouloir, 
(comme unique et principal remède) convoquer 
et assembler un concile général (1). A cet effet, 
Sa Sainteté nomma un légat pour assister à la 

(1) Como de cousa mais principal e necessaria, o Emperador 
sollicilou a Sua Santilade que, para remedio da Germania e dos 
erros que iào mulUplicando em a Ghristandade, quisesse, como 
unico e principal remedio, convocare celebrar hum concilio 
gérai. 



— 28 — 

diète d'Augsbourg et y prendre toutes les résolu- 
tions qui sembleraient le plus propres h celte fin. 
1530 Ces choses terminées, l'empereur prenant congé 
du pape, partit de Bologne pour se rendre à la 
diète qu'il avait convoquée à Augsbourg. Là vint 
le légat du pape pour traiter du remède desdites 
erreurs, et en même temps afin de pourvoir et 
d'obvier aux maux dont on était menacé de la part 
du Turc. L'empereur, passant par Mantoue et les 
terres de Venise, arriva à Trente, et en Allemagne 
pour la seconde fois. Pendant ce voyage, il ren- 
contra le roi son frère, et ils se rendirent ensemble 
à ladite diète d'Augsbourg, où l'on accorda contre 
le Turc une bonne aide, qui plus tard fut mise à 
exécution à Ralisbonne. Dans ce temps, il entama 
des négociations (1) avec les Électeurs. Attendu que 
l'empereur, à cause des grands royaumes et des 
grandes terres, que Dieu lui avait donnés, ne pou- 
vait prolonger son séjour dans l'empire autant qu'il 
le désirait et que cela était convenable (2), on traita 

(1) Prattica el intelligencia. 
(î) Quanto desejava e convinha. 



— 29 — 

de rélection du roi son frère comme roi des 
Romains. La diète terminée, ils partirent tous 
ensemble, et il vit pour la troisième fois le Rhin 
en le suivant jusqu'à Cologne. Ce fut là, (à cause 
de la peste qui régnait à Francfort), que se conclut, 
sur la proposition de Sa Majesté, Félection du roi 
i53i son frère comme roi des Romains. De ladite ville 
de Cologne, l'empereur se rendit à Aix-la-Chapelle 
pour couronner ledit roi. Ceci étant fait, le roi et 
les Électeurs se mirent à traiter de leurs intérêts 
particuliers, et l'empereur revint pour la troisième 
fois dans ses États de Flandre, afin de mettre 
ordre aux affaires qu'il y avait, tant par suite de sa 
longue absence qu'à cause de la mort de madame 
Marguerite sa tante, dont la nouvelle lui était par- 
venue quand il descendait le Rhin. Afin de mettre 
tout dans le meilleur ordre, il confia l'expédition 
et la direction des affaires à la reine de Hongrie 
madame sa sœur. Cela étant réglé et achevé, il 
parcourut ses États, et visita une partie de ses 
terres. Ce fut avec l'aide et en la compagnie de 
ladite reine, qu'il prit toutes les mesures qui lui 



— oO — 

parurent les plus convenables et les plus néces- 
saires. Entre autres choses, il tint le troisième cha- 
pitre de Tordre de la Toison d'Or, à Tournay. 
io32 Au commencement de cette année, l'empereur, 
laissant, pour la première fois, la reine de Hongrie 
sa sœur dans le gouvernement desdits États de 
Flandre, prit sa route, pour la quatrième fois, par 
le Rhin, afin de rentrer, une troisième fois, en Alle- 
magne, tant pour rechercher s'il pouvait pourvoir 
en quelque manière au remède des hérésies qui s'y 
répandaient (1) que pour s'opposera l'invasion du 
Turc, qui se préparait, comme on en avait reçu la 
nouvelle, à venir avec de grandes forces détruire 
l'Allemagne. A cet effet, il avait convoqué une diète 
impériale à Ratisbonne, pour mettre à exécution 
ce qui avait été convenu, comme il a déjà été dit, 
à Augsboui^. Pendant ce voyage, se trouvant à la 
chasse il tomba de cheval et se blessa à la jambe ; 
par suite, Férysipèle s'y déclara et il en souffrit 
tout le temps qu'il passa à Ratisbonne. Il éprouva 

(1) Por ver se podia fazer algûa cousa de proveito para re- 
medio das heregias que liavia nella. 



— 51 — 

aussi une troisième attaque de goutte. Dans la même 
ville mourut son neveu le prince de Danemark. 

Pendant que Sa Majesté était ainsi indisposée, 
on traita dans cette diète du remède à apporter 
aux affaires de religion, et Ton reçut la nouvelle 
certaine de la venue du Turc dans le but indiqué 
plus haut. Par ce motif, Sa Majesté, conjointe- 
ment avec le roi des Romains son frère, s'adressa 
aux États de l'empire qui se montrèrent pleins de 
zèle dans l'accomplissement de leur devoir. On 
suspendit donc les affaires de religion, parce que 
le temps manquait (1), et on les laissa dans l'état 
où elles se trouvaient. Une telle armée fut réunie 
par l'empire ainsi que par Leurs Majestés l'empe- 
reur et le roi des Romains, que le Turc, qui voulait 
aller assiéger Vienne, où l'empereur et le roi des 
Romains l'avaient prévenu avec leurs troupes, 
ayant vu une partie des siens (ils s'étaient avancés 
sur plusieurs points) mis en déroute par le comte 
Frédéric Palatin, alors général de l'armée impé- 
riale, résolut de rebrousser chemin, et battit en 

(1) Pola brevidade do tempo. 



— 52 — 

retraite près de Neustadt. En efTet, le Turc, ayant 
passé la Drave et la Save, retourna à Conslanli- 
nople avec grande perle et dommage de ses gens. 
Dès ce moment, on commença à moins redouter 
ses forces (1). 

Dans le même été, le prince Doria, pour opérer 
une diversion, alla, par Tordre de l'empereur, atta- 
quer les possessions maritimes du Turc; il con- 
quit la ville de Coron en Morée, où il laissa une 
garnison ; prit en outre beaucoup d'autres places, 
et fit de grands ravages. 

L'empereur voyant qu'en ce moment il n'y avait 
plus rien à faire contre le Turc, que la saison était 
trop avancée pour songer à reconquérir la Hongrie, 
et que la peste ravageait l'armée, résolut de licen- 
cier toutes ses troupes, afin d'éviter des dépenses 
inutiles. Ceci se fit sans aucun désordre. Seule- 
ment les Italiens, que Sa Majesté avait résolu de 
laisser en Autriche pour la défense de cet État, 
excités par quelques mauvais esprits, se mutinèrent 

('1) Que foi principio para dalli em (liante menos estimar suas 
forças. 






— S3 — 

sans aucun motif, et s*en retournèrent. Cependant 
Ferapereur, poursuivant ses desseins, se mit bien- 
tôt en route pour aller, une seconde fois, en Italie, 
et de là en Espagne, ce qu il avait grand désir de 
faire, parce qu'il y avait déjà quatre ans qu'il était 
éloigné de l'impératrice sa femme. Il désirait aussi, 
en traversant l'Italie, avoir une seconde entrevue 
avec le pape Clément, tant pour traiter de la con- 
vocation du concile, du remède des affaires de reli- 
gion, et de la résistance à opposer au Turc, que 
pour assurer la paix et la tranquillité de l'Italie. Sa 
Majesté , continuant son chemin par le Frioul, ar- 
riva à Bologne, et vit, une seconde fois, Sa Sainteté, 
sans que cela produisit toutefois le plein effet que 
Sa Majesté espérait atteindre (1), et elle partit pour 
aller s'embarquer à Gènes, ce qu'elle fit peu après. 
1533 L'empereur traversa, pour la seconde fois, la 
mer du Levant ; et abordant pour la troisième fois 
en Espagne, il débarqua à Barcelone, où l'atten- 
dait l'impératrice avec le prince d'Espagne et l'in- 

(I) Dônde nâo resullou inleiro effeilo do que Sua Majeslade 
pretendia. 



— 34 — 

fanle dona Maria, ses enfanls. Âpres être reslé 
dans cette ville durant quelques jours, il se rendit 
à Monzon pour tenir lescortès de ses trois royaumes 
d'Aragon. Pendant qu'il y assistait, Fimpératrice 
éprouva de fortes souffrances, mais quand elle fut 
guérie, elle vint aussi à Monzon. Les corlës étant 
achevées. Leurs Majestés se mirent en route et arri- 

1534 vèrent, Tan 1534, à Tolède. II y eut là aussi une as- 
semblée de cortès, après quoi, Leurs Majestés allè- 
rent à Valladolid , où Fimpéralrice accoucha avant 
terme d'un fils. De là, à cause de la peste qui y 
régnait, elles se rendirent à Palencia où l'empereur 
eut, ainsi qu'il put s'en assurer, une quatrième at- 
taque de goutte. Dans la même année, il partit de 
celte ville pour aller à Madrid et passer l'hiver dans 
le royaume de Tolède. A celte époque, se résolut et 
se prépara l'expédition de Tunis que Barberousse, 
cet été même, avait conquis avec une grande 
armée de Turcs. 

1535 Sa Majesté, laissant pour la seconde fois à l'impéra- 
trice, qui était enceinte, le gouvernement de tous ses 
royaumes d'Espagne, s'éloigna de Madrid et arriva 



— 38 — 

à Barcelone, afin de commencer le voyage de Tunis. 
A cet effet, elle rassembla dans ladite ville de 
Barcelone un grand nombre de navires de guerre, 
les uns envoyés par le roi de Portugal , son beau- 
frère, les autres venus de Malaga et d'autres points 
des côtes d'Espagne. Là arrivèrent aussi les galères 
d'Espagne et celles du prince Doria, général de la 
mer pour Sa Majesté. Lorsqu'on eut réuni tous ces 
navires, ainsi que les seigneurs, les gentilshommes, 
les nobles (1), les gens de cour et de guerre, de 
mer et de terre, l'empereur s'embarqua, pour la 
troisième fois, à Barcelone , afin d'aller à Tunis, et 
il passa la mer du Levant, pour la troisième fois. 
Tandis que l'empereur était occupé de ces choses, 
l'infant don Louis de Portugal, son beau-frère, 
ayant appris que l'expédition qu'allait entre- 
prendre Sa Majesté, était dirigée contre les 
infidèles, voulut y prendre part, comme prince 
chrétien et doué d'un grand courage (2). Il vint donc 
en poste, avec plusieurs des principaux person- 

(1) Os scnhores, genlizliomés el fidalgos. 

(3) Como principe chrislad e de grande animo. 



— 36 -^ 

nages du royaume de Portugal, dans la même ville 
de Barcelone, où l'empereur se trouvait. Ce fut 
la seconde fois qu'ils se virent. L'empereur le reçut 
et le traita, pendant toute la durée de l'expédition, 
comme un frère doit traiter son frère (1), et le 
mieux qu'il lui fut possible. 

Tous les préparatifs étant achevés, ils s'embar- 
quèrent au printemps; et ayant mis à la voile, ils 
furent forcés par le mauvais temps de diriger leur 
route par Mayorque, où l'empereur arriva, pour la 
première fois, avec toute sa flotte, et puis par Mi- 
norque, où il arriva aussi pour la première fois. 
De là portant le cap sur la Sardaigne , où il tou- 
cha également pour la première fois, il y trouva 
tous ses gens de mer et de terre , qui s'y étaient 
rendus sur des galères et sur d'autres bâtiments, 
afin que les deux flottes s'y réunissent. Là vinrent 
aussi six galères du pape Paul, qui avait été élu peu 
auparavant après la mort du pape Clément. Cetle 
jonction opérée, tous partirent de l'île de Sardaigne, 

(1) Como hum irmàô deve Tazer a outro. 



— 37 — 

en se recommandant d'^mord à Dieu , par la fa- 
veur et la grâce de qui ils devaient, avant le jour, 
toucher la terre d'Afrique (1). Le matin venu, , 
Tempereur avec ses galères découvrit la terre 
et attendit les autres navires au port Farino. 
Ensuite, après avoir fait reconnaître les lieux 
propres au débarquement, il mit pour la première 
fois, entre le cap de Carthage et la Goulelle, le pied 
sur la terre d'Afrique, avec tous ses gens de guerre, 
dont le marquis du Guast était le général. Après 
avoir été retardé par quelques escarmouches, il as- 
siégea la Goulelte pendant quelques jours avec une 
forle artillerie (2), et elle fut enfin prise d'assaut. 
En ce temps, fempereur reçut la nouvelle que 
l'impératrice avait mis au monde l'infante dona 
Juana, sa seconde fille. Peu de jours après, l'em- 
pereur, laissant la Goulette et la flotte bien pour- 
vues, s'avança vers Tunis avec ses gens à pied et 
à cheval et avec quelques pièces d'artillerie. Tandis 



(t) Encommendando se primeiro a Deus, corn cujo favor e 
graça chegaram antes de dia à (erra de Africa. 
(3) Gom grande baUeria. 



— 38 — 

qu*il marchait, Barberousse sortit de Tunis avec un 
grand nombre de Mores, à pied et à cheval, et avec 
une forte artillerie, et il rencontra l'empereur et son 
armée, entre des puits et des étangs, où l'empereur 
voulait s'arrêter pour rafraîchir ses soldats. L'em- 
pereur occupa ce lieu de vive force, et obligea les 
ennemis à se retirer après avoir perdu leur artillerie 
et une partie de leurs troupes. Du côté de Sa Majesté 
il y eut aussi quelques morts ; et ce même jour, 
Barberousse commença sa retraite vers Tunis. Le 
lendemain, lorsque l'aube parut, l'empereur rangea 
son armée en bataille, et marcha sur ladite ville de 
Tunis, et ni Barberousse ni ses gens ne purent 
l'empêcher d'y entrer avec son armée. Quand la 
ville eut été saccagée, et quand on y eut délivré les 
esclaves chrétiens , il la rendit au roi Hassan ; et 
après être retourné à la Goulelle, qu'il fortifia, il 
s'embarqua avec l'intention d'aller prendre la ville 
d'Afrique (1). Il en fut empêché par les vents con- 
traires. Partant donc de Calybia, qui est aussi sur 



(1) Alger. Voyez sur ce projet, Sandoval, XXII, 45. 



— 39 — 

la côte d'Afrique, il traversa, pour la quatrième fois, 
la mer du Levant, et aborda, pour la première fois, 
en Sicile ; et après y avoir tenu une assemblée et 
avoir donné les ordres convenables pour le bien de 
ce royaume , où il laissa pour vice-roi don Ferdi- 
nand de Gonzague, il passa le phare de Messine et 
se rendit par la Calabre, à Naples. C'était la troi- 
sième fois qu'il se trouvait en Italie. Dans ce 
voyage, il fut, pour la cinquième fois, et à quatre 
reprises, atteint de la goutte. Étant à Naples, Tem- 
pereur convoqua une assemblée dans laquelle on 
traita des affaires du royaume, et il y reçut la 
nouvelle de la mort de la reine d'Angleterre , du 
prince de Piémont , qui était en Espagne , et de 
François Sforza, duc de Milan. 

Durant ce temps, le roi François de France 
commença une troisième guerre pour occuper les 
États du duc de Savoie : ce qui obligea Sa Majesté 
impériale à partir de Naples le plus tôt qu'elle 
put, afin de remédier et d'obvier à cette attaque. 
1336 L'empereur vint à Rome, où était le pape Paul, 
(ce fut la première fois qu'il vit Sa Sainteté) tant 



— 40 — 

pour traiter de la paix, qu'on lui avait demandée, 
que pour l'engager, dans le cas où elle ne se ferait 
pas, à aider le duc de Savoie, qui, outre qu'il était 
vassal de l'empire , était marié à sa belle-sœur et 
cousine germaine l'infante dona Béatrice de Por- 
tugal. A Rome il y eut à ce sujet des pourparlers, 
et il se passa beaucoup de choses, qui ne furent 
que des paroles sans effet (1). Il en résulta 
des écrits tels que l'empereur ne voulut point 
prendre le soin d'y répondre, comme à des choses 
trop frivoles (2). Il résolut donc de poursuivre son 
chemin. Ayant pris toutes les dispositions possibles, 
et désirant trouver le moyen le plus convenable de 
rendre au duc de Savoie la plus grande partie de 
ses Etats, dont il avait été dépouillé à main armée, 
il laissa une partie de son armée près de Turin , 
et fit avancer par les Pays-Bas une autre armée, 
à laquelle il donna pour capitaine le comte de 

(1) Em Roma se trattou e praticou desta materia, e passarara 
muilas cousas que nâo forain mais palavras sem effeito. 

(âj D'onde se seguiram laes escrilturas que Sua Majestade nâo 
quis (omar cuidado de Ihes responder, com a cousas muito fri- 
volas. 



— 4i - 

Nassau, afin dinquiéter Tennemi et de lui causer du 
dommage. Enfin il marcha lui-même en avant avec 
le reste de ses troupes, dont il avait confié le com- 
mandement à Antoine de Leyva, et pénétra jusqu'à 
Aix en Provence. C'était la première fois qu'il entrait 
en France et avec une armée (1). Cependant, vu que 
la saison était déjà avancée, et qu'il fallait faire face 
à une entreprise de fennemi, il se retira avec toute 
son armée à Nice. De là il se rendit à Gènes, où il 
licencia et renvoya toute la partie de son armée qui 
était superflue et inutile. Il avait eu soin de pour- 
voir les frontières de Piémont, de Montferrat et de 
l'État de Milan, dont il fit gouverneur et capitaine- 
général le marquis du Guast. Puis il s'embarqua, 
pour la seconde fois, à Gênes, et traversant, pour la 
cinquième, la mer du Levant, il retourna à Barce- 
lone. Ce fut la quatrième fois qu'il vint en Espagne. 
'^*^7 L'empereur se rendit en poste à Tordesillas, ou 
étaient la reine sa mère et l'impératrice sa femme; 
et de là il alla à Valladolid, où il convoqua les 
cortès. Il fut, pour la sixième fois, fortement attaqué 

(1) ftuefoi apriraeiravezqueenlroueraFrancaecora exercito. 



— 42 — 

de la goutte. Il reçut la nouvelle que le duc 
Alexandre de Médicis avait été tué par trahison, 
et il investit de l'État de Florence le duc Côme de 
Médicis. Sur ces entrefaites, Tinfant don Louis de 
Portugal vint à Valladolid voir Sa Majesté et l'im- 
pératrice. Ce fut la troisième visite qu'il fit à Leurs 
Majestés. Peu de jours après , l'empereur, laissant 
l'impératrice enceinte, se rendit à Monzon, où il 
convoqua les corlès ordinaires. Dans ce temps, le 
roi de France, avec des troupes levées à la hâte, 
entra dans les États de Flandre, et s'empara rapi- 
dement d'Hesdin et de Saint-Pol, qui fut bientôt 
repris d'assaut par une armée que rassembla la 
reine de Hongrie, et dont le général était le comte 
de Buren. En même temps, cette armée prit Mon- 
treuil, et mit en déroute Annibal (1), qui cherchait 
à ravitailler Thérouanne alors assiégée. Malgré 
cela , cette ville fut secourue, le siège en fut levé, 
et Montreuil fut abandonné. 



(t) HennebauU, que Brantôme appelle ramiral d'Annebaut, en 
le peignant très-brave quoique bègue ou plutôt parce qu'il était 
bègue. 



— 45 — 

Le roi de France, voyant que les terres du duc 
de Savoie, qu'il avait conquises en Piémont, man- 
quaient d'approvisionnements et étaient serrées de 
près par les impériaux, et qu'il n'avait d'ailleurs 
aucun moyen de venir à leur secours, s'il ne s'affran- 
chissait de la résistance qu'il rencontrait dans les 
États de Flandre, proposa une trêve générale, 
que l'empereur fit difficulté d'accepter, parce qu'il 
connaissait la fâcheuse situation des terres, que 
le roi de France occupait en Piémont. De ces né- 
gociations il résulta que l'empereur étant informé 
de la triste situation où se trouvaient lesdites 
terres, et sachant que ses forces étaient telles 
que l'on jugeait impossible que ces terres pussent 
être secourues , et encore par d'autres raisons qui 
le guidèrent, conclut une trêve générale avec ledit 
roi, en exceptant seulement le Piémont. Il advint 
toutefois que le roi de France envoya tant de gens 
et tant de forces en Piémont, que lesdites terres 
furent secourues. 

Les certes étant achevées, l'empereur retourna 
en poste à Valladolid, afin de voir l'impératrice 



— 44 — 

qui venait d'accoucher de son quatrième fils 
rinfant don Juan, qui mourut peu après. Près* 
que dans le même temps mourut aussi Tinfanle 
dona Béatrice de Portugal, duchesse de Savoie. 
L'impératrice fut aussi très- souffrante de ses 
couches; et depuis lors jusqu'à sa mort elle eut 
toujours peu de santé. Pendant que l'empereur 
était à Monzon, il y eut quelques pourparlers de 
paix entre Sa Majesté et le roi de France. Il en 
résulta une conférence de leurs ambassadeurs, qui 
furent de la part de l'empereur, Covos, grand 
commandeur de Léon, et M. de Granvelle, et 
de la part du roi, le cardinal de Lorraine et le 
connétable de France; et, comme on eut quelque 
espoir d'une entrevue entre Leurs Majestés, l'em- 
pereur revint en poste à Barcelone, pour voir ce 
qui adviendrait de ces pourparlers. Cependant le 
pape Paul remaquant que l'on n'aboutissait à au- 
cune conclusion, voulut s'entremettre et ouvrir de 
nouvelles négociations, offrant de se rendre lui- 
même à Nice, pendant que l'empereur irait à Ville- 
franche, et le roi de France à Antibes : ce à quoi 



— 45 — 

l'empereur condescendit, parce qu'il était toujours 
enclin au bien de la paix (1). 

Sur ces entrefaites, l'empereur alla visiter Perpi- 
gnan et la frontière de Roussillon ; et à son retour, 
il trouva l'infant don Louis de Portugal son beau- 
frère. Ce prince, par la bonne inclination et le 
désir qu'il avait de s'employer au service de Dieu 
et d'être une cause de bien (2), vint en poste dans la 
ville de Barcelone, afin de voir s'il pourrait rendre 
quelques bons offices pour amener la conclusion 
de la paix. Il fut reçu et traité par Sa Majesté, 
comme elle avait toujours eu coutume de le faire. 
Mais voyant que le voyage de Nice était déjà con- 
venu, et que Sa Sainteté voulait servir de média- 
teur dans cette affaire. Sa Majesté jugea qu'il va- 
lait mieux que le seigneur infant n'allât pas plus 
loin que Barcelone. Ainsi il s'en retourna, et ce fut 
la quatrième fois qu'il vit Sa Majesté. 
1538 Comme cela a été dit, l'empereur se rendit par 

(1) Por ser sempre inclinado ao bem da paz. 

(2) Pola boa inclinacàô e desejos que tinba de se empregar 
em cousas do serviço de Deus e ser causa d'algûm bem. 



^ 46 — 

la poste à Barcelone ; el là , conformément à son 
intention de voir ce qui adviendrait de ces con- 
férences, il s'embarqua une troisième fois, et entre* 
prit sa sixième traversée de la mer du Levant. 
Tandis qu'il était encore à Barcelone, on avait 
engagé quelques négociations de trêves entre Sa 
Majesté et le roi de France, et il parut à l'empereur 
qu'il n'y avait pas grand inconvénient à le faire, 
puisqu'il allait à Nice pour traiter de la paix. Il y 
consentit donc au moment où il voulait s'embar- 
quer , et envoya aussitôt sa ratification , bien que 
l'on n'eût pas encore obtenu celle du roi, parce 
qu'il n'avait pu en être informé aussi promptement. 
Dans le même temps, courut la nouvelle que la 
flotte du Turc se dirigeait vers les pays d'Occi- 
dent, et l'on disait que c'était avec l'intention d em- 
pêcher ce voyage de Nice. Sa Majesté étant arrivée 
aux Pomègues (1) de Marseille, on découvrit quel- 
ques voiles latines qui venaient de l'Orient. L'em- 
pereur, sachant que, peu de temps auparavant, le 

(1) In insulas quae sanl an(e Massiliam, \\i\go Pomegas dictas. 
Sepulveda, XVII, 9. 



— 47 — 

roi de France avait envoyé de ce côté plusieurs 
de ses galères, et croyant que les voiles aperçues 
étaient de ce nombre, leur fit les signaux accou- 
tumés, afin de pouvoir avec sécurité entrer en con- 
versation avec elles, et savoir quelles nouvelles 
elles avaient de la flotte turque. Mais lesdites 
galères ou n'entendirent pas, ou ne voulurent pas 
entendre ces signaux , et comme elles ne savaient 
rien de la trêve, et qu'elles étaient ennemies, elles 
commencèrent à faire feu sur les galères de l'em- 
pereur, et lâchèrent à force de rames de gagner 
la terre de France. Cela ayant été vu par Sa Ma- 
jesté et par ses galères, on leur donna la chasse, 
de telle sorte que l'on en prit quatre en mer; mais 
l'on ne voulut point poursuivre celles qui avaient 
gagné la terre. L'empereur adressa aux capitaines 
des galères qui avaient été prises, de vifs reproches 
sur la faute qu'ils avaient commise, et fit avertir 
le gouverneur de Provence de cette faute et du 
désordre qui en avait été la conséquence, lui 
donnant de plus connaissance de la trêve qui avait 
été conclue à Barcelone, trêve dont le gouverneur 



1 



— 48 — 

ne savait rien. Conformément à cette trêve, il fit 
restituer les quatre galères saisies, et bientôt 
arriva la ratification du roi de France. 

Gela étant fait, l'empereur continua son voyage 
jusqu'à Nice, où il eut sa seconde entrevue avec 
Sa Sainteté, et après lui avoir baisé les pieds, il 
traita avec elle de diiférentes négociations de paix 
avec le roi de France, qui était aussi arrivé à Saint- 
Laurent. On ne parvint toutefois qu à la conclusion 
d'une trêve, et divers motifs portèrent à la faire (1). 

L'empereur étant à Villefranche de Nice et 
désirant voir la reine Très-Ch retienne sa sœur, 
parce qu'il y avait longtemps qu'il ne l'avait vue, 
cette princesse, afin' d'adoucir et de concilier davan- 
tage les volontés de l'empereur son frère et du roi 
son mari, se rendit à Villefranche avec madame la 
daupbine, actuellement reine (2), madame Margue- 
rite (3) et beaucoup d'autres dames et de grands 



(t) Paras as quaes se averem de fazer ouve algûas razoes. 
(:2) Catherine de Médicis. 

(3) Marguerite, fille de François I«', depuis duchesse de 
Savoie. 



k 



— 49 — 

personnages de France. Comme elle trouva fort 
court le temps qu'elle passa avec lui, elle revint 
une autre fois avec une compagnie moins nom- 
breuse, et demeura une nuit dans la même ville. 
La reine s'étant éloignée, et la trêve ayant été 
conclue, Tempereur accompagna Sa Sainteté jus- 
qu'à Gènes, où il fut atteint de la goutte, pour 
la septième fois. C'était la cinquième fois qu'il ve- 
nait en Italie. Dans ce temps, le pape, l'empereur 
et la seigneurie de Venise conclurent une ligue 
offensive contre le Turc. Après quoi, Sa Majesté 
s'embarqua à Gênes pour retourner en Espagne. 
Comme il avait été convenu qu'une entrevue 
aurait lieu entre Sa Majesté et le roi de France, Sa 
Majesté annonça qu'à son retour elle longerait les 
côtes de France, de telle sorte qu'elle s'arrêta 
au port d'Algues -Mortes, Aussitôt le roi vint, 
avec de petites barques , voir l'empereur dans sa 
galère, et celui-ci pour reconnaître une si grande 
courtoisie et montrer une égale confiance (1), alla 

(I) Porpagar lâô grande corleziae mostrar a mesma conflança. 




— 80 — 

aussi visiter le roi dans la ville d*Âigues-Mortes. II 
y demeura jusqu'au lendemain , bien traité et fêté 
par le roi, qui, non content de la courtoisie qu'il 
avait montrée à Fempereur, voulut avec ses deux fils, 
monsieur le dauphin et monsieur d*Orléans, d'autres 
princes du sang et d'autres grands personnages, 
accompagner l'empereur dans la chaloupe de sa 
galère , où ils entrèrent tous ensemble , et où de 
part et d'autre il y eut de grands compliments (1) 
et diverses offres, dont il résulta (ainsi que desdites 
visites et de la trêve) une grande continuation de 
bonne amitié et une confiance plus grande (2). Ce fut 
la seconde fois que Sa Majesté Impériale vit le roi de 
France, et la première fois qu'elle mit le pied dans 
ce royaume eu ami. L'empereur, poursuivant sa 
septième traversée de la mer du Levant, revint pour 
la cinquième fois, en Espagne, et étant descendu ù 
Barcelone, il partit pour Valladolid, où il trouva 
l'impératrice mieux que lorsqu'il l'avait quittée, mais 



(I) Muitos comprimenlos. 

(î) Hùa grande conlinuacàô de boa amizade e major con- 
tîança. 



toujours indisposée. Pour mettre à exécution la 
ligue qu'il avait conclue , il convoqua , pour la se- 
conde fois, les certes générales de tous ses 
royaumes de Castille à Tolède, où se trouvèrent 
Leurs Majestés, et où l'on traita de l'aide et de 
l'assistance qu'il était possible et convenable d'ac- 
corder. 

Dans la même année, la Sicile fut affligée d'une 
grande stérilité. C'était là principalement que la 
flotte devait s'approvisionner, et bien que l'empe- 
reur fût prêt de son côté, il parut au pape et aux 
Vénitiens que l'on ne pouvait songer, cette année, à 
exécuter l'entreprise projetée, et l'on cessa de lever 
J'aide que Sa Majesté avait réclamée des certes. Il 
arriva toutefois que Sa Sainteté et la Seigneurie de 
Venise, jugeant qu'il ne convenait pas de laisser s'é- 
couler l'année sans rien faire, joignirent leurs flottes 
et les envoyèrent pour arrêter et combattre le 
Turc par mer comme par terre. Le résultat de 
cette expédition fut la prise de Castel Nuovo (1). 



(1) Castel nuovo, en Dalnialie, aux bouches de GaUaro. 

4 



— 52 — 

4539 Les souffrances de l'impératrice continuaient et 
sa maladie faisait chaque jour des progrès, surtout 
depuis quelle s'élail reconnue enceinte. L'empe- 
reur demeura la plus grande partie de l'année 1539 
à Tolède. L'état de fimpératrice allait toujours 
en s'aggravant, de telle sorte qu'après qu'elle fut 
délivrée de son cinquième fils, il plut à Dieu de 
l'appeler à lui, et Ton peut tenir pour certain qu'il 
agit ainsi dans sa grande miséricorde. Cette mort 
causa une grande douleur à tout le monde, prin- 
cipalement à l'empereur, qui fit el commanda tout 
ce qu'en pareil cas il est d'usage et convenable de 
faire. 

Depuis l'entrevue d'Aigues-Mortes, les négocia- 
tions se poursuivaient et se continuaient toujours 
pour conclure une paix bonne et stable entre l'empe- 
reur et le roi de France. Comme il arriva qu'à cette 
époque certaines nouveautés commencèrent à se 
faire jour dans les États de Flandre, d'où Sa Majesté 
impériale était éloignée depuis l'an 1551, elle jugea 
que son absence pouvait être un obstacle au remède 
à porter à ces maux, et donner occasion à d'autres 



— 55 — 

maux plus grands (1). L'empereur, se voyait 
sans compagne; il était animé d'un grand désir 
de faire tout ce qui était possible afin d'obtenir 
un bon résultat et la conclusion de la paix, et quoi- 
qu'il vît le prince son flls encore beaucoup trop 
jeune pour gouverner en son absence et pour rem- 
placer l'impératrice dans ses fonctions , et malgré 
les autres empêchements qu'on lui représentait et 
qu'on lui mettait sous les yeux , il n'écouta que la 
bonne et sincère intention qu'il avait de bien faire, 
et d'accomplir ce qu'il devait à ses sujets afin 
d'éviter qu'ils ne tombassent dans de plus grands 
inconvénients et dans de plus grands scandales (2); 
il voulait aussi terminer certaines affaires qu'il avait 
laissées en suspens en Allemagne. Il avait formé le 
dessein de s'embarquer à Barcelone pour passer en 

(1) Naquelle tempo se commencào a mover algûas iiovilades 
nos estados de Flandres, e que eslando sua Majeslade Impérial 
ausenle d'elles desdo anno de XXXI , sua longa absencia podia 
fazer falla para remedio dos maies que Iiavia e dar occasiâo a 
outros majores. 

(2) Pospondo ludo a boa e verdadeira inlençào que (inlia de 
bem fazer e comprir com o que dévia a seus vasallos por evilar 
que nâo caissem em outros maiores inconvenientes e escandalos. 



— 54 — 

Italie ; mais dans le même temps, le roi de France 
lui adressa de vives instances pour qu'il voulût 
bien traverser son royaume, lui offrant toute 
sécurité et un bon accueil , tandis qu'au contraire 
il eût ressenti un grand chagrin et une grande 
peine des témoignages de méfiance que Sa Majesté 
eût donnés en agissant autrement (1). L'empe- 
reur se décida donc à partir d'Espagne, laissant, 
pour la première fois, au prince son fils, quelque 
jeune qu'il fût, le gouvernement de ses royaumes. 
A la fin de cette année, l'empereur exécuta cette 
résolution , et sur la parole et la promesse du roi 
de France (avec lequel une trêve avait été conclue 
à Villefranche de Nice), il passa par son royaume, 
où Sa Majesté fut fêtée et bien traitée. Ce fut la 
troisième fois que Leurs Majestés se virent, et que 
Sa Majesté impériale mit le pied en France, et la 
seconde, qu'elle entra dans ce royaume en ami. 
1540 L'empereur vint en Flandre pour la quatrième fois. 

(1) Offerecendo ihe toda segurança e bom trattameDlo e que 
do contrario receperia grande pezar esenlimenlo polas monslras 
que Sua Majestade daria de desconfiança. 



- 53 — 

Là il pourvut, le plus promptement qu'il put, au re- 
mède des désordres qui y avaient éclaté (l).Il com- 
mença le château de Gand, assembla les états, et visita 
la plus grande partie de ces pays. Pendant cette visite, 
il eut à La Haye, en Hollande, sa huitième attaque 
de goutte, et conformément à l'intention qu'il avait, 
et aux désirs qui l'avaient toujours animé, de con- 
clure une bonne paix, il offrit au roi de France, aussi- 
tôt qu'il fut arrivé dans lesdits États, des conditions 
si favorables, qu'il s'étonna de ne pas les voir ac- 
ceptées, et de ne pas arriver à la paix désirée (2). 
Quelque temps auparavant, messire Charles 
d'Egmont était mort, après avoir occupé pendant de 
longues années le duché de Gueldre, qui toutefois 
ne lui appartenait pas. Bien plus, toutes les fois qu'il 
voyait l'occasion de développer et d'accroître sa 
puissance, il ne la laissait pas échapper, et à plu- 
sieurs reprises il avait essayé de s'emparer des 
terres de Frise, d'Overyssel et de Groningue, d'où 

(1] Proveo ô remedioo mais prestes que pode as desordés que 
bavia. 

(2) Offcrecendo Ihe tao grandes partidos que se maravilhou de 
nâo serem d'elle acceitados e de se nâo seguir a paz desejada. 



1 



— 36 — 

il fut toujours repoussé par les impériaux, et dont 
actuellement Sa Majesté avait la paisible posses- 
sion. Non content de cela, il fit la guerre à Té- 
vêque d'Utrecht, qui était un prince de Tempire, et 
lui enleva par force ladite ville d'Utrecht. Lorsque 
ceci fut connu de Fempereur, à qui Tévêque s'a- 
dressa en réclamant son assistance (obligation à 
laquelle il était tenu comme seigneur du fief, et 
elle était d'autant plus forte qu'il importait de 
maintenir la tranquillité dans les Pays-Bas), (1) 
il se concerta avec l'évêque et lui vint en aide, de 
telle sorte que ledit messire Charles d'Egmont fut 
chassé d'Utrecht par les troupes impériales. L'em- 
pereur, qui s'y rendit peu après , y fit construire 
une nouvelle forteresse, et il obtint à ce sujet tant 
du pape que de l'empire les ratifications et les actes 
nécessaires. 

Après la mort de Charles d'Egmont, le duc 
Guillaume de Clèves s'empara du gouvernement du 
duché de Gueldre, prétendant y avoir droit. Sa Ma- 
jesté impériale, voyant ce qui en était et ce que par 

(1) Nos Payses-Baixos de haver quielaçào. 



- S7 — 

bonne raison elle pouvait et devait faire, lui fit offrir 
de diverses manières des conditions telles que selon 
la raison elles eussent dû être acceptées. Mais par 
les sollicitations et les pratiques de la France (les 
Français étaient mécontents, quoique sans motifs, 
des conditions de la paix, qui n'étaient pas toutes 
conformes à leur volonté et à leurs desseins) (1), 
le duc qui d'ailleurs était jeune et suivait 
les conseils de sa mère, ne voulut pas les 
accepter. L'empereur ayant fait ainsi tout ce qu'il 
avait à faire dans les États de Flandre , et ayant 
convoqué une diète à Ratisbonne, où il voulait 
démontrer encore plus son droit relativement au 
duché de Gueldre , résolut de partir pour ladite 
diète, car déjà, lorsqu'il était en Espagne, il avait 
ouvert à ce sujet des négociations avec les Étals de 
l'empire. Le roi des Romains vint voir l'empereur 
son frère en Flandre, et les députés de l'empire 
s'assemblèrent à Worms pour s'occuper de cette 



(1) Gomo por os Francerez ficarem disconlenlos (aïnda que 
sem razàô] das condiçoés da paz por nâo serem todas conformées 
a sua vontade e ao que tinham proposto. 



— 58 — 

question. L'empereur, voyant que tout n'était 
pas encore complètement arrangé dans les Pays- 
Bas , pria le roi son frère de vouloir bien y de- 
meurer en son absence, et il manda aussi à M. de 
Granvelle et à ses autres ministres, de faire 
avancer les affaires, pendant qu'il se trouverait à 
ladite diète. Du reste , comme cette assemblée 
de Worms, et les négociations qui eurent lieu, 
n'amenèrent pas la résolution qu'il espérait , 
tout fut réservé pour la future diète de Ratis- 
bonne. 
1541 L'empereur laissant, pour la deuxième fois, à la 
reine de Hongrie le gouvernement des Pays-Bas, 
se rendit, en traversant pour la première fois le 
Luxembourg, à la diète de Ratisbonne. C'était la 
quatrième fois que l'empereur allait en Allemagne. 
Il avait convoqué cette diète principalement pour ra- 
mener la concorde et pour porter remède aux affaires 
de religion. Après de nombreuses disputes, l'empe- 
reur remarqua que les princes de l'empire n'étaient 
pas venus à cette diète et qu'on était très-éloigné 
d'une conclusion et encore plus des moyens d'exé- 



^- KO _ 



culion qu'il convenait d'adopter (1); d'ailleurs le 
bruit courait que le Turc voulait entrer en Au- 
triche, et aucun ordre n'avait été donné pour 
s'opposer à cette invasion et faire la résistance 
nécessaire. Déjà, avant d'apprendre ces nouvelles, 
l'empereur, par diverses raisons qui le guidaient, 
avait fait de grands préparatifs pour entreprendre 
par mer, à son retour en Espagne, l'expédition d'Al- 
ger. Il quitta donc Ratisbonne avant d'être pleine- 
ment informé de l'invasion du Turc, et partit pour 
l'Italie afin de s'y embarquer et de commencer ladite 
entreprise. Ce fut la sixième fois que Sa Majesté 
s'y rendit. Aussitôt après son arrivée, on reçut 
la nouvelle certaine que le Turc faisait de grands 
préparatifs pour entrer en Hongrie. Par ce motif, 
l'empereur alla à Lucques, où il eut sa troisième' 
entrevue avec le pape Paul, afin de traiter des 
moyens d'organiser la défense contre le Turc. Mais, 
voyant que cette conférence et ces négociations ne 
produisaient aucun résultat, il se rendit à la Spez- 

(1) Que avia pouco de conclusâo e menos d'execuçâô que con- 
vinlia fazer. 



— 60 — 

zia, port du golfe de Gênes, pour y attendre que 
sa flotte fût tout-à-fait prête. Bien que Féquipe- 
ment et les apprêts de cette flotte eussent duré 
plus qu'il ne convenait, et quoique la saison fût 
presque perdue , toutefois, comme on ne pouvait 
donner un autre emploi aux dépenses qui avaient 
été faites, et par d'autres raisons qui, ainsi qu'on 
l'a dit, l'y engageaient, l'empereur, considérant 
que le temps est dans la main de Dieu (1), 
s'embarqua audit port de la Spezzia pour la Corse, 
qu'il vit pour la première fois, et de là pour Alger, 
en touchant en Sardaigne, à Majorque et à Mi- 
norque pour la seconde fois. C'était la huitième, qu'il 
traversait la mer du Levant, et la deuxième, qu'il 
descendit en Afrique. Dans ce voyage , il eut en 
partie le temps que comportait la saison. La flotte 
d'Espagne arriva aussi , et après quelques escar- 
mouches, lorsque les troupes étaient déjà placées 
dans un endroit convenable pour assiéger la ville, 
et mises en bon ordre avec tout ce qui était néces- 



(1) GoDsiderando que o tempo estava em mâo de Deus. 



— 61 — 

saire pour ouvrir le feu des batteries, il se leva tout 
à coup en mer une si grande tempête que beaucoup 
de vaisseaux périrent, et Farmée qui était à terre 
en souffrit aussi beaucoup. 

Néanmoins, on s'entr'aida et on se mit dans le 
meilleur ordre possible, pour résister aussi bien à 
la fureur de la mer qu'aux sorties et aux attaques 
des ennemis par terre. Enfin la tourmente fut 
telle, que ferapereur jugea que le meilleur parti 
était de ne pas poursuivre son expédition et de 
reprendre la mer. Mais ceci ne put s'exécuter 
immédiatement, parce que la tempête n'avait pas 
cessé. Il fut donc obligé de marcher pendant vingt 
milles par terre, et de franchir deux grandes 
rivières, avant d'arriver au Cap Matafous, où il se 
rembarqua. 

Tout le temps que l'armée fut h terre (elle y de- 
meura douze jours avant de reprendre la mer), elle 
souffrit d'une grande disette d'approvisionnements, 
parce que, comme on l'a dit, le temps était si mau- 
vais que l'on ne pouvait rien tirer des vaisseaux. 
Après ces douze jours, l'empereur mit à la voile, 



— 62 — 

pendant une grande tempête et il fut forcé de tou- 
cher à Bougie. Les vents lui furent si contraires, et il 
fut retenu si longtemps qu'il souffrit beaucoup avec 
tous les siens du manque de vivres ; et le mal eût 
été pire encore si le beau temps n'était pas revenu. 
La tempête fut telle que chacun se réfugia là où il 
put , et beaucoup furent poussés dans une direc- 
tion toute contraire à celle qu'ils voulaient prendre. 
Néanmoins, les troupes se remirent et se refirent 
de sorte que, sans faire autant de pertes qu'on 
aurait dû l'attendre d'un pareil temps, tous revin- 
rent au lieu qui avait été désigné. L'empereur 
congédia les hommes superflus ou le moins né- 
cessaires , et les autres revinrent dans leurs gar- 
nisons. L'empereur, s'étant embarqué à Bougie, 
arriva avec un bon temps, pour la troisième fois, 
à Majorque, d'où le prince Doria retourna à Gênes 
avec ses galères, après être passé par Barcelone. 
1542 L'empereur avec les galères d'Espagne toucha, 
pour la première fois, à Iviça ; il naviguait, pour la 
neuvième fois, sur la mer du Levant. Il arriva à Car- 
thagène : ce fut la sixième fois qu'il vit l'Espagne. 



-• 63 — 

Puis il continua sa route jusqu'à Ocana où il ren- 
contra ses enfants le prince d'Espagne et les infantes. 

Au commencement de Tannée 1542, l'empereur 
alla à Valladolid tenir les certes du royaume de Cas- 
tille. Il fut atteint de la goutte pour la neuvième 
fois, et au monastère de la Mejorada, où il resta 
jusqu'à Pâques, il l'eut pour la première fois presque 
généralement dans tous les membres. Dans ce 
temps, on négocia le mariage du prince son fils 
avec l'infante dona Maria de Portugal, et du prince 
Juan de Portugal avec l'infante dona Juana , 
seconde fille de Sa Majesté. 

Les certes achevées, l'empereur, bien qu'in- 
disposé, se mit en route le plus promptement 
qu'il put, en passant par la Navarre, afin d'aller 
tenir les certes des trois royaumes d'Aragon à 
Monzon , dans l'intention de retourner aussi vite 
que possible en Allemagne, pour traiter du remède 
à porter aux affaires de religion, et pour recou- 
vrer par tous les moyens le duché de Gueldre qui 
lui appartenait. Cependant le roi de France, voyant 
le mauvais succès que l'empereur avait eu dans 



— 64 — 

Tentreprise d'Alger, et se figurant que les dépenses 
auxquelles il avait été obligé le faisaient manquer 
d'argent, commença par. quelque légère plainte, et 
l'empereur lui répondit en offrant toutes les justifi- 
cations auxquelles il était obligé par les conditions 
de la trêve conclue à Nice (1). Le roi de France 
lui transmettait néanmoins de toutes parts l'assu- 
rance qu'il n'avait pas la moindre intention de lui 
faire la guerre (2) ; mais tout à coup il attaqua 
Tempereur dans les Pays-Bas, tant par le moyen 
de Martin Van Rossem, qui commença la guerre du 
côté de la Gueldre, que par l'entreprise de M. d'Or- 
léans sur Luxembourg et de M. de Vendôme dans 
les États de Flandre et en Artois. De plus, il 
ordonna au dauphin son fils d'assiéger Perpignan, 
et vint lui-même jusqu'à Narbonne, afin d'encoura- 
ger l'entreprise. Néanmoins, par la grâce de Dieu, 
l'empereur et ceux qui avaient la conduite de ses 

(1) Âlgùa fraca queixa a quai se linham offerecido todas as 
justincaçôes que o Emperador polas condiçoes da (regoa feila 
em Niza estava obrigado. 

(2) Âssegurando o de todas as parles que nâo tinha intento de 
)he fazer guerra algûa. 



— 65 - 

affaires y mirent un si bon ordre, et Ton organisa 
une si belle défense , que cette fois ledit roi ne fît 
rien d'important.. 

A cette époque, le pape Paul, non content 
d'avoir publié une bulle qui fut un témoignage 
de sa bonne volonté, mais qui n'eut guère d'autres 
effets, convoqua un concile général à Trente et 
envoya en même temps ses légats à Sa Majesté et 
au roi de France, non-seulement afin de les inviter 
et de les exhorter à la paix, mais aussi pour 
les contraindre par les censures ecclésiastiques, 
s'ils n'obéissaient pas, à conclure une trêve. 
Ceci arriva, comme il a été dit, à l'époque où Sa 
Majesté fut attaquée, et où les Français furent re- 
poussés de toutes parts et réduits à se retirer. 
Sa Majesté Impériale, voyant dans quelle intention 
Sa Sainteté voulait amener la paix entre Leurs Ma- 
jestés , et que par là Sa Majesté Impériale eût été 
grevée et dépossédée de ce qui lui avait été enlevé 
par une invasion soudaine et inattendue, ne crut 
ni juste ni convenable d'accepter de semblables 
propositions de paix, mais elle se sentit excitée et 



— 66 — 

obligée à reconquérir ce qui lui appartenait et à 
montrer son ressentiment d'une pareille offense. 
L'empereur rejeta donc lesdites propositions et ne 
voulut d'aucune manière les écouter (1). Il con- 
gédia assez sèchement le légat qui lui avait tenu un 
langage peu sérieux , sans garder le respect qui 
était dû à Sa Majesté (2). Il protesta toutefois qu'il 
était , comme il l'avait toujours été, prêt à traiter 
de la paix, pourvu que la partie adverse voulût se 
gouverner selon la raison, et pourvu que la paix 
fût sûre et convenable au service de Dieu et au 
bien de la chrétienté (3). 

(1) Vendo Sua Magestade Impérial a lençâô, com que Sua 
Sanlitade queria IraUar de por em paz Suas Mageslades , pela 
quai Sua Magestade Impérial ficara aggravado , e desapossado 
do que peraquella subila e repenlina invasâô Ihe fora toipado, 
nâo Ihe parecendo nem juslo, nem convenienle acceitar taes 
modos e meios de paz, antes senlindo se mais stimulado e 
forçado a recobraro seu e mostrar o seDlimenlo, que tinha de 
hum tal aggravo, refusou osdiUos modos propostos e de nenhua 
inaueira os quis ouvir. 

(2) Despedio assaz seccamenle ao legado o quai lambem lîDha 
usado de lermos pouco graves, nem guardava o respeilo que a 
Sua Magestade se dévia. 

(3] Offerecendo se com tudo de estar, como sempre esteve, 
prestes para tratlar da paz, com tanto que a parle contraria se 



— 67 — 

Les corlès d'Aragon étant terminées, l'empereur 
partit pour Barcelone. Il avait envoyé le prince 
son fils de Monzon à Saragosse, afin qu'il fût 
reconnu prince de ce royaume ; de là Sa Majesté 
se rendit avec lui à Barcelone, où il fut aussi re- 
connu. Après être passé par Valence, où eurent lieu 
les mêmes cérémonies , l'empereur se dirigea vers 
Alcala pour voir ses filles. Là fut fiancée per verba 
de futuro sa fille l'infante dona Juana , avec le 
prince don Juan de Portugal , conformément à ce 
qui avait été conclu. Cela fait, l'empereur vint à 
Madrid, d'où il partit le plus promptement qu'il put, 
parce qu'il désirait beaucoup, selon sa première 
intention, passer la mer du Levant et retourner en 
Allemagne. En effet il avait convoqué une diète à 
Nuremberg pour traiter de la défense contre le 
Turc et des affaires de religion. Le roi son frère 
et M. de Granvelle s'y rendirent, au nom de Sa Ma- 
jesté, avec plusieurs autres de ses ministres qu'il y 
avait envoyés. L'empereur, ayant terminé tout ce 

accommoda sea razâô, e ella fosse segura e convenienle ao ser- 
viço de Deus e bem da Ghrislandade. 



— 68 — 

qu'il avait à faire dans les royaumes d'Espagne, 
se mit en route, après avoir laissé, pour la se- 
conde fois, pendant son absence , le prince son 
fils gouverneur desdils royaumes. Il quitta donc 
Madrid et arriva à Barcelone d'oii il serait volon- 
io43 tiers parti plus tôt, mais divers obstacles l'em- 
pêchèrent de s'embarquer avant le premier de 
mai, et par suite des bourrasques et des temps 
contraires qui survinrent , il ne lui fut pas possible 
de gagner la pleine mer avant le i 9 de ce mois, 
alors que le temps était encore assez incertain et 
douteux. Quand il arriva près des Pomègues de 
Marseille, des galères françaises sortirent pour 
escarmoucher avec l'aide des batteries du rivage, 
mais on leur répondit si bien qu'elles furent forcées 
de se retirer, et de se mettre sous la protection 
de l'artillerie de terre. L'empereur ne voulant pas 
s'arrêter plus longtemps, continua son voyage 
jusqu'à Gênes. Ce fut la dixième fois qu'il traversa 
la mer du Levant, et la septième qu'il aborda en 
Italie. Comme il passait en vue de Nice, il apprit 
que les galères de France voulaient prendre le 



— 69 — 

château de cette ville, et tandis que Sa Majesté 
débarquait à Gênes, le prince Doria s'approcha avec 
ses galères, pour voir ce que cherchaient à faire 
celles de France. Et remarquant qu elles venaient 
dans l'intention d'exécuter le projet qu'on leur 
avait attribué, il les attaqua si vivement qu'il en 
prit quatre. 

A cette époque, Sa Majesté apprit que Barbe- 
rousse arrivait avec une grande flotte pour sou- 
tenir les prétentions du roi de France. (Ce Bar- 
berousse vint plus tard, resta à Toulon tout 
le temps que dura la guerre contre l'empereur, et 
s'en retourna ensuite sans avoir rien fait d'impor- 
tant.) Sa Majesté se rendit à Busseto où vint aussi 
Sa Sainteté, tant pour s'aboucher sur les affaires 
d'Allemagne, que pour voir s'il n'y avait pas quel- 
que moyen d'arriver à la paix (I). Ce fut la qua- 
trième entrevue que l'empereur eut avec le pape 
Paul, et il eut la goutte pour la dixième fois. Peu 
de jours après, voyant le peu de fruit qui résultait 

(1) Para se verem ambos assi polas cousas d'Âlemanba, como 
por ver se havcria algûm modo de paz. 



— 70 — 

de cette entrevue (1), il poursuivit sa route vers 
rAlIemagne, où il se trouva pour la cinquième 
fois. 

Comme il n'y avait pas longtemps que la diète 
avait été réunie, et que l'empereur ne voyait, 
dans un temps si plein de troubles, aucune appa- 
rence de pouvoir traiter et régler les affaires de 
religion, il continua son chemin jusqu'à Spire, où il 
fit tous les préparatifs nécessaires pour entrer 
en campagne avec une bonne armée, à la tête 
de laquelle il plaça don Ferdinand de Gonzague. Il 
voulait résister aux offenses et aux dommages dont 
s'était rendu coupable le roi de France, qui avait 
pénétré dans les terres du Hainaut jusqu'à Binche 
et qui avait pris Landrecies, qu'il faisait fortifier. 
Il s'y trouvait aussi forcé par la guerre que lui ^ 
faisait le duc Guillaume de Clèves qui avait pris 
les armes à l'instigation du roi de France et 
d'accord avec lui. En chemin, l'empereur reçut la 
nouvelle de la défaite et de la déroute des troupes 

(1) Poucos dios despois vendo o pouco effeiio, que daquella 
visla resultava. 



— 71 — 

de ce duc à Heinsberg. Néanmoins, Sa Majesté 
étant arrivée à Spire, voulut, pour mieux se justi- 
fier, offrir aux Électeurs qui s'étaient réunis aux 
bords du Rhin, de traiter avec ledit duc de Clèves, 
par voie d'arrangement pacifique, en ce qui 
regardait le duché de Gueldre. Cette proposition 
ne rencontra que -peu d'accueil, et il ne lui resta 
qu'à rassembler son armée, et à marcher avec elle 
(c'était la sixième fois qu'il se trouvait sur le Rhin) 
jusqu'à Bonn d'où il se dirigea vers Duren. Là, 
ayant reconnu le terrain , il établit ses batteries , 
canonna la place et la prit d'assaut. Alors arriva 
le prince d'Orange avec l'armée qu'il amenait des 
Pays-Bas. Les deux armées s'étant réunies, et 
Duren ayant été pris, ainsi qu'il vient d'être dit, 
avec d'autres terres, tant du duché de Gueldre 
que des duchés de Clèves et de Juliers , Sa Ma- 
jesté se dirigea vers Ruremonde, qui se rendit 
aussitôt, et de là elle s'avança dans la direction de 
Venloo. Et comme le duc Henri de Brunswick arri- 
vait comme ami dudit duc de Clèves, fempereur lui 
démontra et lui exposa son erreur, en rengageant 



— 72 — 

à y renoncer. En ce temps mourut la mère du duc 
de Glèves. Celui-ci reconnut quels mauvais conseils 
il avait reçus, et les hommes les plus sages de 
l'État de Gueldre le supplièrent également de se 
retirer du danger où il se trouvait et de suivre de 
meilleurs conseils ; il le fit et vint se jeter aux pieds 
de Sa Majesté, confessant sa faute et en demandant 
pardon. Il remit et fit restituer à l'empereur tout 
l'État de Gueldre. Mais l'empereur, considérant que 
l'erreur du duc provenait plutôt de son jeune âge 
que d'aucun mauvais penchant ou de la volonté de 
faire le mal, lui fit rendre les villes et les lieux qu'on 
lui avait pris en d'autres contrées. Non content 
encore de ce qu'il avait fait, et voyant le repentir 
du duc et combien il persévérait dans ses bonnes 
intentions , il s'occupa de son mariage : en effet 
il lui fit épouser une fille du roi des Romains, sa 
nièce. Ce mariage augmenta les obligalions dudit 
duc envers Sa Majesté et l'amour de Sa Majesté 
pour ce prince. 

Dès le commencement du printemps, le roi de 
France, afin de prendre les devants et d'opposer à 






— 75 — 

l'empereur des forces supérieures, mit en cam- 
pagne deux armées , destinées à porter la guerre 
dans les Pays-Bas. Une partie de Tune de ces 
armées, dans laquelle le roi se trouvait en per- 
sonne, occupa Landrecies, et l'autre partie s'établit 
dans les environs, tandis qu'on travaillait aux 
fortifications. Les deux fils du roi, pendant ce 
temps, avaient marché sur Binche, d'où ils furent 
repoussés avec perte et sans avoir rien fait. En- 
suite M. d'Orléans se réunit à l'autre armée qui 
était à Luxembourg (cette ville, n'étant pas en état 
de défense, s'était rendue, et elle avait été forti- 
fiée par les Français). Vers la même époque arriva 
ce que l'on a raconté plus haut de la guerre que 
le duc de Clèves, par l'instigation du même roi, 
avait portée du côté du Brabant. L'empereur ayant 
mis fin à celte guerre de Clèves, et s'étant emparé 
de la Gueidre , ainsi qu'il a été dit, partit, avec la 
goutte, de Venloo pour Diest, où les États des 
Pays-Bas étaient assemblés. Ils lui accordèrent 
un fort subside, sur le pied de celui qu'ils lui 
avaient donné l'année précédente, pour assurer 



— 74 — 

I 

leur défense. C'était la cinquième fois que Sa Ma- 
jesté se trouvait dans les Pays-Bas. Le roi de 
France ayant appris ces nouvelles, rentra avec ses 
gens dans son royaume , après avoir fortifié Lan- 
drecies. 

Cela fait, l'empereur laissant sous les murs de 
Landrecies l'armée qui était dans les Pays-Bas avec 
la gendarmerie que le roi d'Angleterre lui avait 
envoyée en vertu des conventions qui avaient été 
faites, fit marcher l'armée qu'il amenait avec lui, 
ainsi que celle qui était venue d'Angleterre, jusqu'à 
Guise. Mais comme la saison était déjà avancée, et 
que le temps était mauvais, il la fit bientôt revenir 
afin qu'elle rejoignit celle qui était devant Landre- 
cies. L'empereur, bien que tourmenté de la goutte, 
quitta Diest pour assister au siège, et sachant que 
le roi de France rassemblait de nouvelles troupes 
pour venir au secours des assiégés, il ne voulut pas 
s'éloigner de ses armées. Il s'établit donc à Avesnes, 
quoiqu'il se trouvât, comme il a été dit, encore 
souifrant de la goutte , et il y resta jusqu'à ce que 
les troupes envoyées au secours de la garnison de 



— 75 - 

Landrecies se fussent retirées. G'étart la dixième fois 
qu'il était atteint de la goutte. 

Le roi de France, sachant que ses troupes étaient 
en danger et manquaient de vivres, se porta avec 
son armée à Cateau-Cambrésis, d'où il envoya un 
gros corps de cavalerie reconnaître le terrain , 
afin d'essayer de secourir ceux de Landrecies. 
Pour s'opposer à ceci, les armées de l'empereur 
se réunirent et firent une telle résistance que 
cette cavalerie n'atteignit pas son but et eut peu 
sujet de se vanter (1). Il est vrai que pendant ce 
temps quelques cavaliers français, avec des sacs de 
poudre et quelques vivres, dont les assiégés avaient 
le plus pressant besoin, entrèrent dans Landrecies 
par un point qui ne présentait pas d'obstacle : ce 
qui ravitailla un peu les assiégés. Comme la saison 
était avancée et que le temps devenait mauvais, 
et comme d'ailleurs le principal dessein de l'empe- 
reur, quand il fit entrer son armée en France et 
assiéger Landrecies, avait été d'obliger ainsi le roi 



(1) Nem tene muito de que se jactar. 



— 76 — 

à donner la bataille (1), il fit déloger son armée et 
se rapprocha de la France. 

Le même jour, Tempereur encore indisposé 
et porté en litière , partit d'Avesnes , et passa 
la nuit au Quesnoy. De là il alla rejoindre son 
armée, qui déjà était établie vis-à-vis de celle du 
roi de France. Le lendemain malin, Sa Majesté 
quittant son logement, s'avança avec tous ses gens à 
portée du canon ennemi, près du camp du roi, et 
lui offrit la bataille. Il y eut quelques escarmouches 
et quelques décharges d'artillerie de part et d'autre, 
et enfin une bonne charge contre les Français où 
ils eurent le dessous, et ils trouvèrent bon dé ne 
plus sortir de leurs retranchements. L'empereur, 
voyant qu'ils ne feraient pas autre chose, se 
porta en avant avec son armée près du camp 
ennemi. Le lendemain se passa en quelques escar- 
mouches; et la nuit étant venue, le roi s'éloigna avec 
son armée, et se retira jusqu'à Guise. L'empereur, 
ayant par la négligence des siens, ignoré ce départ 

(1) Forçar el rey de França a Ihe dar balallia. 



— 77 — 

jusqu'au jour suivant, il résulta de cette ruse qu'il 
ne put atteindre le roi avec son armée (1). Il s'a- 
vança jusqu'à un bois ou bruyère, à une distance 
de trois lieues, mais il ne voulut pas, à cause du dés- 
ordre de ses arquebusiers (qui la plupart étaient 
suivis et accompagnés de plus de bagage qu'il ne con- 
vient à des gens de guerre), franchir ce bois avec 
son armée. Il y eut seulement quelques chevau- 
légers avec peu d'arquebusiers et beaucoup de gens 
en désordre qui le passèrent. M. le Dauphin le re- 
marqua, et ayant réuni tous ses gendarmes fran- 
çais, il fit volte-face et chai^ea ceux qui le poursui- 
vaient. Ceux-ci se réfugièrent dans le bois, et cela 

(1) Movendo ao oulro dia pela tnanbâa, Sua Magestade do dillo 
alojamenlo se foi por com (oda sua génie a llro de bombarda , 
junlo ao arraial del Rey e Ihe apresentou batalha. £ com algûas 
escaramuças e liros d'artilberia de bua e outra parte e com hua 
bon carga , que se deu aos Franceses daqual elles ficaram com 
peor, se contentaram por enfonces e linerao por bem nâo sair 
do arraial. E vendo o Emperador que elles nâo fariam outra 
cousa, se foi por com sua génie bem junlo ao campo enemigo ; 
oulro dia se passou com algùas escaramuças, e vindo a noute 
el Rey com seu exercilo se partio , e se foi lee Guisa. E nâo 
sabendo o Emperador por descuido dos seus desta parlida alee 
a outro dia pela manhâa, foi no alcânce del Rey com sua génie. 



— 78 — 

fait, ils se retirèrent vers Finfanterie. Il est aisé de 
croire que, si l'empereur avait eu ses arquebusiers, 
avec lesquels il eût pu franchir le bois en pleine 
sécurité, il eût atteint en partie le but de ses dé- 
sirs (1); mais, comme il n'avait plus rien à faire 
ce jour-là et qu'il était déjà tard, il s'éloigna de ce 
bois, et vint s'établir au camp et aux lieux mêmes 
qu'avait quittés le roi de France. Il y arriva après 
une heure de la nuit. 

L'empereur demeura quelques jours à Cateau- 
Cambrésis, pour voir s'il ne pouvait plus rien 
entreprendre contre son ennemi. Mais celui-ci réso- 
lut de dissoudre immédiatement son armée et la ren- 
voya dans les garnisons. L'empereur, considérant 
aussi que la fête de la Toussaint était déjà passée, 
se détermina à en faire autant; et en conséquence 
il se rendit à Cambray, et de là à Bruxelles, où il fut 
fort indisposé, mais non de la goutte, tout le reste de 
l'année. A la fin de cette même année, la princesse 
d'Espagne, l'infante dona Maria de Portugal fut, con- 

(1) Ghegara em parte ao fim de seus desejos. 



— 79 — 

formément aux engagements qui avaient été pris, 
conduite en Castille et remise au prince d'Espagne 
à Salamanque, où leur mariage fut consommé après 
qu'il eût été contracté per verba de presenti. 
1544 L'empereur laissant, pour la troisième fois, la 
reine de Hongrie sa sœur, gouvernante des Pays- 
Bas, partit de Bruxelles, et fit, pour la sixième fois, 
le voyage du Rhin, qu'il continua jusqu'à Spire. Ce 
fut aussi la sixième fois qu'il entra en Allemagne, 
où il avait convoqué une diète pour exposer à 
ceux de l'empire les causes qui l'avaient engagé à 
faire l'expédition de Gueldre et à marcher contre 
le roi de France, causes que l'on a rapportées plus 
haut en peu de mots, mais qui furent plus déve- 
loppées dans la proposition faite alors. Et voyant 
qu'en ce moment il n'y avait pas d'apparence que le 
Turc voulût marcher contre la chrétienté, et qu'il 
était également impossible de faire quelque chose 
en ce qui louchait la religion (1), ou de traiter 
aucune affaire importante, il demanda un subside 

(1) £ lambem que a cerca da religiâô nâo se podia fazer. 



— 80 — 

contre le roi de France, qui s'était emparé de plu- 
sieurs villes et de plusieurs terres de Terapire, et 
qui' chaque jour accomplissait ou négociait des 
choses qui étaient à son grand détriment (1). Ceci 
étant bien considéré et bien compris, tous accor- 
dèrent une bonne aide à Sa Majesté impériale. 

Tandis que l'empereur était en route vers 
Spire, le pape Paul envoya près de Sa Majesté le 
cardinal Farnèse, sous couleur et sous pré- 
texte de lui faire des représentations et de 
chercher à traiter de la paix. L'empereur voyant 
qu'en cela il n'y avait rien que des paroles, sans 
aucune apparence de bonne conclusion, ne vou- 
lut pas s'y laisser prendre, ni renoncer à l'exécu- 
tion de ses desseins et à la poursuite de l'en- 
treprise qu'il avait commencée pour recouvrer 
ce qui lui avait été enlevé. Aussi congédia- 
t-*il bientôt ledit cardinal , en déclarant qu'il 
serait toujours prêt à négocier une paix sincère, 

(1) Contra el rey de França o quai tinba tomado algûas clda- 
des e (erras do Imperio, e fazia e trattava cada dia cousas em 
grande detrimenlo. 



— 81 — 

bonne, sûre et stable (1). Puis, aidé et fortifié par 
le secours qu'il avait reçu de Fempire, il com- 
mença à réunir son armée. 

Sur ces entrefaites, l'empereur reçut la nouvelle 
que l'armée qu'il avait en Italie, avait été défaite 
près de Garignan. Ce fut dans un mauvais temps et 
dans de mauvaises circonstances (2). Quoi qu'il en 
fût, ayant appris précédemment que la ville de 
Luxembourg, bien que fortifiée avec soin, manquait 
d'approvisionnements, et que le roi de France 
cherchait à y faire entrer des vivres, il ordonna 
en grande diligence à don Ferdinand de Gonzague, 
à qui il avait donné le commandement de son 
armée, d'empêcher tout secours d'arriver à cette 

(1) Indo Emperador por caminho para Espira, veo ter com 
Sua Mageslade o Gardeal Farnes da parte do Papa Paulo sob 
color e sombra di amoestar e querer Iraltar de paz. E conhe- 
cendo Sua Magestade que nisto nâo bavia mais que palavras 
scm algùa mostrade boa conclusâo, nâo se quis deixar levar 
d'elios, nem d'executar a inlençàô, e seguir a boa causa, que 
tinba e a impresa começada por recobrar o que Ibe fora tomado. 
E assi despedio logo ao ditto Gardeal , offerecendo se de estar 
serapre prestes para entender e trattar de bua verdadeira, boa, 
segura e firme paz. 

(2) Que foi em mao tempo e occasiâo. 



— 82 — 

ville. Ce général s'acquitta de sa mission, avec peu 
de monde, et si bien que la ville ne tarda pas à se 
rendre. 

Bientôt l'empereur renforça son armée de telle 
sorte que son dit capitaine-général s'empara en peu 
de jours de plusieurs villes et places fortes sur la 
frontière de France du côté de la Lorraine, et qu'il 
mit le siège devant Saint- Dizier. De son côté, 
l'empereur partit de Spire et passa par Metz, 
pour le rejoindre avec le reste de Tarmée. Ce 
fut la quatrième fois que Sa Majesté entra en 
France, et pour la seconde fois en ennemi. Le feu 
fut ouvert contre Saint-Dizier, l'assaut fut donné 
et la ville conquise en peu de jours. A ce siège, 
le prince d'Orange fut atteint d'un coup de canon 
dans la tranchée, et il en mourut peu après. 

Suivant ce qui avait été convenu entre Sa Ma- 
jesté et le roi d'Angleterre, ledit roi était venu en 
personne, avec une grande armée, inquiéter et 
attaquer le royaume de France (1), et Sa Majesté 



[\) Moieslar e oflfender o reino de Franca. 



— 85 — 

lui avait également envoyé, sous les ordres deM.de 
Buren, les forces qu'elle avait promises par ladite 
convention. Ledit roi s'était arrêté au siège de 
Boulogne et de Montreuil ; et pendant le long es- 
pace de temps que Sa Majesté avait été devant 
Saint-Dizier, le roi de France avait eu le loisir de 
rassembler toute son armée, et de garnir la plupart 
des frontières de son royaume. L'empereur, pre- 
nant tout cela en considération, remarquant d'ail- 
leurs qu'il ne disposait pas d'autant d'approvi- 
sionnements qu'il l'eût désiré et que la saison 
était fort avancée, trouvait des difficultés à toute 
entreprise ultérieure. 

Cependant, pour ne pas laisser le roi d'An- 
gleterre seul contre son ennemi, il ne voulut pas 
se retirer avec son armée. Déjà précédemment, 
alors que durait encore le siège de Saint-Dizier, 
avaient* eu lieu la prise de Vitry, la défaite 
des chevau-légers français qui s'y trouvaient et 
d'autres incursions. L'empereur, laissant en bon 
état de défense la ville de Saint-Dizier et d'au- 
tres places plus importantes, et persévérant dans 

6 



— 84 — 

rintenlion, dont nous avons parlé plus haut, d'em- 
ployer tous les moyens pour amener le roi de 
France à livrer bataille (I), résolut de pénétrer 
dans Finlérieur de ce royaume le plus avant qu'il 
pourrait, en cherchant toujours ledit roi et son 
armée (2). En conséquence , Fempereur, passant 
par Vitry, alla s'établir dans une plaine près de 
Châlons. Là il y eut quelques bonnes escarmou- 
ches, où les Français ne gagnèrent rien, et où ils 
n'eurent pas beaucoup à se louer des pistolets ou 
petites arquebuses des cavaliers allemands (3). Mais 
comme Châlons avait une bonne garnison, et qu'il y 
avait une armée française à trois petites lieues de 
là , de l'autre côté de la Marne , vu que d'ailleurs 
l'empereur et son armée n'avaient d'autres subsis- 
tances que ce qu'ils trouvaient dans les campagnes. 



(1) De por lodos modos e meios lirar e Irazer el rhe de França 
a llie dar balalha. 

(2) Delerminou d'enirar o mais que pudesse per deniro da- 
qaelle reino, indo se sempre inegando e buscando ao dillo Rey 
e seu exercilo. 

(3) Nem ficaram muilo contentes dos pisloletes ou piquenos 
arcabuzes dos Alemaes de cavallo. 



— 85 — 

et dans les villages et les villes les moins fortes, il 
sembla à Sa Majesté qu'il ne devait pas faire en cet 
endroit une plus longue demeure (1). Et bien qu'il 
eût marché tout le jour qu'il y arriva, il partit 
avec toute son armée à dix heures du soir, et on 
s'avança si bien qu'on se trouva à la pointe 
du jour en vue et en face du lieu où les Français 
avaient pris position en fortifiant avec soin 
leurs retranchements, surtout du côté par où venait 
l'empereur. La Marne coulait entre les deux 
armées. Sa Majesté pouvait bien la traverser, 
attendu qu'il y avait un pont de bois, et bien qu'il 
fût rompu, il pouvait être réparé, de façon à per- 
mettre le passage de l'infanterie. Il y avait aussi 
un gué par où pouvaient passer la cavalerie et l'in- 
fanterie. Mais cela achevé, il restait encore beau- 
coup à faire, et avec un grand désavantage pour 
les gens de l'empereur. Car une fois le pont et le 
gué traversés (ce qui ne pouvait se faire qu'à 
la file), il était nécessaire de les remettre en 

(1) A Sua Magestade pareceo que nao convonlia fazer mais 
longa demora no quelle lugar. 



— 86 — 

ordre, parce quon avait devant soi une plaine 
très-belle, mais fort exposée au feu de l'en- 
nemi. Il fallait ensuite marcher et arriver à Fen- 
nemi toujours sous son feu ; et quand on serait 
venu à bout de tout cela, restait encore un bras 
de la Marne, qui, bien que plus^troit, était pro- 
fond, et présentait quelques passages difficiles, 
que Ton ne pouvait franchir sans désordre. Ensuite 
il était nécessaire de gravir une hauteur ou colline 
et den atteindre le sommet pour rencontrer les 
ennemis, parmi lesquels il y avait bon nombre 
de Suisses. L'empereur reconnut que toutes ces 
difficultés rendaient impossible de mettre l'armée 
en bon ordre pour combattre ; il persisia donc 
dans la résolution qu'il avait prise de faire une 
grande marche ce jour-là, pour gagner les devants 
de l'armée française. En effet, l'intention de 
l'empereur était d'aller en avant, de manière 
à trouver sans défense les lieux par où il passe- 
rait, et il espérait qu'il forcerait les Français h 
s'avancer assez pour que dans leur marche vînt s'of- 
frir l'occasion qu'il désirait. Dans la même matinée, 



— 87 — 

le comte Guillaume de Furstenberg, ne sachant pas 
ce qu'il faisait (1), passa le gué ci-dessus mentionné, 
et tomba dans les mains des Français. D'autre 
part, le prince de la Roche-sur- Yon, venant avec 
sa compagnie pour entrer au camp français , ren- 
contra quelques chevau-légers impériaux qui le 
poursuivirent et le chargèrent de façon , que lui , 
son lieutenant et beaucoup d'autres furent faits 
prisonniers , et la plupart de ses gens mis en dé- 
route. 
Le même jour, l'empereur continua à s'avancer 

jusque près d'Ay, où il se trouva arrêté par les 
nombreux ruisseaux et les mauvais passages qu'il 
rencontra ce jour-là. D'ailleurs, son arrière-garde 
n'était arrivée qu'à dix heures du soir. Il y avait 
donc vingt-quatre heures que toute l'armée était 
en marche, et le jour précédent elle avait fait la 
même étape. S'il est permis de porter un jugement 
sur les choses qui auraient pu arriver, on peut 
bien croire que, si l'empereur avait atteint ce jour-là 

(4) Nâo sabendo o que fazia. 



n 



— 88 - 

Épernay, qui rrélaît éloigné que d'une petite lieue 
de France (la chose ne fut pas possible), de 
manière a faire dès le lendemain passer Tarmée 
par le pont de pierre de cette ville, et par les 
ponts de bateaux qui avaient été construits sur 
la même rivière, il aurait pu , en suivant la col- 
line ci-dessus mentionnée, aller attaquer le camp 
français par les pentes qui n'étaient pas encore 
fortifiées, et Dieu eût donné la victoire à qui 
il lui aurait plu (1). Cependant, à cause des 
obstacles prérappelés, l'empereur n'arriva à Éper- 
nay que le lendemain au soir, et il proposa en 
conseil ce qui a été dit plus haut. Mais on ne put 
mettre ce projet à exécution, parce que, à cause 
du retard de ce jour qui avait été perdu, les Fran- 
çais eurent le temps de se fortifier sur ces pentes, 
comme ils Tétaient déjà des autres côtés : ce dont 
l'empereur fut aussitôt prévenu. En conséquence, 
l'empereur partit d'Épernay, allant toujours en 
avant avec grande diligence et avec précaution (2). 

(1) E Deus dera a Victoria a quem fora servido. 

(2) Gom granda pressa e cuidado. 



— 89 — 

Mais la route lui offrit beaucoup de contrariétés à 
cause des nombreux ruisseaux qu'on rencontrait à 
chaque pas. Dans beaucoup d'endroits elle était très- 
mauvaise, et il fallait souvent prendre de longs dé- 
tours de sorte que, lorsqu'on pensait pouvoir faire 
deux ou trois lieues de France par jour , on arri- 
vait en parcourant de grands circuits à n'en faire 
qu'une. Ceci décida l'empereur à envoyer en avant 
un bon nombre de soldats, débarrassés de leur 
charroi, qui formait un grand obstacle à la marche, 
afin qu'ils pussent prendre (et ils la prirent, en effet) 
la ville de Château-Thierry. L'empereur les y suivit 
aussi promptement qu'il put, toujours avec l'in- 
tention de marcher en avant et de poursuivre sa 
route. 

Or il faut savoir que pendant cette expédition 
que l'empereur fit en France, les ministres du roi 
ne cessèrent jamais de négocier chaque jour et de 
présenter des propositions de paix, et l'empereur, 
à qui la paix était et avait toujours été chère, (I), 

(1) Âoque Sua Magestade coino quem Ihe era e fora seinpre 
tao affeiçoado. 



— 90 — 

ne les avait pas repoussées. Si dès le commen- 
cement les ministres du roi avaient parlé de paix, 
ils le firent bien davantage et avec bien plus 
d'instances quand ils virent Sa Majesté dépasser 
Chàlons avec toute son armée (<). Ils conti- 
nuèrent donc ces négociations et y mirent une si 
grande ardeur, que Ton était presque tombé 
d'accord sur les articles et les conditions de la paix. 
Néanmoins comme le roi d'Anî:cleterre était devant 
Boulogne, ainsi qu il a été dit, et comme Sa Majesté, 
qui s'était a^'ancée si loin dans Fintérieur de la 
France, n'avait pas de nouvelles de ce qu'il faisait 
cl n avait aucun moven de lui donner des siennes, 
elle ne pouvait, conformément aux conventions 
conclues avec ledit roi, signer la paix avec le roi 
de France s;vas que le ri^»i d'Angleterre en eût con- 
naisscinee et v consentit, A cet etïet, les ministres 
du rc»î de Fî'tinoe {< rrairoaî qi;e levniue d'Arras, 

\t^ K sif i.> jrlUv y: j e"e> Irit.iviai e fri'.-^urani Je pai. 
Sua Xj :> i,^e r ssir i^ Cli';r: ecci >«îtt exerj:\" e tiz.o <e cod- 



— 91 — 

ministre de Tempereur, allât, de la part de Sa Ma- 
jesté, informer le roi d'Angleterre de ce qui se 
passait en vérité. L'empereur lui fit connaître que, 
si avec ses forces il voulait de son côté pénétrer 
plus avant en France, il était prêt du sien à pousser 
sa marche et son entreprise, jusqu'à ce que les 
deux armées opérassent leur jonction devant Paris 
ou dans l'endroit qu'on jugerait le meilleur (1). 
A défaut d'accepter cette proposition, il demandait 
qu'il consentît h ce que Sa Majesté traitât de la 
paix, en l'y comprenant, conformément à ce qui 
avait été convenu auparavant. 

Cependant, dans le même temps, le roi d'Angle- 
terre continuant le siège de Boulogne serrait la place 
de façon qu'elle fut forcée de se rendre, ce dont à 
juste cause il était fort content (2). Voyant donc la 
saison fort avancée et considérant les grands frais 
que cette guerre lui avait occasionnés, il jugea qu'il 

(1) Offerecendo llie que se com suas forças e génie queria (ia 
sua parte enirar mais per França, que o Emperador da sua con- 
linuaria seu caminho e empresa alee se arrem ajunlar os dous 
exercitos la para a parle de Paris, ou aonde mellior parecesse. 

(2) Doque elle, e com jusla causa, estava mui conlenle. 



— 92 — 

n'avait ni les moyens ni les ressources nécessaires 
pour entrer plus avant en France (I), et consentit 
à ce que l'empereur conclût la paix. 

Or, tandis que l'empereur attendait, comme il a 
été dit, une prompte réponse du roi d'Angleterre, il 
reconnut qu'il ne pouvait pas s'arréterpluslongtemps 
dans le lieu où il se trouvait, à cause de la grande 
disette de toutes les choses nécessaires, qu'éprouvait 
son armée, et il remarqua qu'il lui serait difficile de 
continuer à aller en avant. En effet, par les motifs 
indiqués plus haut, il n'avait pu mettre plus de 
rapidité dans sa marche, et l'armée ennemie restée 
libre dans ses mouvements à cause de la rivière qui 
la séparait de l'empereur, avait eu le temps de 
gagner les devants et d'organiser ses forces. Il 
en résulta que l'empereur, faute de vivres qu'il 
lui était impossible de se procurer, si loin dans 
l'intérieur de la France (de Château-Thierry à 
Paris il n'y a guère que vingt petites lieues), ne 

(1) E vendo a sazâô ir declinando muito, e os grandes gastos 
que fizera nesfa guerra, nem 1er as commodidades e apercebi- 
mentos necessarios para poder entrar mais per França. 



— 95 — 

pouvait s'arrêter le temps convenable pour atta- 
quer les places qui auraient voulu se défendre, 
point qui était de grande importance (1). L'empe- 
reur pesa toutes ces considérations, d'autant plus 
que Ton devait déjà plusieurs payes aux soldats, 
et qu'on avait aux Pays-Bas l'argent nécessaire 
pour les payer, mais qu'il n'y avait pas moyen de 
le transporter, et sa détermination lui fut presque 
imposée par la nécessité, tant pour obtenir plus 
vite la réponse du roi d'Angleterre que pour se 
rapprocher des Pays-Bas, d'où il pourrait plus 
facilement être pourvu d'argent et d'autres choses 
indispensables, et aussi pour mieux régler ce qu'il 
aurait à faire, selon la réponse qui lui viendrait 
du roi d'Angleterre. Il partit donc de Château- 
Thierry, prenant la route de Soissons qui se sou- 
mit h son approche. De là il pouvait mettre à exé- 
cution les propositions qu'il avait faites au roi 
d'Angleterre aussi bien et même mieux qu'il ne 
l'eût pu faire de Château -Thierry. 

(1) Gousa que fora de grande imporlancia. 



— 94 — 

Sur ces entrefaites arriva la réponse du roi 
d'Angleterre. Ainsi qu'il a été dit, il consentait à 
ce que Sa Majesté impériale conclût la paix. La 
paix faite, M. d'Orléans vint visiter l'empereur. 
Autant en fit bientôt M. de Vendôme; et l'empe- 
reur poursuivit sa route, avec toute son armée 
jusqu'à Cateau-Cambrésis où elle fut payée et 
licenciée, et de là il se rendit à Cambray où il 
trouva la reine de Hongrie sa sœur, ainsi que les 
otages qui devaient lui être remis. Avec toute cette 
compagnie il rentra à Bruxelles. C'était la sixième 
fois qu'il revoyait ses États de Flandre. Quelque 
temps après, il y reçut la reine Très-Chrétienne et 
M. d'Orléans, accompagnés de beaucoup de sei- 
gneurs et de dames, qui s'en retournèrent après 
avoir été fêtés pendant quelques jours. L'empe- 
reur s'occupa des affaires de ses États de Flandre, 
avec l'intention de les visiter. Il partit donc de 
Bruxelles, où il avait été menacé de la goutte, 
pour aller à Gand. Dans cette ville, la goutte le 
prit à ce point que de décembre à Pâques il en fut 
toujours extrêmement tourmenté, quelque sévères 



— 95 — 

que fussent le régime et la diète qu'il s'était 
imposés pour la première fois : c'était sa onzième 
attaque de goutte. 

L'empereur aurait dû aller vers ce temps en 
Allemagne, pour tâcher d'y rétablir l'ordre (1). Car 
il faut savoir que, depuis l'année 1529 où, comme 
on l'a dit, il passa en Italie pour la première fois 
et eut une entrevue avec le pape Clément, il ne 
laissa jamais, toutes les fois qu'il vit ce même pape 
Clément ou le pape Paul, et dans tous les voyages 
et dans toutes les diètes d'Allemagne, et dans tous 
les autres temps et dans toutes les autres cir- 
constances, de solliciter continuellement soit en 
personne, soit par ses ministres, un concile géné- 
ral, comme remède des maux de l'Allemagne et 
des erreurs qui se propageaient dans la chré- 
tienté (2). En ce qui concerne le pape Clément, à 



(1) Para Irallar de seu remedio. 

(2) Porque liede saber, que como ja se disse, desdo anno 29 
que foi a primeira vez que passou a Ilalia e se vio com o Papa 
Clémente nunqua deixou todas as vezes, que se vio assi corn o 
mesmo Papa Clemenle como com o Papa Paulo. e em lodas 
seus caminlios, c dictas, que tinha feilo na ditla Germania, e 



— 96 — 

cause de diverses difficultés qui tenaient à sa 
• personne, et malgré la promesse qu'il avait faite à 
Sa Majesté de convoquer ledit concile dans le dé- 
lai d une année, il ne fut jamais possible d'obtenir 
de lui quil voulût l'exécuter (1). Son successeur le 
pape Paul déclara au commencement de son 
pontificat qu'il avait promis d'annoncer et de 
convoquer immédiatement le concile, et mon- 
tra un vif désir de porter remède aux maux de 
la chrétienté et aux abus de l'église; néanmoins, 
depuis ce temps ces démonstrations et cette 
première ardeur allèrent en se refroidissant, et 
suivant les traces et l'exemple du pape Clément, 
il temporisa avec de bonnes paroles et différa tou- 
jours la convocation et la réunion du concile (2), 

em lodos os oulros tempos e occasioes de conlinuamenle solli- 
citar liora em persoa, hora per raeio de seus rainisiros, concilio 
gérai para reraedio da ditla Germania e dos erros, que iam mul- 
tiplicandô na Christandade. 

(1) Quanlo ao Papa Clémente, por aigus inconvenlentes, que 
liavia em sua pessoa, $em embargo da promessa, que linha 
feilo a Sua Mageslade de denlro de hum anno convocar o dilto 
concilio, ja mais foi possivel accabar corn elle, que o quisesse 
execular. 

(2) A Papa Paulo, ainda que no principio de seu Ponlificado 



— 97 — 

jusqu'à ce que, comme il a été dit plus haut, il 
envoyât à Monzon, lorsque le roi de France com- 
mença la guerre en 1 542, une bulle de convocation 
dudit concile à Trente. La saison et l'opportunité 
du temps montrent bien quelle était son inten- 
tion, Dieu la connaît et on peut la voir clairement 
par ce qui se passa alors, et par la réponse de 
Sa Majesté (1). Cependant, par suite des change- 
ments qui survinrent dans les affaires, change- 
ments bien différents de ce qu'avaient calculé des 
esprits pénétrants, les choses s'arrangèrent (2), et 
elles furent conduites de sorte que ladite convoca- 
tion eut lieu; le concile commença et continua long- 

pabiicasse que linha promeUido de logo publicar e convocar 
concilio, emostrasse grandes desejos de reraediaraCbristandade 
6 abusos da Igreja, com tudo despois com o tempo aquellas mos- 
tras e ardor primeiro se foi esfriando, e seguindo os passos e 
exemplo do Papa Clémente, com boas palavras proloiigou, e 
entrelene sempre a convoçaô e ajuntamenlo do concilio. 

(1) A sazâo e opportunidade do tempo mostram bem, com 
que tençàô isto era, e Deus o sabe, e pelo que enlàô passou, e 
Sua Magestade respondeo, se pode claramente enlender. 

[2) Con tudo polas mudanças que nos negocios sobrevieram 
bem diiïerentas do que aigus agudos engenhos tinbao discor- 
rido, as cousas se ordenaram. 



— 98 — 

temps à Trente, jusqu'à ce que ledit pape Paul, par 
des raisons qui l'y portèrent (Dieu veuille qu elles 
fussent bonnes !), voulût révoquer et le transférer 
à Bologne (l).Sa Sainteté étant donc vis-h-vis Fem- 
pereur dans les dispositions dont on a parlé plus 
haut, et ayant pris occasion des propositions faites 
par Sa Majesté à la diète de Spire, lui adressa un bref 
bien peu d'accord avec les sentiments que Sa Ma- 
jesté avait professés pendant toute sa vie (2). L'em- 
pereur ne voulut pas y répondre, attendu que cela 
ne pouvai t pas bien se faire sans compromettre l'hon- 
neur et l'autorité des deux chefs de la chrétienté , 
et il s'affligea beaucoup de ce que les protestants 
saisirent cette occasion de répondre au pape au 
nom de Sa Majesté (3). L'empereur poursuivit ce 

(1) Alee que o dilto Papa Paulo por respeilos, que o moveram 
(os quaes Deus permiUa que forsem bons) trallou de avocar 
e (ransferir a Bolonlia. 

(^) £ lendo Sua Sanlitade para com o Emperador a (ençaô, que 
acima se moslrou, e lomando occasiâô da prattiea, que Sua Ma- 
geslade fez na diela de Spira, Ihe escreveo hum brève bem dif- 
férente da proOssam, que Sua Mageslade (Izera (oda sua vida. 

(3) Ao quai Sua Mageslade nâo quis responder por quanlo se 
nâo podia bem fazer, guardnndo o deeoro e auclhoridade das 



— 99 — 

qui avait été résolu à la diète de Spire, relativement 
à la réunion d'une autre diète à Worms; mais, 
celle-ci ayant été convoquée, l'empereur, à cause 
de son indisposition, ne put s'y rendre au jour fixé. 
Il pria donc le roi son frère de s'y trouver, et il y 
envoya aussi M. de Granvelle, afin qu'ils y assis- 
tassent, et se hâtassent d'aborder et de régler les 
affaires en employant le meilleur et le plus prompt 
expédient possible (1). 
1545 Dans le but mentionné plus haut, l'empereur 
partit de Bruxelles pour Anvers , quoique encore 
affaibli par la goutte et la diète , et il y reçut la 
visite de M. d'Orléans. Laissant, pour la quatrième 
fois, la reine de Hongrie, sa sœur, gouvernante des 
États de Flandre, il se rendit par le Rhin à Worms. 
Ce fut la septième fois que l'empereur fit celte 
route. Il entra en Allemagne avec l'intention et le 

duas cabeças da clirislandade, e llie pezou hem da occasiàô, que 
com grande audacia (omaram as protestantes de llie responder 
em nome de Sua Magestade. 

(1) E indo ganhando tempo encaminharem e ordinarem as 
cousas tomando o mais brève e melhor expedienle que podesse 
ser. 

7 



— iOO — 

vif désir de porter un remède à ce qui s y passait : 
ce qu'il espérait faire plus facilement au moyen d'un 
bon accord (1), vu qu'il était en paix avec le roi de 
France, et qu'il n'y avait alors aucune apparence 
que le Turc attaquât l'Allemagne. Mais comme 
il connaissait et avait vu le grand orgueil des 
protestants et leur obstination, il craignait que 
réellement on n'arrivât à aucun résultat conve- 
nable (2). Il avait toujours eu, ainsi que beau- 
coup d'autres, la conviction qu'il était impossible 
d'abaisser par la voie de rigueur une telle ob- 
stination et une puissance aussi grande que celle 
qu'avaient les protestants ; il hésitait donc sur ce 
qu'il pouvait faire dans une affaire qu'il convenait 
et qu'il importait tant de régler (3). Mais Dieu qui 

0) £ enirou na Germania com (ençâô e grandes desejos de llie 
dar bum remedio, o que esperava fazer mais facilmenle per 
meio d'aigu m bom aceordo. 

(2) Mas eomo Sua Magestade (inba enlendido e vislo a grande 
soberba e obslinaràô dos prolestanles, receava que por virlude 
nenbûa cousa fizessem, que conveniente fosse. 

(3) E por quanlo Sua Mageslade tivera sempre, e muilos 
oulros tinbam para si que via impossîvel per via de força 
abaixar bum (ao obslinado e grande poder, quai era o que os 



— iOl — 

n'abandonne jamais ceux qui recourent à lui, même 
quand ils ne le méritent point (1), ne se contenta 
pas de faire à Tempereur la grâce de lui donner si 
promptement la Gueldre : Texpérience de ce 
qui se passait ouvrit aussi les yeux de l'empereur 
et éclaira son entendement, de sorte que non-seu- 
lement il ne lui parut plus impossible de dompter 
par la force un tel orgueil, mais, tout au con- 
traire, cela lui sembla très-facile, en Tentreprenant 
dans des circonstances et par des moyens conve- 
nables (2). Comme cette affaire était dune si grande 
importance et d'un si grand poids, il ne voulut point 
en prendre sur lui seul la décision, et il la commu- 
niqua seulement (à cause du secret qu'il convenait 
de garder) à quelques-uns de ses ministres les plus 

proleslanles linham, se achava perplexo acerca do que po- 
dcria fazer, porremediar cousa que lanlo convinha e iinportava. 

(1) Mas Deus que jamais desampara aquelles, que a elle re- 
correra, ainda que o nâo mereçam. 

(2) Mas conio a experiencia do que passava Ihe abrio os ollios, 
c ailumiou o enlendimento de sorte, que dalli pordianie nâo soo 
nâo llie pareeeo impossivel, poder per via de força domar lao 
grande soberba, mas o levé por muy facil, emprendendo o em 
tempo e modo conveniente. 



fidèles, qui avaient rexpérience du passé, et aux- 
quels en conséquence il fit part de ce dessein (1). 
Leurs avis furent semblables à celui de Sa Majesté, 
mais l'empereur en différa l'exécution, espérant 
qu'elle pourrait être conforme à ce qui serait décidé 
à la diète de Worms, et prévoyant qu'à défaut de 
pouvoir par de bons moyens et des voies pacifiques 
rétablir l'ordre en Allemagne, on se trouverait réduit 
à en venir aux armes et à l'emploi de la force, sui- 
vant les circonstances et l'opportunité qui se pré- 
senteraient (2). 

L'empereur , ainsi qu'il a été dit , poursuivit sa 
route jusqu'à Worms, où il trouva peu de princes 
de l'empire, mais beaucoup de fondés de pouvoirs ou 



(1) E por ne{];ocio ser de grande imporlancia e peso, nâo 
querendo (iar de si soo a resoluçàô délie, a communicou com 
aigus poucos de seus minislros mais fiels por causa do segredo, 
que convinba se tivesse, e que (ambem (inham experiencia do 
passado, aos quaes por causa délia se representou o mesmo. 

(2) E Sua Magestade deixou a execuçâô para quando e conforme 
ao que se podesse resolver na diela de Vormes, porque nâo 
podendo por bons meios e modos pacifîcamenle reduzir Ale- 
manha, enlâô se viria as armas e força, segundo o lempo e op- 
porlunidade que se oiîerecesse. 



— 103 — 

commissaires avec lesquels il commença à traiter, 
en continuant ce qui avait déjà été conclu dans une 
conférence tenue auparavant dans la même ville. 
Mais la faiblesse et la froideur qu'ils montrèrent dans 
cette négociation firent voir clairement dans quelle 
intention et dans quel esprit ils traitaient ces affai- 
res (1). L'empereur, voyant ceci, communiqua sa 
pensée et les considérations ci-dessus exposées au 
roi des Romains, son frère, qui était venu à la diète, 
comme à un frère et à un prince fort intéressé dans 
cette question (2). Celui-ci, avec la ferveur qu'il 
mettait aux choses qui touchent au service de Dieu, et 
avec un grand désir de remédier à de si grands maux, 
voyant l'obstination des protestants et les résultats 
peu nombreux ou nuls que l'on obtenait en agissant 
avec eux par des moyens et des termes de dou- 



(1) D'onde se seguia tâô fraca e fria negociaoâô , que se via 
claramenle, corn que tençâô e animo se traUava de (aes nego- 
cios. 

(2) que vendo Sua Mageslade e vindo neste lempo à dieta el 
Rey de Romanos , seu irmaô como a irmâô e a quem o negocio 
grandemenle loccava, coramunicou seu parecer e discurso 
acima dillo. 



— i04 — 

ceup, trouva le projet deTempereur fondé en raison 
et exécutable, et y acquiesça (1). L'empereur con- 
sidéra que le temps et l'opportunité étaient pro- 
pices et favorables à l'accomplissement de ce projet, 
et qu'à cette fin il convenait et était nécessaire 
que le pape y concourût et y aidât de sa puissance 
spirituelle et temporelle, étant plus tenu que per- 
sonne de mettre ordre et de porter remède à de si 
grands maux (2). Leurs Majestés arrêtèrent donc 
ceci entre elles, en jurant le secret, et sous la condi- 
tion que, si le secret n'était pas gardé, elles ne se- 
raient pas obligées à ce qui aurait été révélé, et elles 
résolurent de communiquer leur détermination au 

(1) quai cora o fervor que lem nas cousas, que sâo de servi- 
ço de Deus, e grande desejo do remedio de tâô grandes maies, 
vendo a obstinaeaô dos protestantes, e o pouco ou nenlium 
efTeilo, que se seguia de procéder corn elles per modos e termos 
brandos, aciiou o ditlo discurso do Ëmperador, fundado cm 
razâo e possibilidade, e se conformou com elle. 

(2) E considerando, que o tempo e opporlunidade era mui 
propicia e accommodada para executar o ditlo discurso, e que 
para este effeito convinha e era neccssario que o Papa concor- 
resse e ajudasse com suas forças spiriluaes e lemporaes, como 
aquelle que estava mais obrigado a dar ordem e procurar re- 
medio a tantos maies. 



— 105 ~ 

cardinal Farnèse, petil-flls et alors légat du pape 
Paul, qui, à cette époque, arriva dans la ville de 
Worms (1). En conséquence, après qu'il eût juré 
lé secret et accepté la condition susmentionnée, ils 
lui firent connaître que, si Sa Sainteté voulait, ainsi 
qu'il a été dit, leur prêter l'appui de sa puissance 
spirituelle et temporelle, Leurs Majestés, considé- 
rant que les moyens de douceur et de concorde 
étaient impuissants , et que Tobstination et l'inso- 
lence des protestants croissaient chaque jour davan- 
tage au point qu'on ne pouvait plus les tolérer, 
entreprendraient par la force de remédier et d'ob- 
vier à leur obstination et à leur insolence (2). Le 



(1) Suas Mageslades assentaram ambos entre si, de com ju- 
ramento de segredo e condicào, que se este se nâo guardasse, 
elles nâo estariam obrigados a cousa, que livessem ditla, e 
ofTerecida communicar sua determinacàô com o cardeal Farnes, 
nefo e enfonces legado do Papa Paulo, que neste tempo cliegou 
ao mesmo lugar de Vomies. 

(^) £ assi, despois que declarou a Suas Mageslades com o jura- 
mento e condiçâô dantes dilla Ihe proposeram e ofTerecerâô que 
se Sua Sanlidade quisesse ajudar, como dltto lie, com suas forças 
spirituaes e lemporaes (vislo como os modôs e meios suaves e 
de concordia nâo tinliam lugar, e a obslinaçâo e insoiencia dos 
protestantes ia cada dia crescendo de sorte que se nâo podia ja 



— i06 — 

cardinal Farnèse fut tellement effrayé de cette 
ouverture que, bien qu'il eût dit auparavant qu'il 
avait d'amples pouvoirs pour traiter de tout ce qui 
se rapportait au remède des maux présents, il ne 
voulut pas aller plus avant dans la conclusion de 
cette affaire (1). Et comme Leurs Majestés disaient 
que puisqu'il n'allait pas plus avant et ne voulait 
prendre sur lui aucune résolution , le mieux serait 
de consulter Sa Sainteté en toute diligence, par un 
exprès qui lui apporterait la réponse, il n'en voulut 
absolument rien faire, mais il voulut être lui-même 
le messager, disant qu'il ferait bonne diligence; 
et en effet elle fut telle qu'elle convenait à- un per- 
sonnage de son autorité, mais non pas telle que 
l'exigeait l'importance de cette affaire (2). La pre- 

soffrer] Suas Mageslades emprenderiam por via de força reme- 
diar e obviar a laes obslinaçoés e insolencias. 

(1) Do quai offerecimenlo o dUlo Gardeal flcou tàô espantado, 
que dizendo danles, que trazia amplos poderes para (rallar de 
iudo que (ocasse ao remedio dos présentes maies, nâo quis 
passar mais ao dianle na conclusao desle negocio. 

(2) E dizendo Ihe Suas Magestades, que ja que nao passava 
mais avante, nâo querendo per si concluir nada, o mellior séria 
consullar com (oda diiigencia Sua Santidade per hum proprio, 
que Uie (rouxesse a resposla, de nenhum modo o quis fazer, mas 






— 107 — 

mière chose qu'il fit en arrivant à Rome fut d'aller 
en tout contre son serment, et contre la condition 
imposée par Sa Majesté. En effet, Sa Sainteté con- 
voqua aussitôt un consistoire où il y a toujours des 
opinions et des partis contraires, et elle y commu- 
niqua les offres de l'empereur (1). Sa Sainteté 
choisit pour légat le même cardinal Farnèse , et 
pour gonfalonier ou général de l'église, le duc 
Octave son frère. On nomma immédiatement les 
autres principaux capitaines et Ton battit le tam- 
bour pour rassembler des gens de guerre, en les 
appelant à s'associer à cette sainte expédition et à 
prendre vengeance du sac de Rome (2). 

Sa Majesté, considérant que, lorsque la pro- 
position ci-dessus avait été faite au cardinal Far- 

elle mesmo quis ser o messageiro, dizendo que faria boa dili- 
gencia, a aqual foi (al quai a hum personagcm de sua auclhori- 
dade convinha, mas nâo a que a qualidade de negocio requeria. 

(1) Porque tanlo que cïiegou a Roma, a primeira cousa que 
se fez foi ir em tudo conira o juramenio e condiçâô, que Sua 
Mageslade linlia poslo; porque logo Sua Sanlidade chamou o 
consistorio onde sempre costuma haver opinons e bandos con- 
Irarios, ao quai communicou o offerecimento. 

(S!) Publicando que vinham a esia sancla empresa e a tomar 
vingança do sacco de Roma. 



— <08 — 

nèse, on était près de la Saint -Jean, et que, 
d'après la diligence qu'y pourrait mettre le cardi- 
nal, la réponse viendrait trop lard et dans une saison 
trop avancée pour commencer à réunir l'armée et 
pour faire les préparatifs nécessaires à une si grande 
affaire, présumant aussi que le secret ne serait pas 
gardé, dépêcha un exprès à Sa Sainteté pour lui 
représenter que, cette année, ce projet ne pouvait 
pas recevoir d'exécution, mais qu'il fallait que l'on 
gardât bien le secret, car autrement il ne se croirait 
plus tenu par les offres qu'il avait faites (1). Comme 
le secret fut violé et comme les protestants furent 
avertis , l'empereur crut devoir se conduire de telle 
sorte qu'ils n'ajoutèrent aucune foi au bruit qui 



(i) Vendo Sua Mageslade Impérial que quando propose acima 
ditto ao Cardeai Famés era pelo S. Joâo, e que conforma a dili- 
gencia que o dillo Cardeai podia fazer, a resposla viria jà fora 
de tempo e em sazâô muilo adeanlada para começar a Irallar 
de por em ordem o exercilo, e apprestar as cousas convenienles 
a lai négocie, presumindo tambcm que o segredo se nâo guar- 
daria, despachou hum proprio a Sua Sanlilade advirtido o que 
por este anno a ditta delerminacâô se nâo podia execular e que 
por lanto se guardasse bem o segredo, porque d'outra maneira 
nâo se linha por obrigado aos offerecimentos que.fizera. 



— 109 — 

circulait (I). L'empereur, vit aussi que dans ladite 
diète on ne ferait rien que perdre du temps (il 
voulut toutefois la prolonger jusqu'à ce qu'il 
connût la résolution du pape), et il se borna à des 
communications brèves et sèches (2), en remet- 
tant les négociations à une diète convoquée, pour 
l'année suivante, à Ralisbonne. 

Sur ces entrefaites, il y eut, dans la même ville, 
une conférence touchant les moyens qu'il pouvait y 
avoir de remédier à ces différends (3). Durant cette 
diète, l'empereur reçut la nouvelle que la princesse 
d'Espagne, sa bru, était délivrée d'un fils, qui s'ap- 
pela depuis l'infant don Carlos, et quatre ou cinq 
jours après, il reçut la nouvelle bien différente de 
la mort de la même princesse, dont il fut affligé 
comme de raison. Dans le même temps, le roi 
des Romains reçut également la nouvelle de la mort 



(1) £ por quanto o segredo se rompeo, e os prolesiantcs 
foram adverlidos, se levé con ludo tal modo, que a fama que 
corria nâo foi per elles crida. 

(2) Lbe fez hua brève e secca praUica. 

(3) No mesmo kigar se fe/ hum coiloquio a cerca dos modos, 
que poderia haver para remedio deslas differenças. 



— iiO — 

de sa fille aînée , ce dont l'empereur fut aussi 
affligé que s'il avait été son père. 

Toutes ces choses terminées, l'empereur partit 
de Worms , et prenant la route du Rhin pour la 
huitième fois, il revint pour la septième aux Pays- 
Bas, où il trouva la reine de Hongrie, sa sœur, à 
Louvain, et de là il se rendit à Bruxelles, où arriva 
la nouvelle que le duc d'Orléans était mort, huit 
jours avant l'anniversaire de la paix de Crespy, 
dont l'une des conditions portait que le duché de 
Milan lui serait donné. Cette mort vint à propos, 
car, comme elle fut naturelle, on put croire que 
Dieu l'avait résolue dans ses secrets jugements (1). 

L'empereur se rendit ensuite à Bruges, où arri- 
vèrent, tant de la part de la France que de l'Angle- 
terre, plusieurs grands personnages chaînés, à 
cause de ce changement, de modifier, de corriger 
et de rédiger de nouveau les conventions conclues 
entre les trois monarques (2); mais ne trouvant pas 

(0 A quai morte veo a tempo, que sendo nalural pode parecer, 
que foi ordenada de Deus por seus secretos juizos. 

(2) Para per occasiâô desla mudança, innovar, mudar, e fazer 
de novo. 



— ni — 

moyen de s'arranger et de tomber d'accord, ils s'ar- 
rêtèrent aux expédients les plus convenables. Et 
dès lors les traités et la paix conclus entre Leurs 
Majestés se maintinrent tant par la dissimulation 
des uns que par la tolérance des autres (1). 

Cela fait, l'empereur partit pour Bois-Ie-Duc, afin 
d'aller tenir le chapitre de la Toison d'Or, à Utrecht. 
Mais à Bois-le-Duc, il fut attaqué de la goutte, 
de sorte qu'il fut obligé de s'y arrêter et de remet- 
tre le chapitre à une autre époque. Bientôt après, 
sentant sa santé s'améliorer, il le tint à Utrecht, où 
la goutte le reprit. Le chapitre terminé , se trou- 
vant un peu mieux, il partit d'Utrecht pour aller 
visiter les terres de l'État de Gueldre, qu'il occupait 
de nouveau en vertu de l'ancien droit qu'il y 
avait. La nécessité où il avait été de marcher contre 
ses ennemis lavait empêché d'y aller aussitôt 
qu'elles lui furent restituées. Cette visite finie, il 
continua son chemin jusqu'à Maestricht, encore fort 
affaibli par son dernier accès de goutte qui fut le 

(1) Assi pola dissimulaoao d*algûas d*ellas, corne pola tolé- 
ra ncia d'oui ras. 



— lia — 

douzième. Il était dans cette ville, quand il reçut 
les députés de quelques Électeurs et princes de 
Fempire. Ils dirent qu'ils étaient avertis que Sa Ma- 
jesté venait à main armée en Allemagne : chose 
nouvelle qui scandalisait fort la plus grande partie 
de ce pays (1). Ils fondaient leur mission sur un 
bruit qui courait et qui avait son origine dans ce 
qui s'était passé à Rome l'année précédente, lors 
du voyage du cardinal Farnèse, et dans l'arrivée 
de plusieurs ambassadeurs que Sa Sainteté avait 
envoyés à l'empereur aux Pays-Bas et à Utrecht, 
lesquels réclamaient et sollicitaient, avec de grandes 
démonstrations de bonne volonté, l'exécution de 
l'offre que Sa Majesté avait faite, et qui, parce motif, 
montraient beaucoup de véhémence et peu de dis- 
crétion, comme cela convenait à l'exécution de 

l'affaire (2). Par celle raison et pour mieux rassu- 

(1) Dizendo, que foram advirlidos, que Sua Mageslade vinlm 
com mâo armada a Germania, cousa nova, e que muilo escan- 
dalissava a maior parle della. 

(2) Fundando sua embaixada sobre algum runior, que corria, 
e procédera daquelle, que o anno passado se fizera cm Roma, 
por causa da ida do Cardeal Fariics, e d'aigus minislros, que Sua 



— 113 — 

rer ceux qui n'ajoutaient pas foi à cette rumeur, 
l'empereur ne voulut encore rien conclure avec les 
ambassadeurs de Sa Sainteté (1), les remettant et 
les ajournant jusqu'à ce qu'il serait à Ratisbonne. 
Il répondit de même aux députés des princes, 
qu'ils pouvaient voir par eux-mêmes et selon leur 
propre témoignage, qu'il n'amenait pas avec lui une 
compagnie plus nombreuse que de coutume, qu'il 
désirait régler les affaires de d'Allemagne plutôt par 
des voies de paix et de concorde que par force et 
par discorde, et que ceci était une chose sûre, 
conforme h ses intentions et à ses désirs, car il n'avait 
jamais voulu employer les armes que lorsqu'il avait 
reconnu qu'il fallait désespérer de tous les autres 
moyens, et s'était vu réduit à en faire usage (2). 

Sanlidade linha mnndado ao Emperador aos Paeses-Baixos e a 
Direct), os quaes inslavam e sollicitavam com grandes moslras 
de boa vontade a execueàô de offerecimento que Sua Magestade 
linha feito, e por esta causa usavam de mais veliemencia e de 
menos segredo do que a execuçâô do negocio convinha. 

(1) Pola quai razao, epor mais verdadeiramente cerlificar os 
que nâo criani o dillo rumor, o Emperador nâo quis enlâô con- 
cluir cousa aigûa com os minislros de Sua Sanlidade. 

(2) E assi mesmo respondeo aos commissarios dos Principes, 
que elles mesmos podiam vor e ser leslemunhas, que nâo levava 



— 114 — 

Gomme dans le même temps, Sa Majesté fut 
avertie que la conférence qui était réunie à Ratis- 
bonne devait être rompue de la part des protes- 
tants , elle insista près desdils commissaires pour 
qu'ils voulussent bien continuer cette conférence, 
jusqu'à ce qu'elle assistât à la diète dans la même 
ville de Ratisbonne. Ils donnèrent quelque espoir 
d'agir en ce sens , et proposèrent, afin de mieux 
la continuer, et afin de trouver quelque moyen de 
concorde, que le comte palatin Frédéric, alors 
électeur, se rendrait près de Sa Majesté à Spire, 
et y mènerait le landgrave de Hesse , auquel Sa 
Majesté donnerait un sauf-conduit. L'empereur y 
consentit volontiers, car à son avis, il était bien plus 
nécessaire de demander des saufs-conduits aux 
protestants que de leur en donner (1). En effet, 

consigo maior companhia da que sempre coslumava levar, e 
que desejava mais dar medio as cousas da Germania per meio 
de paz e concordia, que per força e dlscordia, e que islo era 
cousa cerla, conforme sua lençao el desejo, porque jamais quis 
usar das armas, se nâo desesperado de todos los oulros meios, e 
forçado e conslrangido a usard'ellas. 

(1) Sendo Ihea elle conforme seu parecer mais necessario lo- 
mar lo dos prolestantes, que dar ihe a elles. 



L 



— 115 — 

il n'était pas moins dangereux pour lui, attendu que 
le secret avait été peu gardé, de faire ce voyage 
avec une petite escorte, que d'entreprendre la 
guerre ouvertement (1). L'empereur se sentait 
plus perplexe et plus incertain sur la résolution à 
prendre qu'il ne l'était lorsqu'en 1 S39 il se décida 
à traverser la France (2). Cependant il crut qu'il 
convenait d'essayer les moyens de douceur et de 
modération pour rétablir l'ordre en Allemagne, 
avant de se voir dans la nécessité de prendre les 
armes, et telle fut la résolution qu'il adopta dans 
l'espoir d'obtenir un bon résultat et en se tenant 
prêt à l'une et à l'autre de ces éventualités (3). 



Après ce qui a été dit plus haut, l'empereur 
quitta Maeslrîcht, laissant, pour la cinquième fois, à 

(l)Porque nâo linha por menos perigo, supposto o pouco 
segredo que se guardara, fazer eslc caminlio corn lam pequena 
companliia, que de emprender a guerra publicamenle. 

(2) Ë se achou mais perplexo e irresolulo de fazer esta deler- 
menaçâô do que esleve em se resolverde passar por França em 
anno de 39. 

(3) Contudo porque convinlia lenlar por meios brandos e 
suaves de reduzir Aiemanha, ou per necessidade (omar as armas, 
Sua Magestade se delerminou na foram ditla, para bom effeilo, 
e execuçâô ou de bùa, ou de ouïra cousa. 

8 




— 446 — 

la reine de HoDgrie sa sœur le gouvernement des 
Pays-Bas, et passant, pour la seconde fois, par 
Luxembourg, il poursuivît son voyage jusqu'à 
Spire. C'était la huitième fois qu'il entrait en Alle- 
magne. Là ledit électeur palatin avec ledit land- 
grave de Hesse déclara que, si ceux de la ligue de 
Smalcalde lui avaient donné la cavalerie qu'il de- 
mandait, il eût escorté et conduit l'empereur, 
malgré lui, jusqu'à Trente : chose assez facile 
à faire, vu la compagnie qu'il avait demandée, 
et le faible cortège , que pour les raisons men- 
tionnées ci-dessus, l'empereur avait voulu ame- 
ner avec lui (1). Mais Dieu qui gouverne et or- 
donne toutes choses en disposa autrement; et 
ce ne fut pas la seule faute et la seule erreur que 
Dieu qui les aveuglait permit qu'ils fissent dans 
leurs affaires , mais ce fut la première de celles 



(1) Âonde ditlo eleclor Palatino coin o diUo Lanlsgrave 
declarou , que se os da ligua Esmalcalda Ihe deram a genfe de 
cavallo, que pedia, houvera de accompanhar e levar no Ëmpe- 
rador, inda que nâo quisera, alee Trenlo, a quai cousa fora 
assaz facil de fazer, vislo a eompanhia que pedia, e a pouca que 
polas razôcs acima diUas, SnaMagestadequisera levar consigo. 



— 117 - 

qu'ils commirent ensuite en grand nombre envers 
leur Dieu et leur empereur, et qui furent la cause 
de leur ruine totale (1). Dans les propositions et 
les entretiens que ledit landgrave eut avec Sa 
Majesté à Spire, il montra une si grande insolence 
que Sa Majesté le congédia en peu de paroles (2). 
Car, bien qu'il feignît d'ignorer que ceux de son 
parti qui se trouvaient à ladite conférence avaient 
été rappelés et s'étaient retirés, alors que Sa Majesté 
savait Je contraire, et bien qu'il fit espérer que, s'ils 
étaient partis, il s'efforcerait de les faire retourner à 
Ratisbonne, où une diète était convoquée, néan- 
moins il n'en fit rien, et la conférence fut rompue 
et dissoute. L'empereur continua donc son voyage 
jusqu'à Ratisbonne. Il n'y trouva que les commis- 
saires des Étals de l'empire, sans aucun prince ; 

(4) Mas Deus que governa e ordena lodas as cousas dispos 
d'oulra nianeira. E nâo foi esta a soa falla e erro, que cegando 
os permiUio que fizessem em seus negocios, se beni foi o pre- 
meiro de muilos, que despois commelleram para corn seu Deus 
e seu Emperador, das quaes procedeu sua (olal ruioa. 

(2) Nas proposlas e praUicas que o dillo Lanlsgrave levé com 
Sua Mageslade em Espira, inostrou lâô grande insolencia, que 
Sua Mageslade em poucas palavras o despedio. 



— 118 — 

mais l'électeur de Mayence y arriva quelques jours 
après, tant pour s'occuper de la convocation de la 
diète que pour ce qui le touchait particulièrement, 
car peu de temps tiuparavant il avait été élu après 
la mort du cardinal électeur de Mayence. Quoi qu'il 
en fût, Sa Majesté fut obligée d'ouvrir la diète, et 
d'adresser ses propositions à ceux qui s'y trou- 
vaient pour lors; mais elles furent accueillies avec 
tant de froideur, les affaires furent traitées avec 
tant de négligence, et les protestants continuèrent 
à montrer une si grande arrogance que l'empereur 
jugea et vit clairement que les moyens de dou- 
ceur serviraient à peu de chose, et, qu'il serait 
forcé, bien que ce fût fort contre son gré, de faire 
usage d'autres moyens plus rigoureux (1). 

Dans ce temps , les envoyés du pape et quel- 
ques ecclésiastiques ne cessaient d'engager l'empe- 



(1) A quai foi (àô friamenle tomada e os negocios com (âô 
grande negligencia trallados, e pelos proleslanles continuada 
hua taô grande arrogancia, que Sua Mageslade julgava e via 
claramenle, que os remedios brandos serviram de pouco, e ainda 
que muKo conira sua vonlade, séria forçado usar d'oulros mais 
forles. 



— 119 — 

reur à conclure des arrangements avec leur maître, 
et à prendre les armes contre les protestants (I). 
Toutefois Sa Majesté différait, tant pour la gran- 
deur et la difficulté de l'entreprise, que pour se con- 
certer avec le roi son frère (2) qu'elle avait attendu 
depuis plusieurs jours et qu'elle attendait encore. 
Ainsi qu'il a été dit, le secret avait été mal gardé, 
les protestants étaient sur leurs gardes et com- 
mençaient leurs préparatifs et leurs armements, 
ne voulant pas être pris à l'improviste; ils son- 
geaient même à surprendre les autres (3). Cepen- 
dant l'empereur n'avait rien voulu faire afin de 
moins agiter l'Allemagne, mais tous reconnurent 



(l)Nes(e tempo os minislros do Papa e aigus ecclesiasticos 
nâocessaram de sollieilar ao Emperador, que quisesse concluir 
os concertos com seu amo, e começar de lomar as armas contra 
os protestantes. 

(2) que todavia Sua Magestade dilatava assi pola grandcza 
e difïïculdade da empresa, como por se resolver com el Rey seu 
irmâo. 

(3) Porque, como ditto lie, o segredose guardara mal, e os pro- 
testantes andavam sobre aviso, e começavam de se prover e 
armar, como aquelies , que nâo soomente nâo queriam ser to- 
mados desapercebidos, mas ainda Irattavam de tomar aos outros 
descuidados. 



— 120 — 

* 

qu'il ne dépendait pas de lui d'empêcher qu'il ne 
perdit, en attendant plus longtemps, beaucoup des 
avantages qu'il pouvait avoir (1). Dès que le roi 
son frère fut venu , il lui communiqua l'état et les 
termes des affaires, et comme, longtemps aupara- 
vant, le duc Guillaume de Bavière avait offert ses 
services , engageant et excitant Leurs Majestés à 
prendre les armes, comme le seul remède à tant 
d'insolences (2), Leurs Majestés négocièrent avec 
lui pour qu'il voulût aussi entrer dans l'alliance ou 
la ligue que mettaient en avant et proposaient les 
envoyés du pape (3); mais après s'être montré 
dans le principe si zélé et si ardent dans celte 
affaire, il se refroidit tellement qu'à cause de lui la 
conclusion en fut différée plus qu'il ne convenait (4). 

(1) que Sua Mageslade nâo tinlia feilo per menos allerar a 
Germania atee que (odas viram que nâo podia o fazer, e que por 
ter tanlo esperado, perdera muilo da ventagem, que podera 1er. 

(â) Como muilo tempo anles o Duque Guilhclmo de Bavera se 
tinlia offerecido, incilando e induzido Suas Mageslades a lomar 
as armns,como unico remedio de tantas insolencias. 

(3) No concerto, ou ligua, que os do Papa sollicilavam e offe- 
reciam. 

(4) Mas moslrando se de principio laô sollicilo e quente no 



— 121 — 

Enfin Ton fit avec lui une alliance, dont on relira 
peu de profit, excepté que son pays fournit des 
vivres à l'armée impériale. On s'adressa aussi aux 
ecclésiastiques , pour qu'ils voulussent contribuer 
de leur part et entrer dans ladite ligue. Ceux-ci, 
avant d'en venir à Fexéculion , avaient également 
montré beaucoup d'ardeur; mais quand il fallut 
s'assembler et conclure, ils n'osèrent pas, soit 
par crainte des protestants , soit de peur d'entrer 
dans une si grande affîaire, soit par d'autres con- 
sidérations, s'aventurer en entrant dans la li- 
gue (1). Toutefois ils consentirent à une contribu- 
tion en argent, en vertu d un accord passé dans 
les diètes précédentes ; contribution à laquelle les 
protestants non-seulement ne se crurent pas tenus, 
mais à laquelle de plus ils s'opposèrent, en empê- 



negocîo, se esfriou de sorte, que por sua causa se dilalou a con- 
clusâo mais do que convinha. 

(1) Os quaes da mesma maneira anles de vir a obrn, se tinham 
mostrado muito desejos, mas quando se veo ajûrilar e concluir, 
ou por receo que tivessem dos protestantes , ou por medo d'en- 
Irar em hua lâô grande cousa, ou por oulros respeitos. nao se 
aventuraram, nem atreveram a entrar na liga. 



— iî2î2 — 

chant plusieurs de payer leur part (1). Ainsi les 
prolestants avaient gagné , par ces préparatifs, l'a- 
vantage que Tempereur aurait pu avoir sur eux, si 
le secret avait été gardé. Par toutes ces raisons 
Taffaire rencontrait beaucoup plus de difficultés et 
de risques. Cependant Fempereur comprît qu'il 
serait difficile d'éviter l'exécution de ce qui avait été 
convenu, que le tenîps se perdait, et que plus l'on 
tardait, plus la chose deviendrait publique, difficile 
et périlleuse (2). Il considéra de plus, comme on l'a 
dit, qu'il était en paix avec la France, et que le roi 
François était fort empêché par la guerre qu'il avait 
avec le roi d'Angleterre (3); que le bruit courait que 

(1) Do qua! os protestantes nâo soo nâo fizeram caso para con- 
Iribuirem, mas antes contra vinham, e iao a mao a aigus por 
pagarem sua parte. 

(2) Assi ainda que polo apparalho dantesditio, os pcotestantes 
tinham ganliado e tomado a ventagem sobre o Emperador, que 
elle podera tomar sobre elles, se segredo se nâo rompera, e por 
todas estas cousas o negocio ficava mais difficultoso e arriscado, 
com ludo vendo Sua Magestade, queja mal se podia escusar 
d'execurào do que estava trallado, e que o tempo se Iiia passando 
e que quanio mais se tardava, tanto a cousa mais se publieava, 
diflicullava e se fazia mais perigosa. 

(3) E el Rey Francisco may gastado por causa da guerra, que 
levé com el Rey d'Inglaterra. 



- 123 — 

le Turc voulait marcher contre le Sophi ; que par 
conséquent Ton pouvait supposer avec quelque vrai- 
semblance que de ce côté Ton n'aurait aucun danger 
à craindre; et que pour plus d'assurance, dans le 
même temps, l'empereur et le roi des Romains 
avaient député quelques personnages au Turc, pour 
l'entretenir et en obtenir, s'il leur semblait que 
cela fût utile au but proposé, une trêve qu'en effet 
ils conclurent plus tard. Il observa enfin que les 
protestants avaient déjà dépouillé toule honte, et 
qu'ils mettaient activement des troupes sur pied et 
s'efforçaient d'accomplir leurs desseins (1). Leurs 
Majestés se déterminèrent donc à conclure avec le 
pape, et h mettre à exécution ce à quoi la nécessité 
les obligeait, et ce qui avait été l'objet de si longues 
négociations (2). En effet, les choses étaient déjà 
tellement avancées, que dans le cas où l'empereur 



(1) E considerando uKimamenle que os prolestantes tinham ja 
de todo perdido a vergonha, e com toda a pressa faziam génie, e 
punliam por obro seus desenlios. 

(2) Se determinaram Suas Mngestades de concluir com o Papa, 
e dar execuçâô a que a necessidade os obrigava, e eslava Irattado 
havia lanlo tempo. 



— 124 — 

n'aurait pas abordé l'entreprise , l'organisation des 
protestants leur eût permis de mettre à exécution 
le conseil que le landgrave , comme on l'a dit plus 
haut, leur avait donné (1)* 

Aussitôt après l'arrivée du roi à Ratisbonne, la 
reine sa femme, y vînt avec ses filles, et l'on y 
vit arriver aussi le duc Guillaume de Bavière et le 
duc Guillaume de Clèves, avec leurs femmes et 
leurs enfants, et plusieurs autres princes de l'em- 
pire. On célébra dans la même ville les noces du 
duc Albert de Bavière et du duc Guillaume de 
Clèves, avec deux filles du roi et de la reine des Ro- 
mains. Les noces achevées, la reine et ses filles, les 
ducs et les duchesses et les nouveaux époux s'en 
allèrent. Puis le roi et le duc Maurice s'éloignèrent 
pour attaquer, chacun de leur côté, les terres de 
Jean-Frédéric de Saxe, ce qu'ils exécutèrent, de 
sorte qu'après avoir fait essuyer une grande dé- 
faite à son armée, ils lui prirent une bonne partie 

(1) Por que as cousas eslavara ja lanto avanie, que se o Empe- 
rador nâo dèra principlo a empresa, os protestantes estavara em 
tal ordem, que poderam por em execuçào o conseille, que danles 
se disse, que o lantsgrave llies tinha dado. 



- 125 - 

de ses domaines. Ce fut à Ratisbonne que Terape- 
reup commença à mettre son armée sur pied , en 
négociant à cet effet avec plusieurs princes, capi- 
taines et gens de guerre, de telle manière qu'en peu 
de jours il réunit un certain nombre de soldats 
allemands auxquels se joignirent les Espagnols 
qui se trouvaient en Hongrie. 

Les principales villes de Souabe , qui faisaient 
partie de la ligue de Smalcalde, avaient reçu pré- 
cédemment une lettre écrite par l'empereur où il 
leur disait qu'il était informé qu'elles réunissaient 
des troupes, par suite d'un bruit qui courait qu'il 
voulait leur faire la guerre pour cause de religion, et 
où il les assurait que ce bruit était faux, qu'il n'avait 
pas eu la pensée d'entreprendre la guerre, principa- 
lement contre ceux qui lui avaient obéi et qui n'a- 
vaient rien fait contre l'autorité impériale, et qu'en 
conséquence, si elles licenciaient leur armée et fai- 
saient preuve d'obéissance, elles pouvaient s'abou- 
cher avec Sa Majesté; mais les députés qu'elles 
envoyèrent vers ce temps montrèrent tant d'obsti- 
nation, et dans leur insolence, ils répondirent avec 



— 120 — 

tant d'orgueil que Sa Majesté les congédia comme 
ils le méritaient (1). De la même manière, les com- 
missaires des protestants, qui étaient à la diète, vin- 
rent un jour près de Sa Majesté, et lui exposant les 
bruits de guerre qui circulaient, ils lui demandèrent 
de leur faire connaître ses intentions (2). Sa Ma- 
jesté leur répondit qu'elle ne voulait faire la guerre 
que si elle y était forcée pour maintenir son auto- 
rité, contre laquelle on attentait chaque jour, en 
travaillant à l'abaisser et à l'amoindrir (3). Dès qu'ils 

(1) Neste tempo os depulados das principaes cidades de Suevia, 
que eram da Jiga Esmalcaldiana, sobre hua carta, que o Empe- 
rador escrevera dizendo Ihes, como fora avisado, que faziam 
gente de guerra por algua fama que corria , que Ihes queria 
fazer guerra por causa da religiâô , assegurando Uie qua tal 
fama era falsa, e que elle nâo linha pensamento de fazer lai 
cousa, principalmenle conira aqueHes, que Ihe fossem obe- 
dienles, e nâo flzessem contra a aucllioridade Impérial, e que por 
lanto s' elles eram destes,desfizessem o exerci(o,e se mostrassern 
obedienles, vieram (er com Sua Mageslade, es com grande 
obslinaçàô em sua insolencia responderam mui soberbamenle. 
que vendo o Emperador, os despodio, como elles mereciam. 

(2) E propondo ihe a fama, que corria de guerra, pediram que 
os cerlificasse de sua tencàô. 

(3) Que elle nSo queria fazer guerra senâô forçado por con- 
servar sua auclhoridade, contra a quai via que cada dia se al- 
tentava, e Irabalhava pola abaixare deminuir. 



— iî27 — 

reçurent celte réponse, tous les prolestants se reti- 
rèrent sans dire adieu (I). 

L'empereur, voyant que la diète pouvait déjà 
cire considérée comme terminée et rompue, eut 
avec ceux qui étaient restés une explication sèche 
et brève (2). Alors les gens de guerre que lesdites 
villes avaient levés, furent conduits à Fuessen sous 
le prétexte d'empêcher Feutrée des soldats étran- 
gers en Allemagne. Ils s'emparèrent de Fuessen, 
et de plus d'une autre forteresse nommée Clusa, 
qui appartenait au roi des Romains, de sorte qu'ils 
furent les premiers qui engagèrent les hostilités 
et commencèrent la guerre (3). Ils firent ainsi 
une faute grave, dans leurs mauvais desseins et 
dans leurs mauvaises inspirations , en prenant ce 

chemin plutôt que celui de Ratisbonne (ce fut la 
seconde faute qu'ils commirent par la permission 

de Dieu, qui les aveuglait), car à cette époque Sa 

(1) £ lendo esla risposta (odos os protestanles se foram sem 
dizerem : A Deus. 

(â) Gom os que Gcaram fez hua brève e secca prallica. 

(3) Demodo que lelles foram os primeiros , que começaram a 
olTender e a romper a guerra. 



— 128 — 

Majesté n'était pas encore en mesure de leur 
résister d'une manière convenable (1). 

L'empereur, sachant que les Italiens que le pape 
avait envoyés sous la conduite du cardinal Farnèse, 
comme son légat, et du duc Octave, comme son 
gonfalonier, étaient en roule, ainsi que les Espa- 
gnols qui devaient venir de Lombardie, considéra 
quelles difficultés rencontrerait leur jonction avec 
lui; il remarqua aussi que Jean-Frédéric de Saxe 
et le landgrave étaient déjà avec toute leur armée 
à Donav^erth, et que s'ils venaient se placer 
entre Sa Majesté et ses troupes, ses forces reste- 
raient divisées et chaque corps par conséquent 
serait plus faible; et bien que quelques-uns se 
fissent scrupule, par respect pour la réputation de 
Sa Majesté, d'abandonner Ratisbonne, l'empereur 
ne tint pas compte de ces vanités (2), Il était dé- 



(1) E nâo erraram pouco por sc^ir sua maa lençâô, e maos 
principios em tomar anles este caminlio, que o de Ralisbona (e 
foi este o segundo erro que fizeram por permissâo de Deus, que 
os cegou] por que Sua Magestade nâo estava ainda aquelle tempo 
bem apercebido para Ihes resisUr, como convinlia. 

(2) Nâo fazendo caso destas vaidades. 



— 129 — 

cidé, quand il conçut cette entreprise dans le but 
principal qui l'y déterminait, à la mener à bonne fin, 
quoi qu'il en pût advenir, parce qu'il voulait rester, 
mort ou vivant, empereur en Allemagne (I). II 
forma donc le dessein de laisser la ville de Ratis- 
bonne bien pourvue de gens de guerre, et de se rendre 
à Landshut, domaine du duc de Bavière. Il y arriva 
avec le peu de monde qu'il amenait, mais voyant la 
multitude d'ennemis qui l'attendaient près de là, il 
tint conseil avec le duc d'Albe, qu'il avait fait son 
capitaine-général, et avec d'autres capitaines, afin de 
savoir comment il pourrait prendre la meilleure po- 
sition et se fortifier le mieux, tant pour résister à 
l'ennemi que pour attendre les siens, qui, à cause de 
la longueur et de la difficulté de la route, n'arri- 
vaient pas aussi promptement que tous le désiraient. 
Dans ce temps, les protestants, qui avaient pris 
Rhain, terre du duc de Bavière, marchaient sur 

(i) Eslando delerminado quando propos de seguir esla em- 
prcse, visla a causa principal por que a emprendia, de vir ao 
fim délia, qualquer cousa que ouvesse d'acconlecer, por que 
linba proposto e assenlado deiilro de si, vivo ou morlo, ficar 
Emperador em Alemanha. 



Ingolstadt, ville du même duc, dans laquelle Tem- 
pereur avait mis quelques troupes. Us lui en- 
voyèrent, par un trompette et un page, suivant 
leur coutume, une lettre bien longue et non moins 
insolente, dont Sa Majesté ne tint compte et à 
laquelle elle ne prit point la peine de répondre (1). 
Puisqu'ils étaient entrés dans cette voie, mieux 
eût valu pour eux se conformer à ce défi oîi ils 
avaient abjuré toute retenue et exécuter leurs me- 
naces, que de s'arrêter, comme ils le firent après 
s'être montrés si fonfarons et si insolents (2). 
Dieu les aveugla ; il permit que ce fût la troisième 
faute qu'ils commirent, afin qu'ils n'atteignissent 
pas le but de leurs desseins pervers (3). L'empe- 

(1) Lhe raandaram per hum Irombela e lium page, conforme 
seu costume, hua caria bem comprida, e nâo menos desaver- 
gonhada, da quai Sua Mageslade nâo fez caso, nem lomou pena 
de lhe responder. 

(2) Melhor fora para elles, ja que eslavam postos em (al 
caminho, de seguir sua pouea vergonha no cartel, eexecular os 
fios, de que neiie usavam , que despois de se lerem moslrado 
(aô bravos e insolentes iiearem quaes ficaram. 

(3) Deus oscegou e permiltio, que esta fosse a lerceira falla, 
que elles commetleram por nâo ehegar ao fini de sua perversa 
lencâô. 



— 151 — 

reur, profitant de ce temps et de cet avantage (1), fit 
presser l'arrivée tant des gens du pape et des autres 
princes italiens que des Espagnols qui avaient élé 
appelés de Lombardie et de quelques Allemands, 
qui, à cause des empêchements et des obstacles 
apportés par la marche des protestants, n'avaient pu 
venir plus tôt. Tous atteignirent Landshut, et 
aussitôt l'empereur, avec toutes les troupes qu'il 
avait réunies, se mit en route pour Neustadt, ville 
du duc de Bavière, avec l'intention et le désir de 
s'y étabh'r, afin de s'y fortifier et de se rapprocher 
peu à peu de l'ennemi, ce qu'il ne pouvait faire en 
ce moment, faute d'approvisionnements, parce que, 
comme l'on était au début de la guerre, on n'avait 
pas encore mis bon ordre à ce que l'armée fût 
pourvue aussi abondamment qu'il convenait. En 
conséquence l'empereur partit de Neustadt pour 
Ratisbonne ; et là il régla si bien les choses, que 
l'on ne sentit plus aucune disette de subsistances, 
du moins manifeste et notable. Dans la même ville 

(i) E assi lendo dado esla commodidade e espaço ao Empe- 
rador. 

9 



- i52 — 

arrivèrent les Espagnols qui venaient de Naples 
par la mer Adriatique ; et aussi les marquis Jean 
et Albert de Brandebourg, et le maître de Prusse, 
avec la cavalerie allemande qu'ils avaient pu ras- 
sembler, en quoi ils rendirent service à Sa Ma- 
jesté (1). 

Cependant les protestants s'imaginaient, dans leur 
orgueil, que l'empereur battait en retraite et s'éloi- 
gnait d'eux, et ils se portèrent sur l'autre rive du 
Danube pour occuper les montagnes qui de ce côté 
dominent Ratisbonne, afin de faire jouer de là 
leur artillerie, dont ils faisaient grand cas (2), contre 
l'armée de l'empereur, qui y avait ses quartiers et 
qui ne pouvait en prendre d'autres sinon au bord 
du fleuve. Or, l'empereur ayant, comme on l'a dit, 
réglé le service des vivres, et ne voulant pas perdre 
de temps ni rester loin de ses adversaires (3), 
quitta Ratisbonne, et se rendit par étapes à 

(1) D*onde Sua Mageslade tinlia bem que fazer. 

(2) Para dalli jogar da arlilharia, de que elles faziam grande 
caso. 

(3) E nâo querendo perder lempo, nem eslar longe de seus 
adversarios. 



— 135 — 

Neustadt. Tandis qu'il faisait ce chemin, les en- 
nemis prenaient celui que nous avons indiqué plus 
haut et ils arrivèrent ainsi à trois lieues de Ratis- 
bonne ; mais voyant que leur projet avait échoué, 
et quils marchaient à travers un pays rude et 
montagneux, ils craignirent que Tempereur, assail- 
lant leurs flancs, ne leur coupât les vivres. Ils 
firent donc grande diligence pour revenir sur 
leurs pas et gagner un passage étroit et difficile 
près d un lieu nommé Perengries à deux lieues 
allemandes de Neustadt, où, comme on l'a déjà dit, 
l'empereur était arrivé avec son armée. Faute 
d'avoir été averti par ceux qui savaient ce qui se 
passait, et qui pouvaient et devaient l'instruire (1) 
de l'avantage qu'il aurait eu en attaquant les en- 
nemis dans un lieu si désavantageux pour eux, il 
perdit une excellente occasion; mais ce ne fut point 
par sa faute (2). 
Cela fait. Sa Majesté, passant le Danube, assit 

(l)»Por falla de nSo ser advirlido per aqueîles que sabiam, 
podiam e o deviara advirlir. 
(2) Que lodavia se nâo perdeo por sua culpa. 



— 134 - 

son camp dans une belle et forte position en face 
de Neustadt. Les ennemis, ayant franchi le passage 
dont nous avons parle, continuèrent leur marche, 
et se logèrent près du Danube, à deux lieues plus 
près de Neubourg que d'Ingolstadt. L'empereur 
désirait aller à eux, malgré la grande disproportion 
des forces (I), tant pour gagner chaque jour du ter- 
rain, que pour dégager et faciliter les mouvements 
de M. de Buren, qu'il avait chargé de rassembler un 
bon nombre d'Allemands, à pied et à cheval : ce qu'il 
avait fait, en emmenant aussi avec lui d'autres cava- 
liers allemands envoyés par les princes susdits, par 
le duc Henri de Brunswick et par d autres capitaines, 
qui étaient au service de l'empereur. Cette cavalerie, 
que les protestants avaient empêché de passer, était 
allée, par ce motif, se réunir à M. de Buren, afin de 
faire route avec lui , et de rejoindre ensemble Sa 
Majesté. L'empereur, exécutant son intention et le 
projet susmentionné, partit du camp près de Neu- 
stadt, pour prendre, près d'Ingolstadt, une posi- 



(1) Âînda que se achava bcm diffcrenle em forças. 



— 155 — 

tion où il avait la face tournée vers Fennemi (1), 
le Danube à sa gauche, la ville dlngolstadt à dos, 
et à sa droite une plaine découverte. Mais comme 
cette position offrait des difficultés, l'empereur s'en 
était réservé une autre bonne et forte entre 
Neustadt et Ingolstadt. Sa Majesté, ayant reconnu 
celle qu'il avait l'intention d'occuper devant Ingol- 
stadt, envoya quelques chevau-Iégers escarmou- 
cher jusqu'au camp des ennemis, si bien que ceux-ci 
se mirent en mouvement, et Ton tint pour certain 
qu'ils venaient tout droit se loger près du camp 
que Sa Majesté avait résolu d'occuper : ce qu'ils 
étaient parfaitement en état de faire, parce qu'ils 
étaient plus rapprochés de cet endroit et avaient la 
supériorité des forces. Cela engagea l'empereur à 
s'arrêter et à établir son camp au lieu qu'il s'était 
réservé, ainsi qu'il a été dit, jusqu'à ce qu'il sût 
exactement ce que feraient les ennemis. Apprenant 
qu'ils se retiraient dans les quartiers d'où ils 
étaient sortis, il alla incontinent occuper avec son 



(1) Â cara para o campo dos enemigos. 



— 156 — 

armée la position qu'il voulait prendre devant 
Ingolstadt, et il fit telle diligence qu'il y arriva, 
bien que tard, le même jour. Pendant toute celte 
nuit (qui ne se passa pas sans quelque bruit, parce 
que la mullitude qui suivait, pouvait difficilement 
pendant la nuit reconnaître ses quartiers), il 
fit creuser des tranchées, autant que le temps le 
permit; et à ce que l'on n'avait pu faire pendant 
la nuit on chercha à remédier au point du jour. 

Pendant plusieurs jours, les deux camps res- 
tèrent rapprochés et en vue l'un de Taulre, et 
il y eut quelques escarmouches ou, avec l'aide 
de Dieu, les ennemis eurent toujours le des- 
sous (1). Toutefois, ils vinrent s'établir à une 
lieue plus près de Sa Majesté. La nuit suivante, eut 
lieu une bonne camisade qui leur causa grand 
dommage. Le lendemain, il y eut encore une bonne 
escarmouche ; et le jour suivant, de grand matin, 
ils se portèrent, avec toute leur armée et leur artil- 
lerie en bon ordre, à portée de canon, vers l'armée 

(1) Sempre levaram o peor. 



impériale. L'empereur, en ayant été averti immédia- 
tement par le duc d'Albe son général, s'arma, monta 
achevai, et ordonna au duc de mettre aussitôt, mais 
sans bruit et sans battre l'alarme (I), toute l'armée 
sur pied. L'empereur ne s'était pas encore montré, 
et l'ordre qu'il avait donné n'était pas encore exé- 
cuté, quand les ennemis, qui avaient déjà établi une 
partie de leur artillerie sur un coteau, qui à cet 
effet leur venait fort à propos, commencèrent, avec 
celte artillerie, et avec une infinité d'autres pièces, 
qu'ils avaient placées en différents endroits, à battre 
le camp et l'armée de l'empereur, de telle manière 
que, de huit heures du matin jusqu'à quatre heures 
du soir, ils tirèrent de huit à neuf cents coups de 
grosse artillerie, chose que jusque là on n'avait pas 
encore vue, car jamais aucune armée n'avait été 
exposée à un pareil feu en pleine campagne, sans 
être protégée par des tranchées. Néanmoins les 
soldats de l'empereur le soutinrent si bien que nul 
ne montra le moindre semblant de peur ; et par la 

(1) Sem estrôndo e sem (occar alarma. 



— 138 — 

grâce de Dieu, ladite artillerie ne causa pas un 
grand dommage. Les ennemis souffrirent beaucoup 
plus de l'artillerie avec laquelle on leur répondit de 
l'armée impériale. On dit qu'ils formèrent le projet 
de cesser le feu de leurs batteries et d'attaquer le 
camp de l'empereur. Il se peut qu'ils aient eu raison 
de ne pas le faire : il ne faut du moins pas leur 
adresser un reproche de ce qu'ils ne le firent 
pas (1). 

Ainsi se passa cette journée, et les ennemis 
retournèrent à leurs quartiers, que sur ces entre- 
faites ils avaient fait réparer. L'empereur or- 
donna que, cette nuit, tous dormissent dans les 
tranchées; que, s'il survenait quelque alarme, la 
cavalerie allât à pied aux tranchées et que tous se 
missent en bon ordre pour les fortifier : ce qu'ils 
firent de fort bonne volonté. Car pendant toute 
cette nuit, et le jour suivant, que les ennemis ne 



(1) Se dissèque elles de(erminaram de cessar com a arlilheria 
e accommetler o arraial do Emperador ; pode ser, que andaram 
melhor em o nâo fazer, ao menos nâo se devem culpar por que 
nâo Hzeram. 



— 159 — 

firent plus jouer leur artillerie, ces tranchées fu- 
rent mises dans un si bon état, que ceux qui 
s'en trouvaient proches étaient en parfaite sécu- 
rité. 

Dans le n)éme temps, on prolongea une tran- 
chée dans la direction du camp des ennemis, ce 
dont ils ne furent pas fort contents, car ils 
envoyèrent quelques-uns de leurs arquebusiers y 
mettre obstacle, ou voir ce que Ton faisait. De 
ladite tranchée du camp impérial sortirent aussi- 
tôt environ huit cents soldats également armés 
d'arquebuses; et de part et d'autre commença 
une escarmouche. Les ennemis, voyant que les 
arquebusiers impériaux étaient en rase campagne, 
lancèrent trois escadrons de cavalerie pour les 
charger et les assaillir, mais les arquebusiers non- 
seulement ne reculèrent pas, mais ils firent de 
plus une si belle charge, que les ennemis, rompus 
et ouvrant leurs rangs, montrèrent le dos, après 
avoir éprouvé de grandes pertes (I), et lesdits 

(1) De sorle que rompendo se e abrindo se moslraram as cos- 
(as, com grande damno. 



— 140 — 

arquebusiers revinrent à la tranchée. Ainsi se 
passa le second jour. 

Le troisième jour, à la même heure que le pre- 
mier, les ennemis recommencèrent le jeu de leur 
artillerie , mais ils ne firent ni plus ni moins que 
le premier jour. Ceux qui allaient et venaient dans 
rintérieur du camp recevaient plus de mal que les 
troupes qui étaient aux tranchées, et Fartillerie de 
l'empereur causa plus de dommage aux ennemis 
ce jour-là que le premier. Pendant la nuit, on leur 
donna de fausses alertes, et par là ils eurent peu de 
repos. Ainsi se passa cette journée. Le quatrième 
jour, ils se reposèrent, comme ils Favaient fait le 
deuxième , et tout se réduisit à quelques coups de 
feu et à des escarmouches. Le cinquième jour, mé- 
contents et fatigués de la peine et du travail qu'ils 
s'étaient donnés, inquiétés d'ailleurs par la tranchée 
qui s'étendait et se prolongeait toujours davantage, 
et sachant bien qu'elle ne laisserait pas de leur 
causer un grand dommage, ils envoyèrent en 
avant la- grosse artillerie, pendant la nuit, à la 
même heure qu'elle était arrivée le premier jour. 



— 141 — 

et décampèrent le sixième. Ils menaient leurs 
escadrons en bon ordre, et ils cheminèrent ainsi 
jusqu'au camp situé à deux lieues d'Ingolstadt, 
où ils s'étaient établis précédemment. De là, ils 
allèrent se loger à deux lieues plus loin, à Neu- 
bourg, où ils s'arrêtèrent plusieurs jours. L'empe- 
reur, pendant ce temps, ne bougea pas de son 
camp, attendant des nouvelles du comte de Buren 
et des troupes qu'il amenait, pour se régler en 
conséquence. Car il pensait avoir assez fait, avec 
une telle infériorité tant au point de vue de ses 
retranchements que du nombre de ses troupes, en 
obligeant l'ennemi, qui était venu l'attaquer avec 
tant de fureur, à quitter ses positions et à battre 
egi retraite (I). 

Presque en même temps, l'empereur et les pro- 
testants reçurent la nouvelle que M. de Buren 
avait opéré la jonction qui lui avait été ordonnée, 



(IJ Por que Ibe parecia, que tinha assaz feito de havendo tâô 
grande diiïercnça do seu campo e gente a dos enemigos que o 
vieram corn lan(a braveza accommeller, fazer los deixar o seu 
aiojamento e relirar se. 



— U2 — 

et quaprès avoir passé l'inspection générale de 
ses troupes au delà du Rhin, il s'avançait pour 
franchir ce fleuve et venir se réunir à Sa Ma- 
jesté. Les protestants, qui étaient informés chaque 
jour et plus exactement (1) de ce que faisait M. de 
Buren, avaient placé sur le Rhin, du côté de 
Francfort, de nombreuses troupes, qu'ils avaient 
laissées en arrière pour en défendre le passage 
contre M. de Buren. Celui-ci déploya toutefois 
une telle valeur et une telle activité qu'il opéra 
ce passage par la force et malgré l'ennemi (2). 
Les protestants, en ayant été avertis, partirent de 
Neubourg , où ils avaient leur camp , et se por- 
tèrent vers Bendingen , terre du duc de Bavière, 
excellente position pour marcher en avant, et pour 
barrer le chemin par lequel le comte de Buren 
pouvait venir rejoindre l'empereur. Mais comme, 
pour exécuter cette marche, il fallait s'éloigner des 
principales villes de Souabe, qui, comme on peut 

(1) Os proleslanles que mnis particularmente e que cadia dia 
sabiào. 

(2) quai contudo levé (anlo esforço e pos tanta diligcncia 
que apezar délies e per força o passou. 



— 145 — 

è 

le croire, étaient peu rassurées de voir si près 
d'elles l'empereur avec une armée, ils changèrent 
d'avis, et revinrent s'établir à Donawert, d'où ils 
étaient sortis dans le principe. Ils auraient beau- 
coup mieux fait, pour le succès de leur dessein, de 
retourner à Neubourg, où ils étaient mieux en 
mesure de tenir tête à l'empereur, qu'à Donawert. 
Ce fut la quatrième faute qu'ils commirent, et non 
la moins considérable (1). 

Dans ce temps, l'empereur reçut la nouvelle que 
le comte de Buren avait passé le Rhin, et qu'il arri- 
vait et s'approchait chaque jour davantage pour opé- 
rer sa jonction avec Sa Majesté. Il fut aussi informé 
du dessein qu'avaient les protestants, quand ils pri- 
rent la roule de Bendingen; et cela lui avait donné 
beaucoup d'inquiétude, car il savait combien il impor- 
tait que le comte de Buren arrivât sans accident (2). 
En conséquence, l'empereur avait résolu de s'avan- 
cer sur les derrières des protestants , et de régler 



(i) Que foi quarlo, e nâo menor erro, que coramelleram. 
(2) Visio quanlo imporlava que o ditlo conde viesse segura- 
mente. 



si bien ses marches en prenant des positions bien 
fortifiées, que les protestants ne pussent livrer 
combat au comte, sans être obligés d'en venir aussi 
immédiatement aux mains avec Sa Majesté ; et, s'ils 
se retournaient contre l'empereur , le comte devait 
trouver la route libre et ouverte pour opérer sa 
jonction avec lui (1). Le comte fit si bonne dili- 
gence qu'il arriva avec tous ses gens sains et saufs 
devant Ingolstadt, au camp de l'empereur. Celui-ci 
ayant fait reconnaître et ayant reconnu lui-même 
la ville de Neubourg, passa avec toute son armée 
le Danube, près du camp, devant Ingolstadt, et mar- 
cha vers ladite ville de Neubourg, où se trou- 
vaient quatre enseignes d'infanterie qui capitu- 
lèrent. L'empereur arrivé à Neubourg y laissa une 
garnison, et après avoir réglé tout ce qui était 
nécessaire, il alla s'établir sur le Danube en un 

(l)Para o que o Emperador linha determinado de indo nas 
coslas dos protestantes fazer jornadas (àô proporcionadas , e 
tomar sempre alojamentos làô fortificados, que os protestantes, 
nâo podessem pelejar com o conde, que subito nâo ouvessem 
tambem de viras maos com SuaMagestade, ou, se virassem sobre 
Sua Majestade, o conde ficasse o caminho livre e desembara- 
çado, para se poder vir ajuntar com Sua Magestade. 



— 145 — 

lieu qui se nomme Maresheim, à une bonne lieue de 
Donawert, où les ennemis, ainsi qu'on Ta dit, 
avaient un camp bien fortifié, et où ils s'étaient 
renforcés des troupes qu'ils avaient laissées en 
arrière pour fermer le passage à M. de Buren. Et 
bien que les deux camps fussent fort près l'un de 
l'autre, pendant les quelques jours qu'on passa 
dans cette position, on ne put pas en venir aux 
mains (1). 

Ceci porta l'empereur à recourir à une autre 
combinaison. Il quitta sa position de Maresheim, et 
s'éloignaut du Danube sur lequel il avait toujours 
conservé son camp , et laissant les ennemis à sa 
gauche, il gagna un lieu de l'État de Neubourg, qui 
se nomme Monheim. Le lendemain, qui fut la veille 
de la Saint-François, partant de là, il alla s'établir 
près d'une petite montagne située vis-à-vis d'Ettin- 
gen et de Nordiingen, sur laquelle il plaça une 
partie de son artillerie , en établissant son camp à 
l'entour. Cela étant fait, l'empereur reçut à la 

(1) Le texte portugais est plus énergique : Jamais se poderam 
morder. 



— 140 — 

chute du jour Tavis que Ton entendait les tambours 
des ennemis. Le bruit venait d'un bois qui se trou- 
vait entre l'empereur et les ennemis ; l'obscurité 
allait croissant , et en même temps un brouillard 
commençait à s'élever : toutes ces causes empê- 
chèrent de bien savoir ce que faisaient les en- 
nemis. Le son des tambours fut entendu toute 
la nuit et toute la matinée du lendemain, qui 
fut le jour de la Saint-François. Pendant la nuit, 
l'armée et le capitaine -général restèrent dans le 
camp afin de connaître les dispositions et les 
intentions des ennemis. L'empereur qui, deux 
jours auparavant, avait été atteint de la goutte 
au pied, veilla lui-même la majeure partie de la 
nuit pour savoir ce qu'on avait appris de nou- 
veau, et pour donner les ordres convenables : 
ce qui ne l'empêcha pas, quoiqu'il souffrît de la 
goutte, de se lever avant l'aurore. II se confessa 
et entendit la messe, tenant pour certain que 
ce jour-là on livrerait bataille. Malgré le brouillard 
et malgré les douleurs qu'il éprouvait , il monta à 
cheval; et sortant du camp, il gravit la montagne 



— 147 — 

sur laquelle se trouvait Fartillerie , afin de savoir 
plus tôt ce qui se passait; mais la goutte le tour- 
mentait h ce point qu'il fut obligé d'attacher une 
bande de toile à l'arçon de la selle, afin de reposer 
le pied, et il le porta ainsi tout le jour (1). Durant 
tout ce temps, on ne put rien apprendre des enne- 
mis, à cause du brouillard qui s'était élevé la nuit 
précédente, et qui continua à s'épaissir tellement 
qu'on ne pouvait voir à deux pas, tant que ledit 
brouillard ne tomba point, ce qui n'arriva que vers 
les dix heures avant midi ; et alors on découvrit 
que les ennemis avaient passé le bois dont on a 
parlé plus haut, et qu'ils occupaient les montagnes 
qui se prolongent jusqu à Nordlingen, sur lesquelles 
ils avaient rangé tous leurs escadrons en bon 
ordre. Il est vrai que les derniers de l'arrière- 
garde, et quelques autres qui se trouvaient encore 
dans le ravin entre le bois et la montagne, eurent 
à essuyer une telle charge des chevau-légers im- 
périaux qu'ils prirent une allure plus rapide que le 

(i) Que foi forçado por hum lençol sobre o arçàô da sella 
em que respousasse o pee, e assi o trouxe lodo o dia. 

10 



— 148 — 

pas pour fuir vers les montagnes (1) où se trou- 
vait le gros de leurs forces. Dans Finlervalle, l'em- 
pereur avait fait sortir du camp toute son armée. 
Dès que le brouillard fut tombé, il rangea les esca- 
drons eh bataille ; et ayant été averti que Farmée 
des ennemis était en vue, il marcha en bon ordre 
et d'un pas régulier dans la direction de Tennemi. 
Il se porta ainsi en avant et occupa une petite mon- 
tagne qui était plus près de la rivière, afin de 
mieux voir et de prendre les dispositions conve- 
nables. Là se réunirent le duc d'Albe, son gé- 
néral, et beaucoup d'autres capitaines et de grands 
personnages, discutant et disant chacun ce qui 
lui paraissait préférable. L'empereur qui, à cause 
de son indisposition, ne pouvait se déplacer ni 
se donner de la peine comme il avait coutume de le 
faire (2), trouva la majeure partie de ses capitaines 
d'avis qu'il fallait traverser la rivière qu'on rencon- 
trait de ce côté et combattre, ou tout au moins faire 

(1) Hua tal carga que elles se relîraram mais que de passo 
para as montanlias. 

(2) Nem Irabalhar como coslumava fazer. 



— 449 — 

passer un bon nombre de cavaliers soutenus de 
quelques arquebusiers , qui chargeraient Farrière- 
garde, et verraient en quel endroit se plaçaient les 
ennemis, en même temps que l'on conserverait 
l'armée prête, comme elle Tétait, pour la mettre en 
mouvement, dès que tcla serait nécessaire. Comme 
l'empereur n'avait pas, ainsi qu'il a été dit, bien 
étudié la disposition des lieux et que tous étaient 
d'accord sur la nécessité de combattre, il adopta 
cette opinion, et ordonna aussitôt à ladite cavalerie 
de passer la rivière. Mais au moment où il se retour- 
nait vers ses escadrons, afm de les faire marcher 
au combat , un meilleur conseil lui fut donné par 
un grand de sa maison (1) qui lui exposa la dis- 
position des lieux , et l'impossibilité de franchir la 
rivière pour donner la bataille, sans courir le 
danger évident et presque certain d'être mis en 
déroute, à cause du grand avantage qu'auraient les 
ennemis. L'empereur le comprit fort bien et ap- 
prouva ces raisons, et il fit aussitôt rappeler la 

(I) Lhe foi (lado oulro parecer meihor de hum grande de sua 
casa. 



— 150 — 

cavalerie, qui avait déjà traversé la rivière à 
grand'peine, et qui la repassa avec plus de peine 
encore, le passage étant fort difficile; et Farmée 
rentra tout entière dans le camp. Quant aux 
ennemis, ils continuèrent leur marche jusqu'à ce 
qu'ils fussent établis sur la montagne dont il a été 
parlé, près de Nordlingen. 

Fallait-il franchir la rivière, et donner la 
bataille? Sur ce point, il y eut alors, il y a eu depuis 
et Ton croit qu'il y a encore aujourd'hui de grandes 
discussions et diverses opinions. L'empereur voulut 
plus tard prendre à son aise une exacte inspection 
des lieux, et sans qu'il y eût là personne qui pût le 
gêner. Il en résulta que Sa Majesté, ainsi que tous 
ceux* qui alors avaient été d'avis de ne pas franchir 
la rivière et de ne pas combattre, se raffermirent 
dans leur opinion qui pour eux cessa d'être dou- 
teuse, et la chose leur parut d'autant plus impos- 
sible, qu'il était bien plus aisé aux ennemis qu'à 
l'empereur d'attaquer et de donner la bataille. Ceux 
qui, ce jour-là, avaient été d'avis de combattre, 
avouèrent, dès qu'ils eurent vu les lieux , que leur 



— i5i — 

avis ne valait rien, et ceux-là qui, d'après la discus- 
sion, avaient jugé que Ton ferait mal de ne pas 
combattre, confessèrent aussi, après avoir vu les 
lieux, leur erreur. Ceux qui ne les ont pas vus et 
qui soutiennent encore l'opinion qu'il fallait com- 
battre, feraient bien de les visiter, et s'ils persis- 
taient dans la même idée, il serait à désirer qu'ils 
se représentassent exactement l'armée qui était 
sur l'autre rive (t) : cela modifierait peut-être leur 
avis. 

Ainsi qu'il a été dit, l'empereur retourna cette 
nuit loger au camp, d'où il était parti, et voyant 
que les ennemis étaient plus loin qu'il ne l'eût 
voulu, il délogea le lendemain et fit asseoir le camp 
sur le bord de la rivière qui, la veille, avait été 
l'objet de la discussion prérappelée, et alors on vit 
bien quelle opinion avait été la meilleure. Le camp 
embrassait deux petites montagnes voisines et dans 
la position la plus favorable. Quand l'empereur 
prit ces quartiers, quelques cavaliers protestants 

[i) Faram bem d'imaginar o exercito que estava em contrario. 



— i52 — 

descendirent des montagnes dans la plaine, et aus- 
sitôt plusieurs des impériaux traversèrent la ri- 
vière. Il y eut une forte escarmouche, beaucoup de 
décharges d'arquebuse, et des morts de part et 
d'autre, mais plus du côté des protestants, et sur- 
tout parmi les principaux. Là périt entre autres 
le duc de Brunswick. Cependant il était déjà tard, 
et l'empereur ne pouvait aller au secours des 
siens, comme le faisaient les ennemis pour leurs 
combattants, attendu qu'il était nécessaire, comme 
il est dit, de passer la rivière. L'empereur vou- 
lait d'ailleurs- asseoir son camp, et il fit cesser cette 
escarmouche. Plusieurs fois il examina et fit exami- 
ner diverses positions pour voir s'il y avait quelque 
moyen de faire du mal aux protestants, mais n'en 
trouvant aucun, il pesa et régla secrètement ce qui 
pouvait se faire (1) ; enfin il résolut d'envoyer le 
nombre de troupes nécessaires pour attaquer 
Donawert, ville impériale, d'où les ennemis étaient 
partis, quand ils étaient venus près de Nordlingen, 

(1) Cuidou e pratticou em segredo o que se poderia fazer. 



— 155 — 

et où ils avaient laissé une garnison chargée de la 
défendre. En conséquence, à l'entrée de la nuit, il 
fît partir lesdites troupes, qui arrivèrent au point 
du jour, et qui, du premier assaut, emportèrent les 
faubourgs. Peu après, la ville capitula. 

Cela fait. Sa Majesté quitta son camp, et se 
rendit à Donawert, avec Tintention de suivre le 
Danube, du côté d'Ulm, afin de voir s'il y avait 
ainsi moyen d'empêcher le ravitaillement des en- 
nemis, et dans l'espoir de les affaiblir et de les 
épuiser (et les habitants de la ville d'Ulm avec 
eux), eu les obligeant d'abandonner les montagnes 
et de venir dans un lieu où Ion pourrait plus faci- 
lement leur livrer bataille (1). 

Il faut savoir que, pour aller à Donawert, l'em- 
pereur avec son armée devait nécessairement 
passer la rivière et se mettre en ligne en pleine 
campagne, près du camp des protestants. Bien 
que des ponts de bateaux eussent été établis pour 
le passage de la rivière , et quoique l'on connût 

(1) Onde mais facilimente she les podesse dar balalha. 



— 154 — 

les gués mieux que lorsqu'on y arriva la première 
fois, le passage était toutefois si difRcile (et il y 
avait encore de l'autre côté d'autres rivières à tra- 
verser), que, si les ennemis avaient eu un grand 
désir de combattre, ils auraient pu ce jour-là le 
faire avec un grand avantage (1). Par quoi, il y a 
lieu de juger, sans savoir les motifs qui les ont 
dirigés, que l'on peut compter ceci pour la cin- 
quième faute qu'ils commirent (2). 

L'empereur, voyant que les protestants ne bou- 
geaient pas, marcha en bon ordre jusqu'au camp 
qui était sur le Danube entre Donawert et Hastat. 
Ceux qui l'occupaient Tabandonnèrent, et les habi- 
tants de Hastat apportèrent les clefs de leur ville 
à l'empereur qui, le lendemain, se dirigea vers 
Dillingen qui suivit l'exemple de Hastat. Puis il 
s'établit près de Laubingen, terre qui appartenait 
au duc Othon-Henri de Bavière, où il y avait quatre 

(1) Que se os enemigos liveram grande vonlade de pelejar, 
elles poderam fazer nesle dia corn grande venlagem sua. 

(2) Pelo que se pode julgar, sem saber as causas que a islo os 
moveram, se pode esta conlar polaquinta falta ou erro que elles 
comnaetteram. 



enseignes d'Allemands, et ce soir-là, elles firent 
mine de vouloir se défendre. 

L'empereur, étant averti que les ennemis vou- 
laient venir secourir cette ville et prendre position 
sur quelques hauteurs qui se trouvaient à la sortie 
d'un bois, ordonna, bien qu'encore assez éloigné de 
la ville, que le lendemain, aux premières lueurs de 
l'aube, toute l'armée se tînt prête à se porter en 
avant, quand et là où il voudrait; il partit lui-même 
de bonne heure avec le duc d'Albe, son général, et 
plusieurs de son conseil, pour voir quelle position 
on pourrait prendre comme la plus avantageuse 
pour combattre les ennemis quand ils débouche- 
raient dudit bois. Il était en route, quand plusieurs 
habitants de ladite ville sortirent et vinrent la livrer 
à Sa Majesté. Autant en firent les habitants de Gon- 
delfingen. Ceux de Laubingen donnèrent avis que 
lesdites quatre enseignes s'étaient retirées et avaient 
passé le pont du Danube avant le jour avec 
quelques pièces d'artillerie et un des capitaines de 
la ligue, qui était arrivé la veille et les avait em- 
pêchés de se rendre dès lors; et ils ajoutaient 



— 156 — 

qu'avec lesdites quatre enseignes et cette artillerie 
il avait pris la route d'Augsbourg. 

A cette nouvelle, l'empereur remarquant qu'il 
n'avait pas appris qu'il y eût quelque mouvement 
dans le camp des protestants, rejoignit l'armée, et 
en passant devant Laubingen, où il laissa une garni- 
son convenable, il fit traverser le pont par quelques 
chevau-légers à la poursuite desdites quatre ensei- 
gnes. Ils les atteignirent et, après une escarmouche, 
ils les pressèrent de telle sorte qu'elles abandonnè- 
rent leur artillerie, qui fut amenée à l'empereur. Vu le 
grand désir qu'il avait de gagner les devants, l'em- 
pereur marcha si rapidement avec son armée, que 
le même jour il franchit une rivière qui se nomme 
la Brenz, et s'établit dans un lieu situé sur le bord 
d'une autre rivière qui coule vers Ulm, nommé 
Sontheim. En arrivant là, l'empereur fut informé 
qu'il y avait dans le voisinage quelques cavaliers 
ennemis, dans une petite ville impériale nommée 
Giengen, sur ladite rivière de Brenz. Sa Majesté y 
envoya son général accompagné comme il conve- 
nait; mais dès que ces cavaliers l'aperçurent, ils se 



j 



— 157 — 

retirèrent. II y avait dans la même ville quelques gen- 
darmes de Fennemi : ceux-ci, espérant ou sachant 
que toute leur armée arriverait le lendemain, dis- 
simulèrent, parce qu'il était déjà tard, lorsqu'on les 
somma de se rendre, en donnant leur parole qu'ils 
se rendraient le lendemain, et ils gagnèrent cette nuit 
par leur ruse. Cette même nuit, l'empereur étant 
venu à son camp, envoya des espions de deux ou 
trois côtés pour apprendre quelque chose des 
ennemis. Ceux qui allèrent du côté où ils ne se 
trouvaient pas, ne rapportèrent aucunes nou- 
velles; mais ceux qui se dirigèrent du côté où 
ils étaient, donnèrent dans leurs vedettes; les 
uns furent retenus prisonniers, et les autres re- 
vinrent sans rien savoir. Par suite, l'empereur se 
trouva le matin indécis et irrésolu : il ne savait s'il 
valait mieux prendre la direction d'Ulm , afin de 
gagner les devants sur les ennemis, ou s'arrêter, 
parce que, en faisant grande diligence, ils auraient 
pu prendre aussi une position qui lui eût intercepté 
l'arrivée des vivres. 
L'empereur, étant dans ce doute, reçut la nouvelle 



— 158 — 

que les protestants étaient en marche; mais il 
ne savait pas encore bien où ils voulaient s'éta- 
blir. En conséquence l'empereur et son général et 
beaucoup d'autres personnages, allèrent recon- 
naître les dispositions des ennemis qui marchaient 
en bon ordre, pour se loger à Giengen. Alors 
l'empereur, voyant qu'il n'avait pas mis son armée 
en ordre de bataille, et qu'au contraire elle était 
prête à se mettre en marche vers Ulm, sur la rive 
opposée à celle qu'occupaient les ennemis, re- 
tourna à son camp, et fit entrer ses troupes dans 
leurs quartiers : les ennemis firent de même. 

L'empereur ayant reconnu la situation et la dis- 
position des ennemis, il fut convenu que ce jour-là 
on leur dresserait une bonne embuscade; mais 
comme on ne put pas en terminer les apprêts , 
elle ne fut pas exécutée comme il convenait. Il est 
toutefois à présumer que, si elle avait été bien 
ordonnée, elle aurait eu de grands résultats; car, 
malgré toute l'irrésolution qu'on y mit, les arquebu- 
siers impériaux firent essuyer de si grandes pertes 
aux ennemis, qu'ils se souvinrent toujours de cette 



— i59 — 

journée. En effet, lorsque plus tard l'empereur 
voulut établir une embuscade telle qu'elle devait 
être, en profitant d'une occasion favorable, et 
envoya des éclaireurs en avant pour attirer les 
ennemis, il ne fut jamais possible de les faire 
sortir en grand nombre et loin de leur camp. 
Cette embuscade échoua peut-être aussi, parce que 
Giengen est situé dans un bas-fond, et les protes- 
tants avaient leur camp sur le bord de la rivière 
opposé à celui où Sa Majesté avait le sien. De 
ce côté du camp de Sa Majesté, il y avait une hau- 
teur qui dominait à la fois Giengen et une partie 
du camp des protestants. Pour ce motif, ceux-ci 
firent passer la rivière et occuper cette hauteur 
par une bonne partie de leurs gens ; et comme on 
pouvait difiîcilement venir à leur secours d'un 
camp à l'autre, ils fortifièrent très-bien cette posi- 
tion, et de ce camp , l'on découvrait une partie de 
l'embuscade qui avait été placée. Il en résulta que 
Sa Majesté ordonna que ladite embuscade ren- 
trât au camp. Afin d'essayer tous les moyens de 
causer quelque dommage aux ennemis, il sembla 



— 160 — 

bon de résoudre, comme on le fit, une camisade (1); 
mais ils furent avertis, et prirent si bien leurs me- 
sures qu*on agit très-sagement en n'exécutant pas 
ce dessein. Gomme les protestants occupaient la 
hauteur dont il a été parlé, au-dessus de Giengen, 
du même côté de la rivière où se trouvait le camp 
impérial, et que Sa Majesté occupait aussi une autre 
hauteur de la même manière du côté où étaient les 
quartiers des protestants, on commença, dès qu'ils 
furent arrivés à Giengen, et par plusieurs bonnes 
raisons, à fortifier la hauteur qui était vis-à-vis 
du camp impérial, pour y loger les Italiens qui 
étaient restés. Car presque tous étaient déjà partis, 
se plaignant de mauvais traitements et de l'insuffi- 
sance de la paye. Ceux qui étaient restés étaient de 
si mauvaise volonté que , voyant s'éloigner le légat, 
que le pape avait fait rappeler , ils voulurent saisir 
l'occasion qu'ils trouvaient de s'en retourner dans 
leur pays, au moment même où l'on cherchait à gros- 

(1) Attaque nocturne dans laquelle les assaillants se cou* 
vraienl, afin de mieux se reconnaîlre, d'un sarrau blanc qu'on 
appelait camt^e. 



— 161 — 

sir l'armée de Sa Majesté, parce que les protestants 
recevaient de nombreux renforts du Wurtemberg, 
et à mettre une garnison dans le fort que l'on con- 
struisait. Dans ce même temps, sur les quatre mille 
hommes de Sa Sainteté, il en partit trois mille en 
une matinée. Ainsi l'empereur fut obligé de renon- 
cer à ses desseins (1), parce qu'il n'avait plus assez 
de monde pour en mettre dans le fort qu'il avait 
commencé , et par ce motif on le laissa inachevé. 
La saison était déjà fort avancée, puisqu'on tou- 
chait à la Toussaint, et les pluies commençaient. 
L'empereur, voyant que de son camp il ne 
pouvait pas nuire aux ennemis, résolut, après quel- 
ques petites escarmouches, de repasser la rivière 
et d'aller prendre ses quartiers près de Laubingen. 
Il se mit donc en route et marcha en bon ordre, 
attendant que les ennemis voulussent tenter la for- 
tune, ce que, selon lavis de quelques-uns, ils 
eussent pu et dû faire (2). Toutefois, par les motifs 

(i) FJcou fruslrado de seu inlenlo. 

[% Se os enemigos quereriam lentar a rorUina, o que algùs 
querem que elles poderam e deverara fazer. 



— 162 — 

qu'ils jugèrent bons, ils ne bougèrent pas ce jour-là, 
et l'empereur poursuivit sa marche jusqu'au lieu 
où il voulait s'établir. La pluie et le mauvais 
temps continuaient. De plus, le terrain était gras 
et humide, et le camp impérial, plein de boue. 
Bien que le camp des ennemis fût sur les hau- 
teurs, il n'était pas toutefois, ainsi qu'on l'apprit 
plus tard, dans une meilleure condition (1). Cela 
fut cause que, tout le temps que l'empereur 
demeura dans son camp, l'on ne fit rien d'impor- 
tant. Au contraire, à la même époque, les pro- 
testants voulurent traiter de la paix ; mais Sa Ma- 
jesté, voyant qu'on n'arriverait pas à un accord 
convenable, rompit la négociation. Tandis que 
Sa Majesté se trouvait dans ledit camp, elle reçut 
la nouvelle que Jean-Frédéric de Saxe avait été 
défait par les troupes du roi et du duc Maurice. 

A cause du mauvais temps, et pour d'autres motifs 
qui déterminaient quelques personnes, on était gé- 
néralement d'avis que l'empereur devait mettre les 

(I) Nâo ficavam de melhor condioâo. 



— 165 — 

soldats dans des garnisons. De cette façon, il eût 
serré et pressé davantage les protestants, surtout les 
villes qui tenaient pour eux, car ces garnisons leur 
auraient enlevé leurs approvisionnements et leurs 
vivres, et on leur aurait fait ainsi une rude guerre; 
mais l'empereur considéra que tout le bon effet 
de son entreprise consistait à disperser l'armée 
des protestants et à séparer leurs forces ; il lui sem- 
bla que placer son armée dans des garnisons, c'était 
la diviser, l'amoindrir, la rompre (I). L'empereur 
fit reconnaître, et à plusieurs reprises, des quar- 
tiers qui parussent avantageux et convenables pour 
hiverner et pour tenir tête à l'ennemi, jusqu'à ce 
qu'on vît laquelle des deux armées renoncerait la 
première à la lutte, ou serait réduite à se licen- 
cier (2). Puis il partit du lieu susmentionné, parce 
qu'il était humide et fangeux, et par suite peu 

(1) Mas coDsidcrando Sua Mageslade que lodo o bom effeilo 
de sua empresa consislia em romper o exercito e dividir as 
forças dos protestantes, pareceo llie que por o seu em garnieôes, 
séria dividilo, diminuilo e rompelo. 

{% Âlee ver quai dos dous exerçilos se deixaria primeiro, ou 
séria forcado a se desfazer. 

11 



— 164 — 

agréable et peu avantageux pour une armée; et il 
chercha una autre position, exempte d'humidité, 
forte et bien assise, au goût et à la satisfac- 
tion des soldats (1). On veut soutenir (2) que 
ce jour-là les protestants auraient pu de nouveau 
combattre avec avantage. S'il en est ainsi et s'ils 
ont commis une faute, il faut la laisser à celui qui Ta 
faite (3). Sa Majesté résolut donc de poursuivre 
son entreprise jusqu'au bout et d'y persévérer jus- 
qu'à ce que l'une des deux armées fût obligée de 
se dissoudre par la force, le mauvais temps, la 
famine ou toute autre nécessité (4). 

L'empereur fut informé qu'il y avait un autre lieu, 
dans une belle et bonne situation , où il pourrait , 
en se rapprochant des ennemis, leur faire éprou- 

(1) Para ou(ro enxulo, forle, de bello asseulo, e a goslo e sa- 
tisfacàÔ dos soldados. 

(2) Querem dizer. 

(3) Se assi lie e se corameleram erro, se deve delxar ao que 
nisso ha. 

(4) Sua Mageslade delerminou seguir sua empresa alee o fim 
e persistir alee que hum dos dous exercitos fosse per força, por 
ruim tempo, per famé, ou por eulra qualquer necessidade con- 
slrangido a se desfazer. 



— 105 — 

ver tant de pertes, et avoir tant d'avantages sur eux, 
que sans aucun doute on pouvait tenir pour cer- 
tain qu'on les jelterait à bas par force et qu'on les 
obligerait à se dissoudre et à se séparer (1), et il 
résolut de mettre dans un bref délai cette entreprise 
à exécution. Mais comme la chose était de grande 
importance et ne manquait pas de difficultés, et qu il 
ne faut pas, sans avoir fait les préparatifs néces- 
saires, tenter une entreprise ardue et périlleuse (2), 
l'empereur différa l'exécution jusqu'au moment op- 
portun. Or, il arriva que, dans le même temps, la 
ville de Nordiingen traita de sa soumission, et l'em- 
pereur pensa qu'en l'occupant il trouverait un autre 
moyen d'inquiéter les ennemis , en restant maître 
d'adopter et de prendre la meilleure de ces deux 
voies. L'empereur reconnut la situation et les grands 
avantages de cet endroit, et rechercha comment 
il pourrait en profiter pour rompre les ennemis. 
Comme d'autres qui plus tard l'examinèrent égale- 

(I) Que por força os levaria debaixo, e faria roraper e dividir. 
{2) Os negocios arduos e perigosos nâo se devem emprender 
scnâo Teilas as preparaçoês necessarias. 



— i66 — 

ment, il jugea que c'était chose faisable et conve- 
nable, pourvu qu'elle fût bien exécutée. 

Les protestants avaient cru que la marche 
de l'empereur sur Laubingen était le résultat de 
quelque nécessité ou de quelque découragement (1), 
mais en voyant l'empereur occuper les quartiers 
qui ont été indiqués plus haut , ils se trouvèrent 
déçus dans leurs espérances. Aussi, quand ils 
apprirent que Sa Majesté commençait de nouveau 
à se rapprocher , ils montrèrent beaucoup moins 
d'énergie et de courage qu'auparavant (2), et mal- 
gré les escarmouches qu'engagea l'empereur, et 
les occasions qu'il leur offrit de sortir de leur camp, 
il n'y eut aucun moyen de les en tirer (3). Déjà 
il s'était élevé entre eux des contestations et des 
disputes (4); les villes impériales étaient fatiguées 

(1) Procédera de algua necessidade ou desfallecimenlo. 

(2) Mostraram logo muilo menos spirilos e coragem do que 
d'an tes lin lia m. 

(3) Nâo ouve rcmedio para os lirar fora. 

(4) E lendo ja passado enlrclles algûas conlradiçoes e dis- 
putas, e enfadando se as cidades imperiaes dos grandes gastos 
e despesas que faziam, e nâo podendo os outros da liga sup- 
prir os gastos. 



— 467 — 

des grands frais et des dépenses qu'elles suppor- 
taient, et les autres membres de la ligue ne pouvaient 
subvenir à ces frais. En conséquence , les protes- 
tants renvoyèrent leur grosse artillerie; et enfin, 
le 22 novembre au matin, lassés et rebutés de leurs 
travaux, du mauvais temps et de beaucoup d'au- 
tres choses qui les tourmentaient, et pour d'autres 
motifs qu'ils connaissaient mieux que personne, 
ils levèrent le camp, et allèrent tous se loger sur 
quelques montagnes de l'autre côté de la Brenz, 
sous la protection d'un château situé aux fron- 
tières du Wurtemberg, qui se nomme Heyden- 
heim. 

La nuit précédente, l'empereur avait été averti 
par un espion que la grosse artillerie des protes- 
tants était partie; et craignant ce qui arriva en 
effet, il renvoya le même espion au camp ennemi, 
en lui commandant de revenir, à quelle heure que ce 
fût, rendre compte de ce qu'ils faisaient. Cet espion, 
qui était parti dès minuit pour l'en instruire, raconta 
qu'à la même heure ils s'étaient mis en marche ; 
mais , comme il avait rencontré des troupes sur 



— 168 — 

sa route, il avait été obligé de se détourner; et, 
par la nuit et le brouillard qui s'était élevé le matin, 
il s'était égaré , de sorte qu'il n'arriva au camp de 
l'empereur qu'après que Sa Majesté se fut éloignée. 
Soit qu'il eût dit la vérité, soit que ce fussent de 
fausses excuses, il en résulta qu'il revint fort tard 
et non plus en temps utile. Car, l'empereur ayant 
été prévenu, vers dix heures du matin , que les 
protestants, comme il a été dit, étaient partis, 
envoya aussitôt son général avec quelques cava- 
liers et quelques arquebusiers en éclaireurs (I) 
pour savoir la vérité. Sa Majesté le suivit avec 
d'autres cavaliers, laissant l'ordre à toute la 
cavalerie de s'avancer promptement, et à toute 
rinfanterie de se tenir prête à faire ce qui 
lui serait commandé. Après avoir dépassé le camp 
qu'avaient abandonné les protestants, on les suivit 
jusqu'à ce que l'on rencontra un de leurs esca- 
drons (2), qui servait d'arrière-garde, avec lequel 

(1) Gom aigus cavallos, e arcabuzeiros desmandados. 
(^) Assi despois de ter alravessado o seu canipo, os protes- 
tantes foram seguidos atee se ver hum dos seus esquadrées. 



— ICI) — 

on engagea une escarmouche, telle que toute leur 
armée se rangea en bataille, et se mit en marche 
pour combattre et soutenir la lutte (1). Après 
quelques discussions sur ce qu'il fallait faire, 
l'empereur ordonna à toute la cavalerie de s'ar- 
rêter au lieu où elle se trouvait, en vue des 
ennemis; et comme il était déjà tard, il re- 
tourna immédiatement à son camp pour faire 
avancer l'infanterie et l'artillerie, car son intention 
était d'établir, cette nuit même, toute l'armée si 
près des ennemis qu'elle pût les charger au point 
du jour. L'infanterie et l'artillerie se mirent aussi- 
tôt en marche à la suite de Sa Majesté qui servait de 
guide (2), et elles arrivèrent, une heure après mi- 
nuit, là où se trouvait arrêtée et établie la plus forte 
partie des troupes, et où elles se reposèrent, selon 
le temps et le lieu, chacun le mieux qu'il put, sans 
quitter son escadron le reste de la nuit. 

L'empereur s'était porté en avant pour re- 

(1) E comecou a caminhar para (er mâo, e soslentar a esca- 
ramuça. 

(2) Seguindo a Saa Mageslade que servia de guia. 



- 170 — 

joindre son général, plus près des ennemis, mais 
quand parut le jour où il pensait poursuivre et 
accomplir ses desseins, une neige épaisse succéda 
au grand froid de la nuit précédente, et Tempe- 

m 

reur, voyant que ses soldats, n'ayant avec eux que 
leurs armes, n'avaient rien qui pût les défendre ni 
de la faim, ni du froid (1), se détermina à rentrer 
au camp, d'où il était parti la veille ; et ce ne fut 
pas à tort, parce que les protestants étaient établis 
de sorte que, eût-il fait le meilleur temps du 
monde, on ne pouvait rien tenter contre eux, avec 
quelque avantage. 

L'empereur, étant revenu au camp, s'y arrêta 
peu, car il se mit aussitôt en route pour aller au 
devant des protestants et pour les empêcher de 
gagner quelque position commode et favorable (2); 
car, en ce moment, ils cherchaient un appui dans 
la force et dans la situation des lieux, et se trou- 
vaient au milieu des montagnes et dans des terrains 

(1) Vendo que os soldados nâo linham oulro reparo conlra a 
fomes e o frio que suas armas. 

(2) Que nâo lornassem para a terra boa e grossa. 



— 17i — 

âpres et difficiles. C'est ce qui porta les habitants 
de Nordiingen et d'autres villes et châteaux, où ils 
avaient laissé du monde, et qui se voyaient aban- 
donnés et sans espérance de secours, à se sou- 
mettre à Sa Majesté. L'empereur , dont l'intention 
était plutôt de rompre et de désunir les protestants 
que de prendre vengeance desdits lieux (1), les 
reçut à composition et se mit en roule du côté de 
Nordiingen. 

Comme il a été dit, l'hiver était déjà fort rigou- 
reux. Les soldats se trouvaient fatigués et épuisés, 
et la plupart ou presque tous étaient d'avis qu'il 
serait bon que l'empereur se contentât des résul- 
tats obtenus, mit ses troupes en garnison aux fron- 
tières et laissât reposer son armée. L'empereur 
l'eût fait volontiers, tant pour ménager les troupes, 
que pour ne pas suivre presque seul son opi- 
nion (2); mais il comprit quel inconvénient en 
pouvait résulter, et que l'on perdrait ainsi le fruit 

(1] Guja lençâô sendo mais accabar de romper e dividir a os 
protestantes, que tomar vingança dos dillos lugares. 
[% Gomo por Dâo seguir quasi 60o sua opiniàô. 



— 172 — 

de tous les succès déjà obtenus, car les protestants 
étaient convenus entre eux qu'ils iraient avec toute 
leur armée prendre leurs quartiers dans la Fran- 
conie, où ils auraient pu se refaire d'argent, 
d'hommes et d'approvisionnements, afin de recom- 
mencer la lutte et avec plus d'obstination. Il se 
détermina donc bien contre son gré à suivre son 
opinion (1). Il faut ajouter à cela cette considé- 
ration importante qu'il avait quelque motif d'es- 
pérer que, les deux armées continuant la roule 
qu'elles suivaient, l'une toujours à la suite de l'autre, 
à une distance de quatre, cinq ou six lieues, il pou- 
vait se présenter quelque occasion, en se rappro- 
chant le plus possible des ennemis et en marchant 
toute une nuit, les nuits étant longues, de les 
attaquer au point du jour. Ainsi Sa Majesté se 
mit en route, en suivant la ligne droite (2), et par 
un bon pays, dans la direction de Dingelspuhel. 
Celte ville était aussi entrée dans la ligue, et 

(1) Se delerminou bem conlra sua vontade de seguir sua 
opiniâô. 

(2) Gomo quem vai pela corda. 



— 175 — 

quoiqu'elle y eût librement persisté longtemps 
avant de rentrer dans le devoir, elle se soumit tou- 
tefois. L'empereur se dirigea ensuite sur Roten- 
burg, qui n'avait pas fait partie de la ligue, et 
qui envoya également des députés au devant de Sa 
Majesté. Les protestants marchaient à travers un 
pays de montagnes, faisant des détours et reve- 
nant sur leurs pas, de sorte qu'ils souffraient beau- 
coup plus de mal, de peine et d'embarras, que 
l'armée impériale. Pour montrer qu'ils faisaient 
quelque chose , ils attaquèrent en passant et pri- 
rent Gemundt, ville impériale qui était toujours 
restée fidèle et qui s'était maintenue dans l'ancienne 
religion : aussi plus tard l'empereur fit-il bien ré- 
parer le dommage qu'elle avait éprouvé, par ceux- 
là mêmes qui en avaient été la cause. 

Les protestants reconnurent que, par la route 
qu'avait prise l'empereur, ils se trouvaient trompés 
dans leurs desseins et obligés de se dissoudre ou de 
se séparer (1), puisque dans cette route l'armée de 

(1) Ficavam fruslrados de seus intentos e conslrangidos a se 
romperou dividir. 



~ i74 - 

l'empereur ne s'écartait pas de la direction indiquée 
plus haut. Ils commencèrent à se disperser de jour 
en jour, de sorte qu'ils laissèrent en arrière une partie 
de leur artillerie et de leurs bagages et qu'en peu 
de temps toute leur armée se rompit et se défit. Il 
ne leur resta que peu de troupes avec Jean-Frédéric 
de Saxe, qui parvint par des pays boisés et mon- 
tagneux à passer le Mein et se réfugia k Gotha , 
château-fort de ses États. Cependant l'empereur, 
pour mieux s'assurer de ce qui se passait, expédia 
de Rotenburg le comte de Buren avec le reste des 
gens qu'il avait amenés, et celui-ci ne rencontra plus 
les mêmes obstacles qu'à son arrivée. Déjà la cité 
impériale de Francfort avait annoncé qu'elle se 
soumettait à l'empereur, et après avoir reçu gar- 
nison, elle lui envoya des députés pour faire acte 
d'obéissance. 

Cela ayant eu lieu, l'empereur voyant qu'il ne 
rencontrait plus de résistance, et qu'au contraire 
plusieurs des villes, qui lui avaient été hostiles, 
commençaient à traiter de leur soumission, s'arrêta 
quelques jours à Rotenburg, où il logea les sol- 



— 17o — 

dats à couvert et où il les laissa prendre quelque 
repos. Il y fut atteint de la goutte; mais dès qu'il 
se trouva un peu mieux, et que l'armée se fut re- 
faite et reposée, il marcha vers la ville de Halle, en 
Souabe (qui était entrée dans la ligue, mais qui re- 
connut sa faute) ; il y eut une nouvelle attaque de 
goutte. Là l'Électeur vint le saluer, désolé de ne pas 
avoir fait mieux (1). Ceux d'Ulm revinrent aussi à 
l'obéissance en avouant leur faute, et on leur im- 
posa une garnison. 

L'empereur, étant un peu rétabli de la goutte, se 
mit en route pour Heilbron, ville qui avait aussi été 
de la ligue et qui avait agi comme la plupart des 
autres, et il envoya en avant son général dans l'État 
de Wurtemberg. Dès que celui-ci y fut entré, on vit 
en peu de jours presque toutes les places qui se 
trouvaient en pleine campagne se rendre à lui. Le 
duc de cet État chargea des députés d'entamer des 
négociations, et après un échange de propositions 
et de répliques, un arrangement fut conclu, et le 

(1) Eleclor veo alli fazer a reverencia, bem pezaroso de o 
Dâo 1er fcito melhor. 



— 176 — 

duc fut reçu par l'empereur à qui il prêta obéis- 
sance. La goutte vint de nouveau tourmenter 
l'empereur à Heilbron ; et elle dura si longtemps, 
que, même lorsqu'il partit pour aller à Ulm, où il 
arriva au commencement de Tannée 1547, il n'était 
pas encore bien portant. Comme, depuis l'attaque 
qu'il en avait ressentie à la Saint-François, il 
n'avait fait que retomber d'un accès dans un autre, 
ce qui peut compter pour sa treizième atteinte 
de goutte, il résolut, afln de s'en délivrer, de se 
mettre en traitement et à la diète. Sur ces entre- 
faites, les habitants d'Augsbourg, reconnaissant 
aussi leur faute, se présentèrent à Sa Majesté, et 
lui rendirent obéissance. On leur imposa également 
une garnison. Autant en firent ensuite ceux de 
Strasbourg. Dans le même temps parvint aussi à Sa 
Majesté la nouvelle de la mort du roi d'Angleterre. 
1547 Tandis que l'empereur était, comme il a été dit, 
à Ulm, où il attendait la saison convenable pour se 
mettre au régime et assurer sa guérison (1), chaque 

(I) Esperando sazâô accomodada para se por em regimenlo, 
e se curar para o effeito e fim. 



— 177 — 

jour lui arrivaient nouvelles sur nouvelles que Jean- 
Frédéric de Saxe (qui, comme on Fa dit, n'avait 
conservé avec lui, de la grande armée des protes- 
tants, que peu de troupes, avec lesquelles il s'était 
retiré à Gotha), se renforçait et augmentait con- 
stamment le nombre de ses soldats. Non-seulement 
il voulait essayer de reconquérir ce que le roi 
des Romains et le duc Maurice lui avaient enlevé, 
mais de plus il travaillait et préparait tout pour 
s'emparer de leurs possessions, exciter et agiter 
leurs sujets, et enfin leur faire le plus de mal 
qu'il pourrait (1). Le roi des Romains et le duc 
Maurice en avertissaient tous les jours Sa Majesté, 
et il fut convenu qu'on enverrait de ce côté une 
partie de l'armée qui était restée à l'empereur, 
armée qui, par suite des fatigues qu'elle avait sup- 
portées, se trouvait considérablement diminuée; 
et ce qui contribua encore à l'affaiblir, c'est qu'il 
arriva précisément dans le même temps que le pape 
Paul (outre tous les mauvais offices qu'il avait déjà 

(1) Trabalbava e procura va de lomar o seu délies, e concilar 
e allerar seus subdilos e eni fim de llies fazer o peor que podesse. 



— 178 — 

rendus, comme on l'a raconté plus haut en partie, 
et qu'il rendit ensuite, en écrivant aux Suisses cer- 
taine chose qu'il pensait devoir être d'un grand pré- 
judice à l'empereur) (1), chargea son nonce de 
prévenir Sa Majesté qu'il rappelait tous les soldats 
italiens, que jusqu'alors il avait payés. Quelles que 
fussent les instances de l'empereur pour qu'il ne le 
fit point et pour qu'il s'associât à l'honneur de la 
victoire (2), le pape ne voulut pas les écouter, et 
lesdits Italiens se retirèrent. 

L'empereur se trouvait donc fort embarrassé (3) 
de voir d'un côté qu'il pouvait difficilement parta- 
ger ses troupes, et de l'autre que sa santé réclamait 
un traitement (4), et il ne savait ce qu'il devait dé- 
cider. Toutefois, voyant les succès de Jean-Frédéric 
et, plus tard, la défaite et la captivité du margrave 



(1) Aiem de todos os officios que o Papa Paulo tinha feilos 
como em parle acima se contem, e despois fez escrevendo aos 
Suiços algûa cousa, que cuidava scr de grande prejoizo. 

(2) Por mais que o Emperador inslou que fal nâo fizesse e 
que quisesse ter parle na lionra da vicloria. 

(3) Gonfuso. 

(4) Que sua saûde pedia cura. 



— 179 — 

Albert de Brandebourg, qui avait été envoyé par 
l'empereur, avec quelques troupes à pied et à che- 
val, au secours du roi son frère et du duc Maurice; 
ayant en même temps appris la mort de la reine 
des Romains, sa belle-sœur, et considérant la dou- 
leur et Taffliction que le roi son mari en ressen- 
tait, il résolut (tant pour le consoler que pour las- 
sister) (1), d'ajourner le traitement et la dièle 
qu'exigeait sa convalescence. Il jugea donc qu'il fal- 
lait laisser à Augsbourg, à Ulm et à Francfort, les 
garnisons qu'il y avaitplacées, etpartit aussitôt avec 
le reste de son armée; et comme non-seulement il 
ne convenait pas de la partager, mais qu'au con- 
traire il était nécessaire de l'accroître , il leva un 
nouveau régiment d'Allemands. Cela fait, il quitta 
Ulm, et, en arrivant à Nordlingen, il s'y trouva 
si mal de diverses indispositions qui lui survinrent, 
à la suite des fatigues qu'il avait éprouvées, qu'il 
fut contraint d'y rester plusieurs jours. Cepen- 
dant, voyant l'inconvénient qui pouvait résulter 

(1) Assi polo consolar em hum caso, como polo adjudar em 
oulro. 



— 180 — 

d'un trop long retard, il se mit en route, bien que 
malade, en litière et comme il le put (1), et continua 
jusqu'à Nuremberg, où il fut reçu comme dans une 
ville qui n'avait point pris part à la ligue et qui ne 
lui avait jamais été hostile. Là, il eut une rechute, 
de sorte qu'il fut forcé de s'y arrêter plus qu'il ne 
l'eût voulu. Néanmoins, il fit un tel effort (2), que 
tantôt en litière, ainsi qu'il a été dit, tantôt d'autre 
manière, il atteignit Egra. Pendant ce trajet, il ren- 
contra le roi son frère et le duc Maurice, et le fils de 
l'électeur de Brandebourg. Celui-ci, écoulant l'affec- 
tion que sa maison avait toujours montrée pour celle 
d'Autriche, et laissant en suspens toutes les ques- 
tions d'opinions (3), était convenu avec ledit roi des 
Romains de lui fournir des troupes et de l'assister 
dans cette guerre qui, comme on l'a dit, n'était pas 
engagée seulement avec le duc Jean-Frédéric , mais 
qui avait aussi troublé à tel point les populations 



(1) Eni liteira e corne pode. 

(2) Contudo se esforçou e fez tanto. 

(3) Segundo a affeiçàô que sua casa tivera sempre a de Aus- 
tria, deixando lodas as opinioe's suspensas. 



-- 18i -> 

de la Bohême, qu'elles voulaient s'eu mêler plus 
que de raison (1). 

Tandis que Leurs Majestés se trouvaient à 
Egra, elles reçurent la nouvelle de la mort du roi 
de France. Elles réglèrent leurs affaires de telle ma- 
nière que, peu de jours après, elles partirent avec 
tous leurs gens de guerre. L'empereur avait d'abord 
donné au duc d'Albe, son général, et aux autres 
capitaines, l'ordre d'écarter certains obstacles qui 
pouvaient gêner la marche : ils firent si bien leur 
devoir qu'ils soumirent tous les lieux et places du 
parti contraire, qui se trouvèrent sur leur passage, 
et les garnisons qui les occupaient furent mises 
en déroute et perdirent leurs enseignes. Leurs 
Majestés partirent le jour suivant , de telle sorle 
que, après neuf jours, elles arrivèrent à une 
maison du duc Maurice, nommée Somhof Dès 
qu'elles y furent, le duc Maurice et le duc d'Albe 
allèrent reconnaître le bas du fleuve pour voir 
ce qu'il y avait lieu de faire. A leur retour, après 

(1) Mas tambem elle IJnha de tel modo concilado aos de Boeniia 
que se quiseram nieUer mais nella do que Ihes estavu bem. 



— 182 — 

quelques rumeurs et quelques fausses alarmes, 
elles acquirent la certitude que le duc Jean -Fré- 
déric avait son camp à Meissen , sur l'autre rive 
de TElbe, à trois grandes lieues de Fendroit dont 
on a parlé plus haut, où logeaient Leurs Majestés. 
Comme les soldats avaient marché tous ces neuf 
jours à peu près sans s'arrêter, il sembla bon à l'em- 
pereur qu'ils se reposassent le lendemain de leur 
arrivée, car la nécessité pouvait se présenter (et 
c'est ce qui eut lieu), d'engager quelque bonne 
affaire (1). Pendant ce jour de repos donné à 
l'armée, l'empereur, pour ne pas demeurer oisif, 
et afin d'avoir des nouvelles des ennemis, en- 
voya des reconnaissances de deux côtés. Les uns 
allèrent droit à Meissen, où ils n'aperçurent 
plus le camp des ennemis, parce que, comme ils 
s'en assurèrent, ceux-ci avaient décampé à mi- 
nuit. Cette ville se soumit, mais lesdits éclaireurs 
trouvèrent le pont rompu et brûlé. Les autres 
qui avaient remonté la rivière (2), découvrirent 

(1) De fazer algum boni negocio. 

(2) Os que foram contra a correnle do rio. 



- 183 — 

rarmée des ennemis qui était en marche sur lautre 
rive ; et vers les trois heures après-midi , ils virent 
Tavant-garde s'établir dans un lieu, situé aussi sur 
la rive gauche de TElbe, nommé Muhlberg, à trois 
lieues du camp de Leurs Majestés ; et ils jugèrent, 
d'après les bagages qu'elle conduisait avec elle, que 
l'arrière-garde ne pourrait prendre ses quartiers, 
que vers minuit. Ces divers avis arrivèrent presque 
à la fois, vers les cinq heures du soir, à l'empereur, 
et Dieu sait combien il se repentit de s'être arrêté ce 
jour-là, parce qu'il lui semblait que le lendemain il 
serait trop tard pour atteindre les ennemis; mais 
Dieu y pourvut par sa bonté (1). 

L'empereur considéra que l'armée des protes- 
tants avait marché près de vingt-quatre heures , et 
qu'il leur était impossible de déloger aussitôt et de 
faire une longue journée ; il avait aussi été instruit, 
le jour même qu'il arriva à Somhof, qu'il y avait un 



(1) Deus sabe se se arrependeo bem de se ter delido aquelle 
dia, por que Ihe parecia, que nâo baveria tempo ao oulro dia 
para poder alcancar aos enemigos, o que todavia Deus por sua 
boDlade remediou. 



— 184 — 

OU deux gués près ou vis-k-vis de Muhlberg, où 
Ton passait parfois le fleuve, quoiqu'il fût large et 
profond. Il appela donc sans retard le roi son 
frère et le eue Maurice, auxquels il communiqua, 
en même temps qu'à son général, ce qu'il pensait 
et voulait faire (1). Bien qu'il rencontrât de l'oppo- 
sition chez quelques-uns , surtout parce que Ton 
croyait certain qu'il n'y avait pas de gué, son avis 
fut toutefois approuvé par d'autres, et il le maintint. 
Afin de balancer et de réparer la faute qu'il croyait 
avoir commise en ne se mettant pas en route ce 
jour-là, il voulait partir, sans hésiter, à l'heure 
même avec toute son armée, laissant en arrière 
les hommes inutiles et les bagages ; mais en cela 
il trouva des contradicteurs (2), parce que, 
l'emplacement du camp étant entouré d'un ruis- 
seau et d'une issue fort difficile, on n'aurait pu, 
comme il faisait déjà nuit, éviter à la sortie du camp 
beaucoup de confusion et de désordre. L'empe- 
reur se conformant à cette opinion, et voyant 

(1) que tinha no pensamenlo e vontade de fazer. 
(â) Mas foi llie islo confrariado. 



— 485 — 

qu'elle était raisonnable, résolut de remettre le dé- 
part au matin. Et afin de ne manquer de rien dont il 
pût avoir besoin, il ordonna à son général de tirer 
du camp quelques pièces d'artillerie légère, et tous 
les chariots chargés débarques et de ponts. En effet, 
si l'un des gués lui faisait faute, il voulait s'aider 
d'un pont de bateaux afin de faire passer promp- 
tement l'infanterie nécessaire pour soutenir et ap- 
puyer la cavalerie, qui aurait franchi l'autre gué; 
et si cela ne se pouvait pas, il voulait du moins 
essayer (en traversant la rivière ou de toute autre 
manière) tous les moyens de faire le plus de dom- 
mage et le plus de mal possible aux protestants. 
Cett^ résolution prise, et tout ce qui devait se 
faire cette nuit ayant été exécuté, l'empereur se 
coucha jusqu'à minuit. Alors il se leva, et aussitôt 
il fit donner le signal du boute-selle (1), afin que 
tout fût en ordre pour partir aux premières lueurs 
de l'aube. Avant qu'il fit jour , il envoya en avant 
le duc d'Albe, avec quelques chevau-légers, et des 

(I) E logo fez dar sinal a cellare. 



— 186 -- 

arquebusiers à cheval pour reconnaître la disposi- 
tion et rétat des ennemis. L'empereur, après avoir 
entendu la messe avec le roi son frère et le duc 
Maurice, le suivit avec Tavant-garde, et ayant mis 
en mouvement toute son armée ou la plus grande 
partie, ainsi qu'il convenait, il s'avança dès que 
parut l'aurore (qui en cette saison commence à 
poindre à trois heures du matin), et alla, vers huit 
heures, s'établir avec toute son armée, vis-à-vis du 
camp des ennemis. 

Toute cette matinée il y eut un fort brouillard 
qui fut un grand obstacle à la marche, et l'empe- 
reur fut vivement contrarié de voir l'embarras et 
l'ennui que dans ces circonstances lui donnait le 
brouillard. Il durait encore lorsqu'on arriva vis-à- 
vis du camp des ennemis, de sorte qu'on ne pou- 
vait rien découvrir. Cependant l'empereur remit le 
tout aux mains de Dieu, afin que, soit qu'il voulût 
le conserver, soit qu'il voulût l'anéantir, sa volonté 
fût faite (1), et Dieu daigna, dans sa miséricorde, 

(1) Gonludo pondo o Emperador tudo nas mâos de Deus para 
que se os quisesse conservarou arriiinarf sua vontade fosse feila. 



- 187 — 

répandre tout à coup une si grande clarté que Ton 
vit que la supposition que Sa Majesté avait faite le 
jour précédent s'était réalisée, car non-seulement 
les ennemis n'étaient pas partis et ne faisaient pas 
mine de s'éloigner, mais ils ne savaient rien de 
l'arrivée de Leurs Majestés avec une armée; et de 
plus le brouillard, qui avait contrarié la marche de 
Leurs Majestés, leur fut favorable en empêchant 
les ennemis de découvrir jusqu'à ce moment l'ar- 
mée impériale, qui, malgré le brouillard, avait 
marché en si bon ordre que chacun gardait le rang 
qui lui avait été assigné. 

Leurs Majestés et le duc Maurice se portèrent en 
avant pour examiner de plus près les ressources et 
la disposition des lieux. Le général de l'empereur 
vint lui rendre compte de ce qu'il avait vu, conti- 
nuant toutefois à conserver ses doutes sur l'exis- 
tence d'un gué. En conséquence. Leurs Majestés se 
dirigèrent vers un petit village voisin, pour trouver 
quelqu'un qui les renseignât sur ce gué, et elles 
réussirent si bien qu'elles rencontrèrent un jeune 
campagnard sur une ânesse, qui l'avait franchi la 



— 188 — 

nuit précédente et qui s'offrit à le montrer. Leurs 
Majestés l'envoyèrent au général ; et tandis que 
Leurs Majestés et le duc Maurice mangeaient une 
bouchée (1), elles firent marcher en avant un bon 
nombre d'arquebusiers qui devaient, dès que le 
brouillard tomberait, commencer la fête (2). 

En ce moment le brouillard se dissipa et les 
ennemis découvrirent ce que jusqu'alors ils n'avaient 
pas vu; car ils s'étaient figuré que la troupe qui 
était arrivée au bord du fleuve n'était pas plus 
nombreuse que celle qu'ils avaient aperçue la 
veille, et ils n'en avaient pas tenu compte. IMais 
dès qu'ils reconnurent ce à qu.oi ils ne s'atten- 
daient pas, ils changèrent aussitôt d'avis, et com- 
mencèrent à plier leurs tentes et leurs pavillons, à 
monter à cheval et à se mettre en ordre de marche. 
En outre, ils firent descendre le fleuve à leurs équi- 
pages de pont, dans la direction de Toi^u et de 
Wittenberg, villes qui appartenaient à Jean-Fré- 
déric de Saxe, croyant les sauver de celte manière. 

(i) Temiam hum bocado. 

(3) Paraque, lanto que a nevoa caisse , começassem a fes(a. 



— 189 — 

Leurs Majestés avaient déjà quitté le village où 
elles avaient déjeûné, afin de donner les ordres né- 
cessaires. On commanda à quelques Hongrois et à 
quelques chevau-légers et arquebusiers à cheval de 
courir jusque vis-à-vis de Torgau, et quand ils y 
arrivèrent, il s'y engagea une escarmouche dans 
laquelle ceux de Torgau leur envoyèrent quelques 
volées d'artillerie. Pendant leur marche, Leurs Ma- 
jestés reçurent des nouvelles de ce qui vient d'être 
dit, et des mesures que Ton avait prises pour sauver 
les barques. L'empereur manda alors à son géné- 
ral de faire avancer les arquebusiers mentionnés 
ci-dessus, que Sa Majesté rencontra : ils revinrent 
aussitôt vers le fleuve, et beaucoup y entrèrent et 
engagèrent le feu. Les ennemis, quelle que fût la ré- 
sistance qu'ils leur opposassent avec leurs arquebu- 
siers et leur artillerie, furent contraints d'abandon- 
ner leurs ponts, et quelques arquebusiers espagnols, 
qui s'étaient lancés à la nage portant fépée entre les 
dents , les ramenèrent au rivage où se trouvaient 
Leurs Majestés. Sur ces entrefaites, une partie de 
l'armée ennemie commença à s'éloigner un peu du 



— 190 — 

fleuve; et par suite le jeune homme, dont on a 
parlé plus haut, eut le temps de montrer le gué. 
L'empereur ordonna aussitôt aux Hongrois, à quel- 
ques chevau-légers et à quelques arquebusiers à 
cheval de tenter le passage : ce qu'ils firent brave- 
ment. Enfin, après une double décharge de part et 
d'autre, les ennemis trouvèrent bon de s'éloigner 
du fleuve , et l'on peut bien compter ( ceci est 
hors de doute), que ce fut leur sixième faute (1). 
Car à coup sûr, s'ils avaient voulu garder et dé- 
fendre le fleuve, on n'aurait pu ce jour-là reconnaître 
le gué, ni les déloger, et ils auraient eu la nuit pour 
se mettre en sûreté. Ils doivent savoir ce qui les 
a portés à prendre ce parti (2). 

Les ennemis, ayant abandonné le fleuve à l'em- 
pereur, on lui adressa de grandes instances pour 
qu'il fît passer la cavalerie afin de poursuivre les 
ennemis. Mais considérant que c'était par sa déter- 
mination et son avis que l'armée avait été conduite 

(1) Esta se pode bem conlar, e sem duvida 1er pola sua sex(a 
falla e erro. 

(2) Elles devem sabero que os moveo a fazer islo. 



— 19i — 

là, il répondit qu'il n'avait pas agi ainsi pour rece- 
voir un affront, mais que bien mieux, avec la grâce 
de Dieu, il entendait obtenir Thonneur de la vic- 
toire (1). Il tint ce langage parce que les ennemis 
étaient aussi forts que lui en cavalerie, et que de 
plus ils avaient cinq à six mille fantassins avec de 
Fartillerie, ce que Sa Majesté ne pouvait avoir aussi 
promptement, parce qu'on avait besoin d'un peu de 
temps pour jeter le pont, qui était trop court pour 
un fleuve aussi large ; maïs, néanmoins, on parvint, 
en s'aidant des pièces de bois enlevées aux ennemis, 
à construire le pont; et tandis qu'on l'établissait, 
l'empereur envoya un des principaux personnages 
de l'armée (2) sur l'autre rive, avec l'ordre exprès 
de l'avertir dès qu'il verrait les ennemis à la dis- 
tance d'une petite lieue du fleuve. Car il avait la 
conviction (en tenant compte de l'obstacle que les 
Hongrois et les chevau-légers apportaient à leur 

(1) Mas considerando que por sua determinaçaô e parecer 
(inlia la levado o exercilo, respondeo que nâo (Izera islo para 
receber affronta, antes entendia corn o favor de Deus alcançar a 
honra da Victoria. 

(^) Algûa pessoa principal. 



— i92 — 

marche), que cette dislance n'était pas si forte 
que, après avoir effectué le passage, on ne pût 
les atteindre. Si, au contraire, ils voulaient se re- 
tourner contre l'empereur, le pont était déjà telle- 
ment avancé, et Ton avait fait telle diligence, que 
Ton avait de l'infanterie et de Tartillerie pour sou- 
tenir le combat. 

Quand l'empereur reçut l'avis qu'il attendait, il fit 
aussitôt marcher en avant tous les Hongrois et les 
chevau-légers, et de plus toute Tavant-garde, avec 
laquelle se trouvait le duc Maurice, et que com- 
mandait le duc d'Albe. Leurs Majestés, ayant laissé 
des troupes suffisantes à la garde du camp, les sui- 
virent aussitôt avec le corps d'armée, et elles firent 
si bonne diligence qu'après trois lieues d'Allemagne, 
elles les atteignirent. Bien que plusieurs fissent 
difficulté d'attaquer seulement avec de la cavalerie, 
sans infanterie et sans artillerie, parce que les en- 
nemis étaient bien fortifiés, et en position près d'un 
étang, l'empereur considéra néanmoins qu'il était 
déjà tard, et qu'il était impossible, d'après le che- 
min qu'on avait fait, que l'infanterie et l'artillerie 



— i93 — 

eussent pu suivre. [I considéra aussi qu'il importait 
de mettre fm à cette guerre, et que, si les ennemis 
échappaient cette fois, il pourrait arriver qu'elle se 
prolongeât plus qu'il ne convenait. Il reconnut de 
plus, chez les ennemis, une certaine frayeur (1), et 
il vit à leurs mouvements qu'ils étaient comme 
étonnés et stupéfaits (2) ; il résolut donc de faire 
ce qui était à faire avec la cavalerie qu'il avait avec 
lui. En conséquence, il ordonna à son général de 
marcher en avant et de reconnaître la disposition 
et l'attitude des ennemis. Celui-ci les trouva telles 
qu'à l'entrée d'un bois (où leurs gens de pied 
s'étaient arrêtés en bon ordre , avec quelque artil- 
lerie) il chargea avec le duc Maurice et l'avant- 
garde , leurs cavaliers qui furent rompus et por- 
tèrent le désordre dans l'infanterie , et ceux qui 
échappèrent prirent la fuite. Comme, à cause de 
l'étang. Leurs Majestés n'avaient pu, avec le corps 
d'armée, garder l'ordre qu'elles avaient observé en 
rase campagne, elles furent contraintes de suivre 

(1) Cerlo pavor. 

(â) Gomo altonilos e pa^mados. 



- 194 — 

Favant-garde , ce qu'elles firent pour maintenir 
Tordre accoutumé, et pour servir de renfort et 
d'appiii si cela était nécessaire. Les ennemis fu- 
rent poursuivis pendant une bonne lieue d'Alle- 
magne ; et quand Leurs Majestés s'arrêtèrent, elles 
apprirent que le duc Jean -Frédéric avait été fait 
prisonnier. Le duc d'Albe étant revenu de la pour- 
suite (elle dura toute la nuit et une partie du len- 
demain) , l'empereur le chargea de chercher Jean- 
Frédéric, et le duc d'Albe le lui amena et le lui 
présenta. L'empereur le confia à la garde vigilante 
dudit duc, et on l'entoura d'un nombre de soldats 
suffisant pour l'emmener en toute sécurité. Le duc 
Ernest de Brunswick fut aussi conduit prisonnier à 
Sa Majesté, et remis à la même garde. Ces ordres 
ayant été donnés. Leurs Majestés, avec les troupes 
qu'elles purent rassembler et qui revenaient de la 
poursuite, se mirent en route pour rentrer au camp, 
qui était de l'autre côté du fleuve, et en chemin elles 
rencontrèrent les gens de pied et l'artillerie légère, 
qui les avaient suivies aussi rapidement que c'était 
possible. On leur confia les chariots et les bagages 



— 195 - 

qui étaient restés en route, et après avoir marché 
encore pendant trois fortes lieues d'Allemagne, on 
franchit le pont, et on arriva au camp vers minuit. 
Ceci se passa le 24 avril. 

Leurs Majestés s'arrêtèrent dans le camp pendant 
deux jours. Le troisième, elles partirent pour Tor- 
gau, qui ouvrit aussitôt ses portes à l'empereur. Pen- 
dant la route, on lui présenta toutes les bannières 
et tous les étendards qui avaient été pris le jour de 
la bataille. Leurs Majestés, continuant leur marche, 
assirent leur camp en face de Wittenberg, où leur 
parvint la nouvelle de la défaite qu'avait essuyée, 
près de Brème, le duc Henri de Brunswick. Le 
siège de Wittenberg se fit comme cela a lieu d'or- 
dinaire. L'électeur margrave de Brandebourg se 
rendit près de l'empereur, et l'on commença, tant 
de la part de Jean-Frédéric de Saxe, que de celle 
de sa femme et de ses enfants, qui étaient dans 
la ville, à négocier et à traiter d'un arrangement; 
et ces pourparlers continuèrent de telle sorte que 
la ville capitula. D'autres places lui furent aussi 
remises, et d'autres furent démolies, le tout suivant 

IS 



— 196 — 

ce qui avait été convenu; et, d'après les mêmes 
conventions, ledit duc continua à rester gardé à la 
cour de Sa Majesté, qui donna le titre d'électeur 
et les places qui lui appartenaient, au duc Maurice 
pour les bons services qu'il lui avait rendus et pour 
la bonne volonté et l'affection qu'il lui portait et 
lui témoignait (1). L'empereur fit mettre en liberté 
le marquis Albert de Brandebourg et le duc Henri 
de Brunswick, et d'autres qui avaient été faits 
prisonniers précédemment. 

Le roi des Romains et le duc Maurice électeur, avec 
les troupes qu'ils avaient amenées, quittèrent Wit- 
tenberg deux jours avant le départ de l'empereur : 
le roi, pour apaiser les troubles de la Bohême, et le 
duc, pour consolider ses affaires, suivant ce qui 
venait d'être résolu d'un commun accord (2). 

L'empereur, considérant qu'il y avait longtemps 
qu'il soutenait ces deux guerres, et qu'il n'y avait 
enfin plus de chef important qui pût s'élever contre 

(i) Polos bons serviços, que Ihe fizera e boa vontade e affei- 
cam, que Ibe tinba e mosirava. 

(2) Por segurar suas cousas conforme ao que entre todos 
eslava concertado. 



- 197 — 

lui (1), se détermina à licencier ses troupes, et vou- 
lut terminer ce qui lui restait à faire par la voie de 
douceur (2), et par une conférence générale des 
députés de Fempire (3). Il résolut la convocation 
d'une diète, et à cet effet il partit pour Halle 
en Saxe, qui le reçut avec une complète obéis- 
sance. Pendant ce voyage, arriva une ambassade des 
habitants de la Bohême, qui demanda à l'empereur, 
aussi bien qu'au roi son frère, les troupes et les 
forces nécessaires pour pacifier ce royaume : ce 
que le roi exécuta plus tard. 

Avant le départ de l'empereur, de Wittenberg, 
certaines conditions, je veux dire, certaines offres 
de réconciliation et d'amende honorable (4), avaient 
été mises en avant par les électeurs de Saxe et de 
Brandebourg au nom du landgrave de Hesse; mais 
l'empereur les rejeta parce qu'elles étaient trop 

(1) Que em fim nâo havia cabeça algûa principal, que se po- 
desse levantar conira elle. 

(2) Per via de brandura. 

(3) Per gérai communicaçàô do Imperio. 

(4) Âlgûs parlidos, digo offereeiinonlos de reeonciliaçâô e 
arrependimenlo. 



^ 498 — 

générales, et qu elles présentaient peu d'importance 
et de garantie (1). On lui soumit alors un autre 
écrit qui, après avoir été approuvé par les mêmes 
électeurs et par le landgrave, fut examiné par 
l'eicpereur, qui l'accepta pour contenter tout le 
monde (2). Ces dispositions ayant été ratifiées 
par tous, le landgrave de Hesse vint se présenter 
à Sa Majesté dans la ville de Halle, où il recon- 
nut sa faute et fit acte d'obéissance, comme il le 
devait. (3) L'empereur ordonna à son général de 
le tenir en sa garde, ce qui, d'après ledit écrit, 
pouvait et devait être fait (4) ; et bien qu'alors et 
depuis, ledit landgrave et les électeurs aient pré- 
tendu que l'empereur agit autrement, en donnant 
à l'écrit une interprétation conformé à ses dé- 



(1)Por serem mui(o geraes, e de pouca imporlancia e segu- 
ranca. 

{^) E bem vislo e considerado de Sua Mageslade polos con- 
leniar a lodos o quis acceilar. 

(3) E seguindo a disposiçdô delle sendo per (odos ratificado, 
diUo Lanlsgrave se veo nppresenlar na dilla cidadede Alla a 
Sua Mageslade, onde despois deconhecer sua culpa, e dar a 
oliediencia que dévia. 

(i) Que couforme ao ditio pape! se dévia e podia fazer. 



— 199 — 

sirs (1), on ne peut nier toutefois que l'empereur 
n*ait pu faire ce qu'il fit, et que ce qu'il fit ne fût 
conforme à la convention (2). 

Un grand nombre de princes et de villes du 
Nord, qui avaient adhéré à la ligue de Smalcalde 
et qui avaient contribué auxdites guerres, recon- 
naissant leur erreur, revinrent à l'obéissance de 
l'empereur; et les autres villes, qui n'étaient pas 
entrées dans la ligue et n'avaient pas contribué 
aux guerres, envoyèrent des députés pour faire 
acte de l'obéissance due et accoutumée, ainsi que 
de soumission (3). 

Comme on le voit fréquemment chez les soldats, 
qui, dès qu'ils sont oisifs, sentent le besoin de faire 
quelque chose, il arriva que, l'empereur ne pouvant 
plus les occuper (4), ils se mutinèrent entre eux,ua- 

(I) Inlerprelando o escrillo conforme a seus desejos. 
(S) Conludo nâo se pode negar que o emperador pode fazer 
que fez, e que o que fez foi conforme ao papel. 

(3) Para Ilie fazer e dar a dévida e coslumada obediencia, e 
reconhecimento. 

(4) Como lie cousa ordinaria enlre os soldados, que quando 
eslâo ociosos, buscam eui que se empregar, nâo lendo o empe- 
rador cousa em que os occupar. 



- 200 — 

lion contre nation, et il surgit des différends qui ne 
furent pas faciles à calmer. Néanmoins, Fempereur 
régla tout et établit un si bon ordre que, ayant 
trouvé le temps et le moyen de les séparer, il leur 
assigna divers logements, si bien que toutes les diffi- 
cultés et toutes les causes de trouble disparurent. 
Cela fait, fempereur prit le chemin de Nuremberg, 
et, conformément à l'intention, dont il a été parlé 
plus haut, il convoqua une diète à Augsbourg. 

Après ces deux grandes victoires que Dieu, dans 
son immense bonté, daigna accorder à l'empereur (1 ), 
il reçut de divers pays un grand nombre d'ambas- 
sades, et quelques-uns lui firent offrir des félici- 
tations qui étaient bien à contre-cœur (2). En effet, 
les pratiques que l'on découvrit alors, aupara- 
vant et depuis, l'agitation qui se manifesta à Na- 
ples, fentreprise du comte de Fiesque, à Gênes, 
les mouvements isolés, excités peut-être par des 



(1) Ëslas duas lào grandes viclorias alcançadas, que Deus foi 
servido |>or sua immensa bondadc de dar ao emperador. 

(^) Âlgiis Ihe mandaram dar os parahems, que eslavani bem 
pezarosos. 



- 201 - 

instigations étrangères, qui éclatèrent à Sienne, 
et ^ d'autres événements dont on a déjà fait 
mention, donnent assez à juger le projet et la 
volonté que Ton avait de troubler et de con- 
trarier Taccomplissement d'une si bonne œuvre, 
en même temps que la marche des affaires de 
l'empereur (1). 

Il y eut telles personnes qui s'abstinrent de 
prendre une plus grande part aux événements, 
désespérant d'une bonne réussite , mais plus tard 
elles en eurent un tel regret que, en cherchant un 
remède, elles détruisirent ce qu'elles avaient fait et 
établi, et les choses changèrent à ce point qu'elles 
furent obligées de modifier leurs desseins et de 
dissimuler leurs volontés. Si ces personnes ne sont 
pas telles qu'elles doivent être. Dieu veuille y porter 

(1) Porque pelas pratticas, que naquelle tempo, hum pouco 
antes e despois, se descobriram, assi da inquielaçàô que ouve em 

Napoles, como da quella que o conde de Fiesco fez em Genova, I 

e doutras paxoes particulares, que por ventura per iostigaçàô 
d*algûs se moveram enire os de Sena, et outras de que se tem 
feilo mençâo, se pode bem julgar a tençàô e vontade, que 
havia de perlurbar e impedir tâo boa obra, e as cousas do £m- 
perador. 



— 202 — 

remède, comme il Ta fait par le passé, en réglant 
les choses de manière que leurs désirs ne sac- 
complissent pas (1). 

Tout cela étant fait, l'empereur partit de Nurem- 
berg, où il gagna la jaunisse. Il en était presque 
guéri quand, ayant continué sa route jusqu'à 
Augsbourg, il eut une rechute, et il en fut telle- 
ment accablé qu'il en souffrit encore longtemps 
après son arrivée. Avant d'être en parfaite conva- 
lescence, il fît sa proposition à la diète pour que 
l'on traitât du remède à apporter aux affaires qui 
y étaient indiquées et qui tendaient toutes au ser- 
vice de Dieu, au bien, à la tranquillité, à l'union de 
l'Allemagne et à sa défense contre ceux qui vou- 
draient l'attaquer (2). La diète était commencée 

(1) Taes pode ser deixaram de se melter mais nesles negocios, 
desconfiando do bono successo délies, dos quaes despois o arre- 
pendimenlo foi ta), que (fuerendo remediar, perderam o que 
liniiam feilo e posto da sua parle, e as cousas se (rocaram de 
maneira que elles foram forçados a mudar sens desenhos e 
dissimular suas vontades. Se elias nào sao quaes derem ser, 
Deus queira remediar, como fez o piassado, ordenando as 
cousas de maneira, que seus desejos nào leveram effeilo. 

(2) Para que se traitasse do remedio das cousas nelia conlen- 



— 203 — 

quand y vint le roi des Romains, qui avait achevé 
de réduire la Bohême à son obéissance. Plus 
tard arriva, dans la même ville d'Augsbourg, la 
reine douairière de Hongrie, pour diverses affaires 
qu'elle devait y éclaircir. En ce temps, après la 
jaunisse, Tempereur eut la goutte; et bien qu'elle 
ne fût pas aussi générale que les précédenles,ellese 
fit sentir, à plusieurs reprises et en plusieurs lieux, 
de sorte qu'elle dura jusqu'au printemps de l'an 
1848. L'empereur l'avait pour la quatorzième fois; 
et, au printemps, pour hâter sa convalescence, il 
prit de la tisane de bois de Chine. 

Durant la diète impériale d'Augsbourg, il y eut 
quelques pratiques toutes hostiles, tendant à em- 
pêcher les bons résultats, dont on a parlé plus 
haut (1). Dans la même diète aussi, l'empereur fit 
tant que les États de l'empire se soumirent au 
concile qu'il avait toujours réclamé, comme on l'a 

dns, as quaes todas eram encaminkadas ao serviço de Deus, 
bem, Iranquillidnde, e uniâô da Germania, e defensâô contra 
o<; que a quisessem offender. 

« 

(l)Durandoa ditia diela impérial, ouve al}^uas prallieas lodas 
coiUrarias e para impedir o bom effeilo do que acitna se Irallou. 



— 204 — 

VU plus haut, depuis 1529 (1). Mais au moment 
où ce concile, convoqué à Trente, était appelé à 
exercer le plus d'influence, le pape Paul, par un 
motu proprio, voulut le transférer à Bolc^ne et 
l'évoquer à lui. Dieu sait dans quelle intention (2). 
L'empereur, voyant les grands maux qui pouvaient 
en résulter, s'y opposa , et y mit sans cesse empê- 
chement, en insistant tellement que ledit concile 
est resté à Trente (3). 

L'empereur était guéri de la jaunisse, et un 
jour qu'il se trouvait à la chasse pour se forti- 
fier, il reçut certaines nouvelles de Plaisance, 
qui lui apprirent que, par suite de la rigueur du duc 
Pierre-Louis, fils dudit pape Paul, et des mauvais 
traitements qu'il faisait éprouver aux habitants, 

(1) Tambem o coDcilio, que , como diUo lie, desde o anno 29 
emperador linha sempre procurado, e lanto feilo, que pelos 
eslados do Iniperio nadilladiellaseacceilou. 

(2) No mesmo (empo, quando se havia de dar maior calor, o 
Papa Paulo de seu molu proprio lenlou de o Iransferir a Bo- 
ioiiha, e avocar a si : corn que lençâô isto fosse, Dcus o sabe. 

(3) Vendo o emperador o grande mal, que dislo poderia re- 
sullar, coniradissc, e impedio sempre, e de lalmodo persislio, 
que diUo concilie esta em Trenlo. 



— Î205 — 

ceux-ci s'étaient soulevés contre lui, et ques'étant 
rendus maîtres de la ville, ils offraient de la remettre 
à celui qui leur ferait les meilleures conditions. 
Le gouverneur de TÉtal de Milan, en ayant été in- 
formé, accepta, au nom de Sa Majesté et avant que 
personne pût entrer dans le duché de Plaisance, 
les propositions qu'on lui adressa. L'empereur, 
par les motifs mentionnés, et aussi pour conserver 
et garder le droit de l'empire (1), ratifia et con- 
firma ce traité. 
1548 Malgré tout ceci, et en dépit des pratiques dont il 
a été parlé plus haut, on prit dans la diète d'Âugs- 
bourg les mesures convenables pour atteindre le 
but de sa réunion ; et, en ce qui touche la religion, 
on adopta un règlement qui devait être observé jus- 
qu'à ce que le concile eût prononcé à Trente (2). 
Dans le même temps, les soldats allemands. 



(1) Polas causas dittas, e (ainbeni por conservar e guardar o 
direilo do Imperio. 

{•2) Nâo obslanle (udo islo e as prallicas danles diUas, se Irallou 
n<) diilQ diella o que conviiilia para o eiïeilo e fini poio quai se 
ajuulara, e quanlo a religiâo, hum modu de viver alee que o 
concilio se célébrasse ém Trenlo. 



— 206 — 

qui composaient la garde de Fempereur, se muti- 
nèrent. Cela produisit plus de scandale que de 
danger (1), car, en s'enquérant de la cause de la 
mutinerie, on reconnut qu'il fallait Fattribuer plu- 
tôt h rinlérêt de quelques personnes isolées qu'à la 
mauvaise volonté des soldats. 

La diète prit donc toutes les résolutions qu'elle 
pouvait prendre (2), et comme elle siégeait depuis 
longtemps, l'empereur lui adressa, de l'avis du roi 
son frère et desdits États, une bonne proposi- 
tion (3); puis la diète s'acheva et chacun retourna 
chez soi. 

Avant le départ du roi, frère de l'empereur, on 
régla entre Leurs Majestés le mariage de la fille 
aînée de l'empereur avec le fils aîné du roi son 
frère, qui se nomme h présent le roi de Bohême; 
et comme l'empereur nourrissait l'intention et le 
désir de faire chercher le prince d'Espagne son 
fils, pour qu'il vît ses pays et fût connu de ses 

(1) Que foi causa de maior scandalo que de perigo. 

(:â) E (endo se concluido nella o quo enlâo se pode concluir. 

(3) Hua boa pratlica. 



— i207' — 

vassaux (1), il pria le roi son frère et le roi son 
gendre de vouloir bien que soiidit gendre allât se 
marier en Espagne, et qu'il y demeurât au nom de 
lempereur, en Tabsence du prince son fils, pour 
gouverner ces royaumes : à quoi ils consentirent. 
Aussitôt ledit roi de Bohême partit d'Augsbourg et 
traversant Tltalie, il s'embarqua à Gênes, puis 
aborda à Barcelone, et se rendit par la poste à 
Valladolid, où les noces furent célébrées. Le roi 
des Romains se mit aussi en route peu après pour 
veiller à ses intérêts; et l'empereur demeura encore 
quelques jours pour achever de régler ce qui res- 
tait à faire. 

Toutes ces choses étant terminées, l'empereur 
partit d'Augsbourg, après avoir laissé deux mille 
Espagnols en garnison dans trois places fortes du 
Wurtemberg, et après avoir retiré les troupes qui 
avaient été envoyées à Augsbourg. Ayant ainsi 
pourvu au bien et à Tordre de la chose publi- 
que (2), il prit la route d'Ulm, d'où il retira aussi 

(1) Para ver aquelles terras e so.r conliecido de seus vassnilos. 

(2) Deixando a repiibliea bem provida e ordenada. 



- 208 - 

la garnison, pour en emmener une partie avec lui, 
puis il se dirigea par Spire et par le Rhin vers 
Cologne. C'était la neuvième fois qu'il faisait cette 
route, et la huitième qu'il retournait aux Pays-Bas. 
L'empereur trouva la reine sa sœur à Louvain, 
puis il se rendit à Bruxelles, pour s'occuper de ses 
affaires aussi bien que de celles de ses États des 
Pays-Bas. 



FIN.. 



ERRATUM. 



La ville d'Afrique, donl il est parlé dans les commenlaires de 
Charles-Quint, p. 38, n'est pas Alger, mais Maliadia ou Mehedia, 
Tancien Aplirodisium. La prise de celle ville, en 1550, se trouve 
racontée dans une relation imprimée à Anvers en 1555 et dédiée 
à Louis d'Avila. 



V. 



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